Module sur un anneau/Définitions
Ce premier chapitre peut être abordé dès le premier cycle universitaire ou en classes préparatoires en France, même si les notions sont souvent introduites en licence 3 ou en maitrise.
Dans tout ce chapitre, désigne un anneau.
Définition d’un module sur un anneau
modifierSoit A un anneau. Un module à gauche sur A (ou A-module à gauche) est un groupe commutatif muni d’une loi externe telle que ( ) :
- ;
- ;
- ;
- .
Un module à droite sur A (ou A-module à droite) est un groupe commutatif muni d’une loi externe satisfaisant aux trois premières des quatre conditions ci-dessus et satisfant aussi à la condition suivante :
- .
Un sous-A-module d'un A-module M (à gauche ou à droite) est un sous-groupe de tel que . On a alors une loi
- ,
où le point désigne la loi externe du A-module M. Muni de cette loi, le groupe N est un A-module à gauche (resp. à droite) si M est un A-module à gauche (resp. à droite).
Quand il est question d'un A-module M, les éléments de A sont souvent appelés les scalaires[1] et les éléments de M sont parfois appelés les vecteurs[2]. On désigne habituellement les vecteurs par des lettres latines minuscules et souvent les scalaires par des lettres grecques minuscules, mais le second usage est loin d'être général[3].
On omet généralement le point dans la notation. Dans l'évaluation des expressions, on donne la précédence à la loi externe sur la loi de groupe de M. Par exemple, si et sont des scalaires et et des vecteurs, l'expression désigne Dans l'expression , on ne peut pas omettre les parenthèses. (En toute rigueur, il faudrait même écrire au lieu de , mais là le sens est clair, puisque la somme d'un vecteur et d'un scalaire n'est a priori pas définie.)
Remarques.
- On commet souvent l'abus de langage d'identifier le module ainsi défini avec l'ensemble sous-jacent du groupe additif M et de les noter M.
- Si l'anneau A est commutatif, les A-modules à gauche sont exactement les A-modules à droite. On dit alors simplement A-module.
- Désignons par l'élément nul de A et par l'élément nul de M. Alors, pour tout élément x de M, En effet, , d'où, d'après la simplifiabilité dans le groupe M (ou encore parce que le seul élément idempotent d'un groupe est son élément neutre),
- Désignons encore par l'élément nul de M. Pour tout scalaire , En effet, donc (puisque le seul élément idempotent du groupe M est )
- Si un anneau A est nul (c'est-à-dire réduit à son élément nul), tout A-module est nul. En effet, on a alors , donc si M est un A-module, on a, pour tout élément de M, , c'est-à-dire, d'après une précédente remarque,
- La loi externe part de où A désigne en fait l'ensemble sous-jacent de l'anneau A (et où M désigne ce qu'on pourrait appeler l'ensemble sous-jacent du module M). Cette remarque éclaire la remarque qui suit.
- Dans les deux cas (module à gauche comme module à droite), la loi externe part de Il en résulte que les A-modules à droite sont exactement les -modules à gauche, où désigne l'anneau opposé de A. Cela correspond aux définitions données par Bourbaki[4]. Certains auteurs considèrent que la loi externe d'un A-module à gauche M part de (comme ici) mais que la loi externe d'un A-module à droite M part de Il n'est alors plus rigoureusement vrai que les A-modules à droite sont exactement les -modules à gauche : à un A-module à droite de loi externe , on associe un -module à gauche de loi externe
- Les espaces vectoriels à gauche (resp. à droite) sur un corps K sont exactement les K-modules à gauche (respectivement à droite).
- On fera dans le présent chapitre quelques remarques à l'intention du lecteur qui connaît les propriétés élémentaires des groupes à opérateurs. Soient A un anneau et M un A-module, par exemple à gauche. La loi externe de ce module possède (entre autres) la propriété suivante : pour tous éléments x, y de M et pour tout élément a de A, a(x+y) = ax + ay. Cela montre que la loi externe du A-module à gauche M fait de M un groupe abélien à opérateurs dans l'ensemble A (autrement dit un A-groupe abélien). Les A-modules à gauche sont donc les A-groupes abéliens possédant certaines propriétés dépendant de la structure d'anneau de A. Les sous-modules d'un A-module (à gauche ou à droite) M sont exactement les sous-groupes stables du A-groupe (groupe à opérateurs dans l'ensemble A) M.
