Théorie des groupes/Exercices/Groupes alternés
Problème. Centre d'un groupe alterné
modifierProuver que si n est un nombre naturel , le centralisateur du groupe alterné dans est réduit à l'élément neutre. (A fortiori, le centre de est réduit à l'élément neutre.)
Soit un élément de qui centralise . Il s'agit de prouver que est la permutation identique. Soit a un élément de {1, 2, ... , n}; il s'agit de prouver que fixe a. Puisque n est supposé au moins égal à 4, nous pouvons choisir dans {1, 2, ... , n} trois éléments distincts de a, soient b, c et d. Les 3-cycles (a b c) et (b c d) appartiennent à , donc ils commutent avec , d'où
- (a b c) = (a b c)
et
- (b c d) = (b c d).
Compte tenu de l'effet d'une conjugaison sur un cycle (voir théorie), cela peut s'écrire
- ( (a) (b) (c) ) = (a b c)
et
- ( (b) (c) (d) ) = (b c d).
En passant aux supports, nous trouvons
- { (a), (b), (c)} = {a, b, c}
et
- { (b), (c), (d)} = {b, c, d}.
Donc
- { (a), (b), (c)} \ { (b), (c), (d)} = {a, b, c} \ {b, c, d},
d'où
- (a) = a, ce qui, comme nous l'avons vu, prouve l'énoncé.
Remarque. Le fait que pour , le centre de est réduit à l'élément neutre pourrait se déduire de la détermination des sous-groupes normaux de qui a été faite au chapitre théorique.
Problème. Contre-exemple à une réciproque du théorème de Lagrange
modifierProuver que le groupe alterné A4, qui est d'ordre 12, n'a pas de sous-groupe d'ordre 6. (Cela montre qu'on ne peut pas énoncer cette réciproque du théorème de Lagrange : « Si d est un diviseur de l’ordre d'un groupe fini G, G admet un sous-groupe d'ordre d. »)
Un sous-groupe d'ordre 6 de A4 serait d'indice 2 dans A4, donc (exercices sur le chapitre Sous-groupes distingués, groupe quotient) serait un sous-groupe distingué de A4. C'est impossible, puisque (chapitre Groupes alternés, section Sous-groupes distingués des groupes alternés) les seuls sous-groupes distingués de A4 sont 1, A4 lui-même et un sous-groupe d'ordre 4 de A4.
Problème. Un sous-groupe maximal n'est pas forcément d'indice premier
modifierOn a vu dans un exercice sur le chapitre Groupes monogènes, ordre d'un élément que si G est un groupe, si M est un sous-groupe normal et maximal de G, alors M est d'indice (fini) premier dans G. Prouver que ce n'est pas forcément vrai si on ne suppose pas que M est normal. (Indication : on a prouvé dans un précédent exercice que le groupe alterné A4 n'a pas de sous-groupe d'ordre 6.)
Puisque A4 est un groupe fini d'ordre divisible par 3, nous pouvons choisir, d'après le théorème de Cauchy, un sous-groupe M d'ordre 3 de A4. (Il est d'ailleurs clair qu'on peut prendre pour M le sous-groupe de A4 engendré par l'élément .) Prouvons que M est un sous-groupe maximal de A4. Soit H un sous-groupe de A4 tel que . D'après la formule des indices,
- [A4:H] [H:M] = [A4:M],
c'est-à-dire
- (1) [A4:H] [H:M] = 4.
On a vu dans un précédent exercice que A4 n'a pas de sous-groupe d'ordre 6, autrement dit n'a pas de sous-groupe d'indice 2, donc la relation (1) n'est possible qu'avec [A4:H] = 1 ou [H:M] = 1. Si [A4:H] = 1, alors H est égal à A4; si [H:M] = 1, alors H est égal à M. Nous avons donc prouvé que tout sous-groupe H de A4 tel que est égal à M ou à A4, ce qui revient à dire que M est un sous-groupe maximal de A4. Puisque M est d'indice 4, et donc d'indice non premier, dans A4, cela démontre l'énoncé.
Problème. Classes de conjugaison du groupe alterné A4
modifiera) Soit n un nombre naturel, soit un élément de ; on suppose qu'il existe une permutation impaire telle que (autrement dit, la permutation est sa propre conjuguée par une permutation impaire dans ). Prouver que la classe de conjugaison de dans est identique à sa classe de conjugaison dans .
