Module sur un anneau/Module sur un anneau principal
Dans ce chapitre, A est un anneau principal.
Modules libres sur les anneaux principaux
modifierOn a vu que tout anneau B est un B-module libre. Mais lorsque B n'est pas un anneau principal, il existe des sous-modules non libres de ce module libre : tous les idéaux non principaux de B. À l'inverse :
Si M est un module libre sur un anneau principal A, tout sous-module de M est libre et de rang inférieur ou égal à celui de M.
- Pour M = A, les sous-modules sont les idéaux. Ils sont principaux donc tous libres de rang 1 (comme le module lui-même), sauf l'idéal nul qui est de rang 0.
- Dans le ℤ-module libre ℤ2, le sous-module des couples (a, b) tels que a ≡ b mod 10 est libre de base ((1,1), (0, 10)) donc de rang 2 (comme le module lui-même).
Démontrons, par récurrence sur l'entier m, que si M est un A-module libre de rang m et N un sous-module, alors N est libre de rang inférieur ou égal à m.
- Pour m = 0, le résultat est immédiat.
- Supposons la propriété démontrée au rang m et démontrons-la pour M de rang m + 1. Soit N un sous-module de M. Soit une base de M. Notons P le sous-module de M engendré par . Le sous-module N∩P de P est, par hypothèse de récurrence, libre et de rang .
- Si N est inclus dans P alors il est égal à N∩P, donc il est bien libre de rang inférieur ou égal à m + 1.
- Sinon, introduisons l'ensemble J des coordonnées sur des éléments de N. C'est un idéal non nul de A donc — puisque l'anneau A est principal — J est de la forme (d) pour un certain scalaire d ≠ 0. Puisque d ∈ J, il existe un vecteur de N de la forme avec dans P. Soit une base de N∩P. On va montrer que la famille est une base de N, ce qui achèvera la démonstration.
- Cette famille engendre N. En effet, soit x un vecteur de N. Sa 0-ième coordonnée dans la base (ei) est un élément de J, donc est égale à ad pour un certain scalaire a. Le vecteur x – af0 appartient alors à N∩P donc est une combinaison linéaire de , et x est donc bien engendré par .
- Cette famille est libre. En effet, soient tels que . Alors, la 0-ième coordonnée de ce vecteur de M dans la base (ei) est nulle, c'est-à-dire : . Puisque d ≠ 0 et A est intègre, . Il reste donc : , ce qui — puisque est libre — implique que les coefficients sont tous nuls.
Théorème de la base adaptée
modifierSoient un A-module M libre de rang n, et N un sous-A-module de M. Alors il existe une base de M et des scalaires tels que :
- Pour tout indice i<n, est un diviseur de ;
- Le A-module N est engendré par .
Le théorème généralise le théorème de la base incomplète pour les espaces vectoriels. Si K est un corps, et que F est un sous-K-espace vectoriel de E, toute base de F se complète en une base de E. En dimension infinie, le théorème de la base adaptée est une conséquence de l’axiome du choix. Cependant en dimension finie, le résultat peut s'obtenir par récurrence sur la dimension.
Pour un module, malheureusement, on ne peut pas compléter une base d'un sous-module. La difficulté tient en l'inexistence d'un "supplémentaire" : 2Z n'a pas de supplémentaire dans Z. Cependant, le théorème de la base adaptée affirme qu'on peut définir simultanément des bases d'un module et de son sous-module.
La preuve du théorème de la base adaptée s'effectue aussi par récurrence sur le rang n de M. Pour n=1, le A-module libre de rang 1 M est isomorphe à A. Comme A est principal, ses sous-A-modules sont d.A avec d élément de A. Le résultat annoncé est donc vérifié. Reste à vérifier l'induction. L’idée est de définir pour commencer convenablement pour appliquer l'hypothèse de récurrence à un "supplémentaire".
Supposons le résultat vérifié pour tous les A-modules de rang n-1.
- Définition de et de :
L'ensemble X des images f(N) des morphismes de A-modules forment une famille non vide d'idéaux de A. Comme A est principal, il est en particulier noethérien. Il existe donc un idéal maximal de X, écrit sous la forme g(N). Comme A est principal, g(N)=dnA. Fixons dans N' tel que . On va montrer l’existence d'un élément de M vérifiant .
- Confirmation du choix de :
Si est un morphisme de A-modules, notons provisoirement c l'image de fn par f et b le pgcd de c et de d. La relation de Bézout donne des coefficients et vérifiant : . En particulier, est un morphisme valant b en . Par définition de g, b doit diviser d ; donc d et b sont associés ; autrement dit, d divise c. En particulier, g(N) est le plus grand idéal de X.
- Définition de :
Choississons provisoirement une base de M. L'application qui à x dans M associe sa i-ième coordonnée est un morphisme de A modules . Écrivons . Le résultat précédent montre que est divisible par et donc peut s'écrire sous la forme : . Définissons . Alors on obtient : .
- Définition du supplémentaire :
Tout élément x de M s'écrit : , donc comme la somme d'un élément de et d'un élément du noyau de g. Ses deux sous-A-module sont en somme directe car g vaut 1 sur , donc :
- Décomposition de N :
Via l'identité ci-dessus, on a :
- Application de l'hypothèse de récurrence :
Comme A est principal, tout sous-module d'un module libre de type fini de rang n est un sous-module libre de type fini de rang k<n (partie précédente à rédiger !). En particulier, Ker(g) est un A-module libre de type fini de rang n-1. Appliquons l'hypothèse de récurrence au sous-A-module . Il existe une base de Ker(g), des scalaires où divise pour tout i<n-1, tels que engendrent . Donc, est une base de M et engendre N. De plus, contient . Donc divise . D'où le résultat !
Par récurrence, on conclut.
Classification des modules de type fini
modifierPour un module de type fini M, il existe un unique entier r et une unique séquence d'éléments non nuls de A, telle que divise pour tout i<s, vérifiant :
- .
L'existence est une conséquence du théorème de la base adaptée. Dire que M est de type fini équivaut à l’existence d'un morphisme surjectif . On dispose donc de la suite exacte :
- .
En particulier, M est le conoyau de . Donc, M est isomorphe au module quotient . Appliquons le théorème de la base adaptée au sous-module N de . Il existe une base de , des facteurs , avec un diviseur de pour i<n, tels que engendre N. Donc :
- .
L'unicité demande un travail supplémentaire :
Note
modifier- ↑ Cette démonstration dans le cas fini est donnée par A. Ducros (université de Rennes I), p. 1-2 de « Modules de type fini sur un anneau principal ». Pour le cas général (qui utilise le lemme de Zorn), on pourra consulter l'ouvrage (en anglais) de Serge Lang, Algebra, Addison-Wesley, 1965, 8e impression (1978) appendice 2, § 2, p. 506-507, ou sa traduction en français, Algèbre, Dunod, 2004 (ISBN 2-10-007980-8).