- Si M est un A-module à droite, un élément de A et un élément de M, on écrit volontiers plutôt que . La condition
- sur les modules à droite s'écrit alors (plus agréablement)
- ,
- ce qui explique que, dans le cas des modules à droite, certains auteurs fassent partir la loi externe de plutôt que de
Soit A un anneau. Muni de sa loi de groupe additif et, en guise de loi « externe », de sa multiplication, A est un A-module à gauche, parfois noté As. Muni de sa loi de groupe additif et, en guise de loi « externe », de la loi opposée à la multiplication dans A, A est un A-module à droite, parfois noté Ad[5].
On peut encore exprimer cela en disant que A (muni de ses deux lois d'anneau) est un A-module à gauche, noté As, et que Aop (muni de ses deux lois d'anneau) est un A-module à droite, noté Ad.
Les sous-A-modules du A-module à gauche As sont exactement les idéaux à gauche de l'anneau A; les sous-A-modules du A-module à droite Ad sont exactement les idéaux à droite de l'anneau A.
Soit G, + un groupe commutatif. Il existe sur G une et une seule structure de -module dont la loi additive est la loi de G. On exprime souvent cela en disant (un peu improprement) que les -modules sont exactement les groupes commutatifs. Les sous-modules d’un -module sont exactement ses sous-groupes.
Remarque. La définition d'un homomorphisme de A-modules ne fait pas intervenir la structure d'anneau de A. Les homomorphismes d'un A-module M dans un A-module N sont exactement les homomorphismes de A-groupes (groupes à opérateurs dans l'ensemble A) du A-groupe M dans le A-groupe N.
On vérifie facilement que si et sont des A-modules, si f est un homomorphisme de dans et g un homomorphisme de dans , alors est un homomorphisme de dans (C'est d'ailleurs un cas particulier des propriétés analogues des homomorphismes de groupes à opérateurs.)
Un morphisme bijectif d'un A-module M vers un A-module N est appelé un isomorphisme de M sur N.
Remarque. Comme pour les homomorphismes, les isomorphismes de A-modules d'un A-module M sur un A-module N sont exactement les isomorphismes de A-groupes (groupes à opérateurs dans l'ensemble A) du A-groupe M sur le A-groupe N.
On vérifie facilement que le composé de deux isomorphismes de A-modules est un isomorphisme de A-modules et que l'application réciproque d'un isomorphisme de A-modules est un isomorphisme de A-modules.
La relation « M et N sont des A-modules tels qu'il existe un isomorphisme de M sur N » est une relation d'équivalence en M et N. Si deux A-modules sont dans cette relation d'équivalence, on dit qu'ils sont isomorphes.
Remarque. Deux A-modules sont isomorphes comme A-modules si et seulement s'ils sont isomorphes comme groupes à opérateurs dans l'ensemble A.
Module quotient
modifierCommençons par des rappels sur les groupes quotients d'un groupe abélien.
Soient G un groupe abélien, noté additivement, et H un sous-groupe de G. Puisque G est un groupe abélien, le groupe quotient G/H de G par son sous-groupe H est défini. Rappelons que les éléments du groupe G/H sont les classes d'équivalence pour la relation d'équivalence (en x et y) « x et y sont des éléments de G congrus entre eux modulo H, c'est-à-dire tels que x - y appartienne à H ». Ces classes d'équivalence sont les parties de G de la forme , avec x dans G. Deux éléments et de G sont congrus modulo H si et seulement si Si et sont des éléments de G congrus entre eux modulo H, si et sont eux aussi des éléments de G congrus entre eux modulo H, alors et sont eux aussi congrus entre eux modulo H. Autrement dit, si et , alors On en déduit qu'il y a une et une seule loi telle que, pour tous éléments de G, On vérifie facilement que cette loi est une loi de groupe abélien sur G/H. Ce groupe est appelé le groupe quotient, ou le quotient, du groupe M par son sous-groupe N. La loi est habituellement notée +, comme celle de M.
Soient maintenant A un anneau, M un A-module, par exemple à gauche, et N un sous-module de M. Puisque M est un groupe abélien et N un sous-groupe de M, le groupe quotient M/N est défini et est un groupe abélien. Du fait que N est un sous-module de M, on tire facilement que si et sont des éléments de M tels que , si est un scalaire, alors (Vu la précédence de la loi externe d'un module sur l'addition dans ce module, on écrit plutôt cette relation sous la forme ) On en déduit qu'il existe une et une seule loi telle que, pour tout élément de M et tout élément de A, on ait On vérifie que, muni de cette loi externe, le groupe abélien M/N est un A-module à gauche.
Soient A un anneau, M un A-module à gauche et N un sous-module de M. Le groupe abélien M/N, muni de la structure de A-module à gauche qu'on vient de définir, est appelé le A-module quotient, ou encore le quotient, de M par N.