Tout conjugué de dans est conjugué de dans , donc il suffit de prouver que tout conjugué de dans est conjugué de dans . Soit un élément de ; il s'agit de prouver que est conjugué de dans . C'est évident si la permutation est paire. Si est impaire, cela résulte de
- ,
où est paire.
b) Déterminer le nombre des classes de conjugaison dans le groupe alterné . Pour chaque classe, préciser le cardinal de cette classe et en indiquer un élément.
Le groupe est formé d'un élément d'ordre 1, de trois éléments d'ordre 2, à savoir (1 2) (3 4), (1 3) (2 4) et (1 4) (2 3), c'est-à-dire les trois éléments de de structure cyclique 2-2, et de huit éléments d'ordre 3, à savoir les huit 3-cycles de : (1 2 3) et son inverse, (1 2 4) et son inverse, (1 3 4) et son inverse, (2 3 4) et son inverse.
Un élément de la forme (a b) (c d) est son propre conjugué par la permutation impaire (a b), donc, d'après le point a), sa classe de conjugaison dans est égale à sa classe de conjugaison dans . Donc les trois éléments d'ordre 2 de forment une classe de conjugaison dans .
- Voici une autre justification de ce fait. Si (a b) (c d) n'avait qu'un conjugué dans , (a b) (c d) serait un élément central de , ce qui est impossible, car d'après un problème précédent, le centre de est réduit à l'élément neutre. Si (a b) (c d) avait exactement deux conjugués dans , son centralisateur dans serait d'ordre 6, ce qui est impossible, car d'après un problème précédent, n'a pas de sous-groupe d'ordre 6. Donc (a b) (c d) a au moins trois conjugués dans , qui sont a fortiori des conjugués de (ab) (cd) dans . Comme (ab) (cd) a exactement trois conjugués dans , les conjugués de (ab) (cd) dans sont donc exactement les trois conjugués de (ab) (cd) dans , à savoir (1 2) (3 4), (1 3) (2 4) et (1 4) (2 3).
Montrons maintenant que les huit 3-cycles (conjugués dans ) se partagent en deux classes de conjugaison dans comprenant chacune quatre éléments.
Soit un 3-cycle de . Son centralisateur dans est d'ordre 4!/8 = 3. Comme ce centralisateur contient , il est égal à donc inclus dans , si bien que le centralisateur de dans est, lui aussi, égal à , donc la classe de conjugaison de dans est de cardinal (4!/2)/3 = 4. Il en résulte que les huit éléments d'ordre 3 de se partagent en deux classes de conjugaison de 4 éléments chacune.
Montrons que et ne sont pas conjugués dans . Soit l'une des trois transpositions de support inclus dans celui de . On vérifie que
donc pour tout autre élément de tel que , le produit appartient au centralisateur , donc .
Ceci prouve que et ne sont pas conjugués dans . En particulier, (1 2 3) et (1 3 2) ne sont pas conjugués dans .
Les 4 classes de conjugaison dans sont donc la classe de l'élément neutre, la classe de (1 2) (3 4), la classe de (1 2 3) et la classe de (1 3 2).
Remarque. Cet exercice nous servira dans un chapitre ultérieur (Caractères irréductibles de quelques groupes) pour déterminer les caractères complexes irréductibles du groupe .
Problème. Sous-groupes simples de Sn
modifiera) Soient G un groupe, N un sous-groupe normal de G et S un sous-groupe simple de G. Prouver que S est contenu dans N ou isomorphe à un sous-groupe de G/N. (Indication : considérer le sous-groupe de S.)
Le sous-groupe de S est normal dans S, donc, puisque S est simple, est égal à S ou réduit à l'élément neutre. Dans le premier cas, S est contenu dans N, donc l'énoncé est vrai dans ce cas. Dans le second cas, il résulte du second théorème d'isomorphisme que S est isomorphe à SN/N, qui est un sous-groupe de G/N, donc l'énoncé est encore vrai dans ce cas.
b) Soient X un ensemble fini et G un sous-groupe de SX comprenant au moins une permutation impaire. Prouver que G a au moins un sous-groupe d'indice 2. Plus généralement, prouver que si H est un groupe, s'il existe un homomorphisme de H dans un groupe symétrique fini et un élément de H tel que f(x) soit une permutation impaire, alors H a au moins un sous-groupe d'indice 2.
