Anneau (mathématiques)/Anneau principal
Anneau principal
modifier
On va généraliser à un anneau principal quelconque toutes les propriétés de vues dans la leçon « Arithmétique ». Ce sont aussi les propriétés de du chapitre « Arithmétique des polynômes » de la leçon sur les polynômes.
Dans la suite, désigne un anneau principal et une famille (finie ou infinie) d'éléments de .
PGCD, PPCM
modifierUn élément est un diviseur commun aux si et seulement si , c'est-à-dire si l'idéal engendré par les est inclus dans . En notant un générateur de cet idéal, les diviseurs communs aux sont donc les diviseurs de . Cela nous mène à la définition suivante :
On appelle plus grand diviseur commun — ou pgcd — des tout générateur (unique à produit près par un inversible) de l'idéal engendré par cette famille. C'est « le » plus grand (pour le préordre « divise ») des diviseurs communs aux . On le note .
On note parfois (ou ) le pgcd de deux éléments et .
On dit que les sont premiers entre eux dans leur ensemble si leur pgcd est 1.
Attention à ne pas confondre la notion de « premiers entre eux dans leur ensemble » avec la notion de « premiers entre eux deux à deux ».
Par un raisonnement analogue à ce qui précède, les multiples communs des sont les multiples de tout générateur de l'idéal .
On appelle plus petit multiple commun — ou ppcm — des tout générateur (unique à produit près par un inversible) de . C'est « le » plus petit (pour le préordre « divise ») des multiples communs aux . On le note .
On note parfois (ou ) le ppcm de deux éléments et .
Arithmétique dans un anneau principal
modifierPar définition, le pgcd des appartient à l'idéal qu'ils engendrent, autrement dit :
Par conséquent (puisque le seul idéal de A qui contient 1 est A) :
Par la même méthode que dans , on en déduit :
Supposons que est premier avec chacun des éléments et démontrons, par récurrence sur , qu'il est premier avec le produit .
- Initialisation : pour , c'est clair (avec la convention du produit vide égal à ).
- Hérédité : supposons que est premier avec pour un certain et montrons qu'il est encore premier avec . Soit un diviseur commun à et . Alors est, comme , premier avec . D'après le lemme de Gauss, il divise donc . Puisque divise aussi (premier avec ), il est donc inversible. On a donc bien montré que .
Factorialité de A, décomposition primaire
modifier
- Les éléments irréductibles de sont, d’après le théorème de D'Alembert-Gauss, les polynômes de degré 1.
Soit p un élément irréductible qui divise un produit . Alors, p n'est pas premier avec ce produit donc d'après le corollaire ci-dessus du lemme de Gauss, il n'est pas premier avec (au moins) l'un des facteurs, . Il existe alors, parmi les diviseurs de , un diviseur de p non inversible, donc associé à p. Par conséquent, p divise .
Dans les anneaux principaux, on dispose du théorème de factorisation primaire :
Cette décomposition d'un élément s’appelle sa décomposition primaire. Il s'agit de la généralisation aux anneaux principaux du théorème selon lequel tout entier > 1 est le produit d'une suite finie (non vide) de nombres premiers, unique à l’ordre près.
- Remarque.
- Si, pour chaque idéal engendré par un élément irréductible, on choisit un générateur parmi les représentants irréductibles possibles, et si l'on note leur ensemble (par exemple, dans , on choisit le générateur positif et dans , on choisit le générateur unitaire), alors le théorème peut se reformuler ainsi :Soit . Il existe un unique élément inversible et une unique application de dans à support fini (c'est-à-dire nulle en dehors d'une partie finie de ) telle que .étant en général infini, le produit étendu sur doit s'entendre comme la valeur commune des produits étendus à toute partie finie contenant le support de , c'est-à-dire l’ensemble des tels que soit non nul.
Pour démontrer ce théorème, nous aurons besoin des deux lemmes suivants :
En effet, un anneau commutatif A :
- est dit noethérien si tous ses idéaux sont de type fini, ce qui est évidemment le cas pour un anneau principal ;
- est noethérien (si et) seulement si toute suite croissante d'idéaux de A est stationnaire.
Le lemme 2 fait appel à la notion de ACCP ou « condition de chaîne ascendante sur les idéaux principaux » (version affaiblie de la noethérianité) :
Raisonnant par l'absurde, supposons qu’il existe un élément , non nul et non inversible, qui n'admet pas de factorisation primaire. En particulier, n'est pas irréductible donc il s'écrit avec et non inversibles. On a alors et et, puisque n'a pas de factorisation primaire, l'un (au moins) des deux facteurs ou , par exemple , n'en a pas non plus. En refaisant le même raisonnement pour , il existe , non inversible et n'admettant pas de factorisation primaire, tel que . On construit ainsi par récurrence une suite strictement croissante d'idéaux principaux, ce qui contredit la condition ACCP.
On peut enfin démontrer la factorialité de tout anneau principal ou — plus généralement d'après le lemme 1 — de tout anneau intègre vérifiant les deux propriétés suivantes :
- ACCP (toute suite croissante d'idéaux principaux est stationnaire) ;
- lemme d'Euclide (tout élément irréductible est premier).
- Existence. D'après le lemme 2, l'hypothèse ACCCP garantit l'existence d'une factorisation.
- Unicité. Montrons, par récurrence sur n ≥ 1, que si avec m ≥ n et , irréductibles, alors m = n et les deux n-uplets d'irréductibles sont égaux, à permutation et association près.
- Si n = 1, c'est immédiat.
- Supposons la proposition démontrée à l'ordre n – 1 pour un certain n > 1, et montrons-la à l'ordre n. L'élément pn divise le produit q1 …qm. Comme (d'après la seconde hypothèse — lemme d'Euclide) pn est premier, il divise l'un des qk : par exemple (quitte à permuter les facteurs) qm = upn et (comme qm est irréductible) u est inversible, donc qm–1u est irréductible. L'égalité suivante et l'hypothèse de récurrence permettent de conclure : .