Démontrons d'abord le second énoncé. Faisons suivre par l'homomorphisme signature de dans le groupe Nous obtenons ainsi un homomorphisme qui, d'après les hypothèses, prend la valeur -1, et est donc surjectif. D'après le premier théorème d'isomorphisme, est donc isomorphe à et est donc d'ordre 2, donc est un sous-groupe d'indice 2 de H, ce qui prouve le second énoncé du point b). On en tire le premier énoncé en faisant H = G et en prenant pour l'homomorphisme inclusion de G dans SX
Remarque. Le premier énoncé du point b) nous servira dans la suite du présent problème. Le second énoncé nous servira dans un problème de la série Premiers résultats sur les groupes simples.
c) Soient X un ensemble fini et G un sous-groupe simple de SX dont l’ordre est au moins égal à 3. Prouver de deux façons, l'une à l'aide du point a) et l'autre à l'aide du point b), que G est contenu dans AX.
Voici tout d’abord une démonstration à l'aide du point a). On a vu dans la théorie que AX est un sous-groupe normal de SX. D'après le point a), G est donc contenu dans AX ou isomorphe à un sous-groupe de SX/AX. Mais SX/AX est d'ordre au plus égal à 2 (et en fait, dans nos hypothèses, d'ordre égal à 2). Donc G, qui est supposé d'ordre au moins égal à 3, ne peut pas être isomorphe à un sous-groupe de SX/AX, donc il est contenu dans AX, ce qui prouve l'énoncé.
Voici maintenant une démonstration à l'aide du point b). Il revient au même de prouver que si G n’est pas contenu dans AX, il n’est pas simple. Or d’après le point b), G contient alors un sous-groupe d'indice 2, soit H. Puisque l’ordre de G est > 2, on a 1 < H < G; de plus, tout sous-groupe d'indice 2 étant normal, H est normal dans G. Il en résulte que G n’est pas simple.
Remarque. L'énoncé c) nous servira pour démontrer dans le chapitre Premiers résultats sur les groupes simples que si un groupe simple G d'ordre au moins égal à 3 admet un sous-groupe propre d'indice fini n, G est isomorphe à un sous-groupe de An.
d) Soient n un nombre naturel impair et G un groupe d'ordre 2n. Prouver que G contient un sous-groupe d'ordre n. (Indication : utiliser le point b), en considérant un certain sous-groupe isomorphe à G dans le groupe SE, où E désigne l’ensemble sous-jacent de G.)
Désignons par E l’ensemble sous-jacent de G. Pour tout élément g de G, désignons par Lg la permutation de E. D'après le théorème de Cayley, définit un isomorphisme de G sur un sous-groupe H de SE. D'après le théorème de Cauchy, G admet un élément a d'ordre 2. Alors La est un élément d'ordre 2 de H. D'autre part, du fait que a n’est pas l'élément neutre de G, il résulte que La ne fixe aucun point. En considérant la décomposition de La en cycles à supports disjoints, on trouve que La est le produit de n transpositions et est donc une permutation impaire. Ainsi, H comprend une permutation impaire. D'après le point b), H a donc un sous-groupe d'indice 2. Puisque H est isomorphe à G, G a donc un sous-groupe d'indice 2.
Problème. Sous-groupes normaux de Sn
modifierProuver que si n est un nombre naturel distinct de 4, les sous-groupes normaux de Sn sont 1, An et Sn. Prouver que les sous-groupes normaux de S4 sont 1, V, A4 et S4, où V désigne le sous-groupe
- V = {1, (1 2) (3 4), (1 3) (2 4), (1 4) (2 3)} de S4.
(Indication : on peut utiliser les résultats du chapitre théorique sur les sous-groupes normaux de An et le fait suivant, démontré dans un problème ci-dessus : si G est un groupe, N un sous-groupe normal de G et S un sous-groupe simple de G, alors S est contenu dans N ou isomorphe à un sous-groupe de G/N.)
Vu l'effet d'une conjugaison sur la décomposition d'une permutation en cycles, V est un sous-groupe normal de S4. Comme (pour tout nombre naturel n) 1, An et Sn sont normaux dans Sn, il reste à prouver que
- (thèse 1) si n est un nombre naturel distinct de 4, tout sous-groupe normal de Sn est égal à 1, à An ou à Sn
et que
- (thèse 2) tout sous-groupe normal de S4 est égal 1, à V, à A4 ou à S4.
Si n ≤ 2, la thèse (1) est banale. Il suffit donc de la démontrer dans le cas où n est égal à 3 ou au moins égal à 5. D'après le chapitre théorique, An est alors simple. On a vu dans un problème ci-dessus que si G est un groupe, N un sous-groupe normal de G et S un sous-groupe simple de G, alors S est contenu dans N ou isomorphe à un sous-groupe de G/N. En faisant G = Sn et S = An, nous trouvons que si N est un sous-groupe normal de Sn, alors An est contenu dans N ou isomorphe à un sous-groupe de Sn/N. Si tout d'abord An est contenu dans N (d'où An ≤ N ≤ Sn), alors, puisque An est d'indice 2 dans Sn, la formule des indices entraîne que N est égal à An ou à Sn, donc la thèse (1) est vraie dans ce cas. Si maintenant An est isomorphe à un sous-groupe de Sn/N, alors |An| divise |Sn/N|, donc |N| divise |Sn/An| = 2, donc |N| = 1 ou 2. Si |N| était égal à 2, alors, puisque N est normal dans Sn, N serait central dans Sn, ce qui est impossible, car on a vu dans les exercices de la série Groupes symétriques finis que si n ≥ 3, le centre de Sn est réduit à l'élément neutre. Donc N = 1, ce qui achève de démontrer la thèse (1).
Prouvons la thèse (2). On pourrait donner une démonstration, assez lourde, dans la ligne de ce qui précède, mais voici une démonstration élémentaire et simple. Soit N un sous-groupe normal de S4, distinct de 1, de A4 et de S4. Il s'agit de prouver que
- (thèse 3) N est égal à V.
Si N comprenait une transposition, alors, puisqu'il est normal dans S4, il comprendrait toutes les transpositions, donc il serait égal à S4, contradiction. Donc N ne comprend aucune transposition.
Si N comprenait un 3-cycle, alors, puisqu'il est normal dans S4, il comprendrait tous les 3-cycles, donc il contiendrait A4. Comme A4 est d'indice 2 dans S4, N serait donc égal à A4 ou à S4 (formule des indices), contradiction. Donc N ne comprend aucun 3-cycle.
Si N comprenait un 4-cycle, alors, puisqu'il est normal dans S4, il comprendrait tous les 4-cycles et comprendrait donc (1 2 3) = (1 3 2 4) (1 3 4 2), ce qui contredit le résultat précédent. Donc N ne comprend aucun 4-cycle.
D'après ce qui précède, N est contenu dans V. Puisque N n'est pas réduit au neutre, il comprend un élément de structure cyclique 2-2; puisqu'il est normal dans S4, il comprend donc tous les éléments de structure cyclique 2-2 et contient donc V, donc est égal à V, ce qui prouve la thèse (3).
Remarque. Le groupe quotient S4/V est isomorphe à S3.
Problème. Exemple de groupe simple infini
modifiera) Soient X un ensemble fini, Y une partie de X et une permutation de X dont le support est contenu dans Y. Il est clair que induit une permutation de Y que nous appellerons la birestriction[1] de à Y. Montrer que est une permutation paire de X si et seulement si est une permutation paire de Y.
Choisissons une décomposition de comme produit de transpositions de Y. Nous savons que est paire si et seulement si n est pair. Pour chaque i ( ), désignons par la permutation de X qui coïncide avec en tout point de Y et laisse fixes tous les points de X - Y. Il est clair que est une transposition de X et que est égale au produit . Donc est paire si et seulement si n est pair. Ainsi, et sont paires à la même condition.
b) Soient X un ensemble fini, Y une partie de X et une permutation de X dont le support est contenu dans Y. Comme noté à la question précédente, induit une permutation de Y que nous appelons la birestriction de à Y. Montrer que est un produit de cycles de longueur 3 de X si et seulement si est un produit de cycles de longueur 3 de Y.
Conséquence immédiate du problème précédent, puisque si E désigne un ensemble fini, les permutations paires de E sont exactement les produits de cycles de longueur 3 de E.
Soit E l’ensemble (infini) des nombres naturels > 0. Comme pour un ensemble fini, on appelle transposition de E toute permutation de E pour laquelle il existe deux éléments distincts a, b de E tels que , et pour tout x distinct de a et de b. On désigne par l’ensemble des permutations de E qui peuvent s'écrire comme produit d'un nombre pair de transpositions de E (non forcément deux à deux distinctes). C'est clairement un sous-groupe infini de SE. On va prouver que ce groupe infini est simple.
c) Pour chaque nombre naturel n > 0, désignons par Bn le sous-groupe de formé par les permutations dont le support est contenu dans . Prouver que, pour tout élément de Bn, la birestriction de à est une permutation paire de et que Bn est isomorphe à An.
Puisque appartient à , il existe des transpositions de E telles que . Soit X la réunion de et des supports des . Puisque le support de est contenu dans X (par exemple parce qu’il est contenu dans ), nous pouvons considérer la birestriction de à X. Pour chaque i ( ), désignons par la birestriction de à X (ce qui est possible puisque le support de est contenu dans X). Il est clair que est le produit des ( ), donc c’est une permutation paire de X. Son support est contenu dans (puisque le support de l'est lui-même) donc, d’après la question a), la birestriction de à est une permutation paire de , autrement dit la birestriction de à est une permutation paire de , comme annoncé. Nous pouvons donc définir une application de Bn dans An qui à tout élément de Bn fait correspondre sa birestriction à . D'autre part, si est un élément de An, on montre facilement que la permutation de E qui coïncide avec en tout élément de et laisse fixes tous les autres éléments de E appartient à Bn, ce qui permet de définir une application de An dans Bn, réciproque de l’application que nous avons définie de Bn dans An. Ainsi, il existe une bijection de Bn sur An qui applique tout élément de Bn sur sa birestriction à . On vérifie facilement que cette bijection est un isomorphisme, donc Bn est isomorphe à An comme annoncé.
d) Soit un sous-groupe distingué de . En raisonnant sur le sous-groupe de Bn, montrer que , ce qui prouve que est simple.
Choisissons dans H un élément . Il est clair que est la réunion des Bn, donc il existe un n0 tel que . Soit n1 le plus grand des deux nombres n0 et 5. Il est clair que la suite des Bn est croissante, donc appartient à Bn pour tout nombre naturel . Soit n un tel nombre naturel. Puisque H est distingué dans , est distingué dans Bn. Puisque , An est simple. Puisque, d’après la question c), Bn est isomorphe à An, Bn est simple. Ainsi, est un sous-groupe distingué du groupe simple Bn et comprend l'élément . On a donc , autrement dit, H contient Bn. Puisque ceci est vrai pour tout et que la suite des Bn est croissante, H contient Bn pour tout . Puisque est la réunion des Bn, H est donc égal à tout entier, ce qui prouve bien que est simple. (Cette démonstration s'étend de façon immédiate à l'énoncé suivant : si un groupe est réunion d'une suite croissante de sous-groupes simples, ce groupe est simple.)
Remarque : le point a) n’est pas vraiment nécessaire pour prouver que est simple. Il suffit de définir Bn comme l’ensemble des éléments de dont le support est contenu dans et dont la restriction à est une permutation paire de . Cela permet d'abréger la démonstration, mais a l'inconvénient de donner une définition redondante de Bn, puisque, d’après le point a), on peut éliminer de cette définition la condition que la restriction à soit une permutation paire.
Problème. Groupes d'ordre 12 ayant plusieurs sous-groupes d'ordre 3.
modifierSoit G un groupe d'ordre 12 ayant plusieurs sous-groupes d'ordre 3. Prouver que G est isomorphe à A4. (Indication : faire opérer G par conjugaison sur l'ensemble des 3-Sylow de G et raisonner sur le noyau de l'homomorphisme correspondant à cette opération.)
D'après les théorèmes de Sylow, l'ensemble E des 3-Sylow de G est de cardinal 4 et G opère transitivement sur E par conjugaison, ce qui nous fournit un homomorphisme . Montrons que cet homomorphisme est injectif. Soit . Pour tout , on a donc appartient au normalisateur de P. Ce normalisateur est d'indice = 4 dans G, donc est d'ordre 3. Comme il contient P, il est donc égal à P. Ainsi, x appartient au sous-groupe . L'intersection de deux sous-groupes d'ordre 3 distincts est réduite à l'élément neutre, donc K est réduit à l'élément neutre, ce qui prouve que est injectif. Donc G est isomorphe au sous-groupe im( ) de SE. Puisque E a 4 éléments, SE est isomorphe à S4, donc G est isomorphe à un sous-groupe de S4, sous-groupe d'ordre = 12. On a noté dans le chapitre Groupes alternés que pour n ≥ 2, le seul sous-groupe d'indice 2 de Sn est An, donc G est isomorphe à A4.
Remarque : de façon générale, si H est un sous-groupe d'un groupe G, l'intersection des conjugués de H dans G est appelée le cœur de H dans G. Donc, dans le cas qui nous a occupés, K était le cœur dans G de chacun des quatre 3-Sylow.
Remarques. 1° L'énoncé du présent problème nous servira à classifier les groupes d'ordre 12 dans un exercice sur le chapitre des groupes dicycliques.
2° Il nous servira aussi à prouver que tous les groupes simples d'ordre 168 sont isomorphes.
Problème. Sur certains groupes d'ordre 24
modifiera) Soit G un groupe d'ordre 24 ayant plus d'un 3-sous-groupe de Sylow. Prouver que G est isomorphe à S4 ou G/Z(G) isomorphe à A4. (Indication : G opère par conjugaison sur l’ensemble E de ses 3-sous-groupes de Sylow. Raisonner sur le noyau de l'homomorphisme de G dans SE correspondant à cette opération et appliquer un problème sur les sous-groupes de Sylow.)
D'après un théorème de Sylow, le nombre des sous-groupes d'ordre 3 de G est congru à 1 modulo 3 et divise 8. Par hypothèse, ce nombre est > 1, donc il est égal à 4. L'ensemble E des 3-sous-groupes de Sylow de G est donc un ensemble à 4 éléments. D'après un théorème de Sylow, E est une classe de conjugaison de sous-groupes de G, donc G opère sur E par conjugaison. Soit f l'homomorphisme de G dans SE correspondant à cette opération, soit K le noyau de f. Alors , où les Pi sont les quatre sous-groupes d'ordre 3 de G. D'après un exercice sur le chapitre des sous-groupes de Sylow (où on fait p = 3), l’ordre de K divise donc 2 . L'intersection de deux différents sous-groupes d'ordre 3 est réduite à l'élément neutre, donc = 1, donc l’ordre de K est égal à 1 ou à 2.
Puisque K est le noyau d'un homomorphisme partant de G, c’est un sous-groupe normal de G. Un sous-groupe normal d'ordre égal à 1 ou à 2 est central, donc K est contenu dans le centre de G. D'autre part, comme noté audit exercice sur les sous-groupes de Sylow, le centre de G est contenu dans , c'est-à-dire dans K. Donc K = Z(G) et Z(G) est d'ordre 1 ou 2.
D'après le premier théorème d'isomorphisme, G/K est isomorphe à un sous-groupe de SE, donc à un sous-groupe de S4. On a vu que K = Z(G), donc G/Z(G) est isomorphe à un sous-groupe de S4. Si Z(G) est d'ordre 1, G est donc isomorphe à un sous-groupe d'orde 24 de S4, qui ne peut être que S4 lui-même. Si Z(G) est d'ordre 2, G/Z(G) est isomorphe à un sous-groupe d'ordre 12 de S4; on a noté au chapitre Groupes alternés que (pour n ≥ 2) An est le seul sous-groupe d'indice 2 de Sn, donc G/Z(G) est isomorphe à A4.
b) Soit G un groupe d'ordre 24. On suppose que G a un sous-groupe normal d'ordre 4 qui est son propre centralisateur dans G. Prouver que G est isomorphe à S4. (Indication : prouver que G a plus d'un sous-groupe d'ordre 3 et que son centre est réduit à l'élément neutre.)
Choisissons un sous-groupe normal H d'ordre 4 de G qui soit son propre centralisateur dans G.
Supposons que, par absurde, G n'ait qu'un sous-groupe d'ordre 3, soit P. Alors P est normal dans G. Comme les ordres de H et de P sont premiers ente eux, H ⋂ P = 1. On a vu dans les exercices de la série Sous-groupe distingué, groupe quotient que si deux sous-groupes normaux d'un groupe ont une intersection réduite à l'élément neutre, ils se centralisent mutuellement. Donc P centralise H, ce qui est absurde puisque P n’est pas contenu dans H et que H est supposé être son propre centralisateur. La contradiction obtenue prouve que
- (3) G a plus d'un sous-groupe d'ordre 3.
Prouvons maintenant que Z(G) = 1. Choisissons un élément d'ordre 3 de G, soit a. Puisque a est d'ordre 3, il n'appartient pas à H. Puisque H est son propre centralisateur, a ne centralise donc pas H. Puisque H est normal dans G, chaque automorphisme intérieur de G admet une birestriction à H et l’application de G dans Aut(H) qui à g fait correspondre l'automorphisme x ↦ gxg-1 de H est un homomorphisme de G dans Aut(H). Puisque a est d'ordre 3, l’ordre de son image par cet homomorphisme divise 3, autrement dit l’ordre de l'automorphisme x ↦ axa-1 de H divise 3. On a vu que a ne centralise pas H, donc l'automorphisme x ↦ axa-1 de H n’est pas l'identité, donc cet automorphisme de H est d'ordre 3. Il en résulte que la permutation de H - {1} induite par cet automorphisme est elle aussi d'ordre 3 et est donc un 3-cycle, donc l'automorphisme x ↦ axa-1 de H n'a pas de point fixe dans H - {1}. Puisqu'un élément de Z(G) est un point fixe de cet automorphisme, aucun élément de Z(G) n'appartient à H - {1}. Mais, puisque H est son propre centralisateur dans G, Z(G) est contenu dans H, donc
- (4) Z(G) = 1.
Compte tenu de (3) et (4), l'énoncé résulte du point a).
c) Soit G un groupe d'ordre 24 admettant plus d'un 2-sous-groupe de Sylow et plus d'un 3-sous-groupe de Sylow. Prouver que G est isomorphe à S4. (Indication. Il résulte du point a) que dans le cas contraire, G/Z(G) serait isomorphe à A4. Un exercice sur les théorèmes de Sylow permet d'exprimer les 2-sous-groupes de Sylow de G/Z(G) en fonction des 2-sous-groupes de Sylow de G. En déduire que A4 aurait plus d'un 2-sous-groupe de Sylow et conclure.)
Supposons que, par absurde, G ne soit pas isomorphe à S4. Alors, d'après le point a), G/Z(G) est isomorphe à A4, ce qui entraîne que Z(G) est d'ordre 2. Par hypothèse, nous pouvons choisir deux différents 2-sous-groupes de Sylow de G, soient P et Q. D'après un exercice sur les théorèmes de Sylow, PZ(G)/Z(G) et QZ(G)/Z(G) sont des 2-sous-groupes de Sylow de G/Z(G). S'ils n'étaient pas distincts, on aurait, en passant aux réunions,
- (1) PZ(G) = QZ(G).
Mais, d'autre part, comme Z(G) est un sous-groupe normal d'ordre 2 de G, il est contenu dans tous les 2-sous-groupes de Sylow de G, donc PZ(G)= P et QZ(G) = Q, donc notre résultat (1) peut s'écrire P = Q, ce qui contredit le choix de P et Q. Donc PZ(G)/Z(G) et QZ(G)/Z(G) sont deux différents 2-sous-groupes de Sylow de G/Z(G). On a vu que G/Z(G) est isomorphe à A4, donc, d'après ce qui précède, A4 compte plus d'un 2-sous-groupe de Sylow. Ceci est faux, car on a vu dans le chapitre théorique que A4 a un sous-groupe normal d'ordre 4, qui est donc son unique 2-sous-groupe de Sylow. La contradiction obtenue prouve l'énoncé.
Remarque. Le point b) nous servira à prouver que le groupe des automorphismes du groupe des quaternions est isomorphe à S4. Le point c) nous servira dans le chapitre sur les groupes simples d'ordre 168.
Notes et références
modifier- ↑ Si f est une application d'un ensemble A dans un ensemble B, si A' est une partie de A et B' une partie de B telles que f(A') soit contenu dans B', l’application de A' dans B' est appelée la birestriction de f à (A', B'). Voir par exemple Aleksandr Yakovlevich Khelemskiĭ, Lectures and Exercises on Functional Analysis, American Mathematical Soc., 2006, p. 3. On s'écarte ici légèrement de cette terminologie, puisqu'on ne parle pas de la birestriction à (Y, Y) mais à Y. De même, notre notation n’est pas conforme à celle de Khelemskiĭ, qui écrit, à droite de la barre verticale, l’ensemble de départ de la birestriction en bas et son ensemble d'arrivée en haut.