On définit de façon semblable les quotients d'un module à droite.
Soient A un anneau, M un A-module (à gauche ou à droite), N un sous-module de M. L'application de M dans M/N est un homomorphisme surjectif de A-modules, appelé l'homomorphisme canonique de M sur M/N.
Remarque. Soient A un anneau, M un A-module, à gauche ou à droite, et N un sous-module de M. Le A-module quotient M/N est exactement le quotient du A-groupe abélien (groupe à opérateurs dans l'ensemble A) M par son sous-groupe stable N.
Théorèmes d'isomorphisme pour les modules
modifierLes trois théorèmes d'isomorphisme s'étendent des groupes (et en particulier des groupes abéliens) aux modules, sous la forme qui suit[6].
Soient A un anneau, M et N des A-modules, par exemple à gauche, un homomorphisme de A-modules. Le A-module quotient M/Ker(f) et le -module Im(f) sont isomorphes. Plus précisément, il existe un (et un seul) isomorphisme du -module M/Ker(f) sur le -module Im(f) qui, pour tout élément x de M, applique la classe de x suivant Ker(f) sur f(x).
Soient A un anneau, M un A-module, par exemple à gauche, K et L des sous-A-modules de M. Alors est un sous-A-module de M et le A-module est isomorphe au A-module . Plus précisément, il existe un (et un seul) isomorphisme f du A-module sur le A-module tel que, pour tout élément x de K, .
Soient A un anneau, M un A-module, M' un sous-A-module de M, M'' un sous-A-module de M'. (Donc ) Alors M'/M'' est un sous-A-module du A-module M/M'' et le A-module (M/M'')/(M'/M'') est isomorphe au A-module M/M'.
Ces trois théorèmes peuvent s'obtenir immédiatement comme cas particuliers des théorèmes analogues pour les groupes à opérateurs. Le lecteur qui ne désire pas se familiariser avec les groupes à opérateurs peut rédiger les démonstrations lui-même, en notant qu'une partie des énoncés est fournie par les théorèmes d'isomorphisme relatifs aux groupes (abéliens en l'occurrence).
Passage d'un A-module à un module sur un anneau quotient de A
modifierLa présente section peut être omise en première lecture. On l'utilisera dans le chapitre Espace vectoriel/Dimension pour déduire de l'équipotence des bases d'un même espace vectoriel l'équipotence des bases d'un même module sur un anneau commutatif non nul.
Soient A un anneau, J un idéal à gauche de A et M un A-module à gauche. On désigne par JM l'ensemble des éléments de M qui sont de la forme , avec et On définit de même JM pour un idéal J à droite et un module M à droite.
Soient A un anneau, J un idéal à gauche de A et M un A-module à gauche. L'ensemble JM est un sous-A-module de M. (Même chose pour un idéal à droite et un module à droite.)
Démonstration facile, laissée au lecteur.
Rappelons qu'on a défini au chapitre Anneau (mathématiques)/Définitions l'anneau quotient d'un anneau A par un idéal bilatère de A.
Soient A un anneau commutatif, J un idéal de A et M un A-module.
- a) Si sont des éléments de A congrus modulo J, si sont des éléments de M congrus modulo JM, alors et sont des éléments de M congrus modulo JM;
- b) si est un élément de l'anneau A/J, si est un élément de M/JM (groupe quotient, ou, si on préfère, A-module quotient), il existe un et un seul élément de M/JM tel que, pour tout et tout , appartienne à ;
- c) il existe une et une seule loi externe telle que pour tout et tout , on ait ;
- d) avec l'addition dans le groupe M/JM, la loi externe définie au point c) fait de M/JM un module sur l'anneau quotient A/J.
Prouvons le point a). Soient donc des éléments de A tels que et des éléments de M tels que De résulte , autrement dit
- (1)
D'autre part, il résulte de que (car, d'après le lemme précédent, JM est un sous-A-module de M), autrement dit
- (2))
De (1) et (2) résulte
- ,
autrement dit
- ,
ce qui prouve le point a). Du point a) on déduit facilement le point b) et du point b) le point c).
Pour prouver le point d), il reste à prouver qu'avec l'addition dans M/JM, la loi externe définie au point c) fait de M/JM un module sur l'anneau quotient A/J. Il faut donc vérifier
que pour tout dans A et tous dans M,
- (3) ;
que pour tous dans A et tout dans M,
- (4) ;
que pour tout dans M,
- (5)
et que pour tous dans A et tout ,
- (6)
Cela ne doit pas faire de difficulté, si on note que dans les relations (3 à (6), toute expression peut se mettre explicitement sous la forme avec dans A et dans M. On peut alors faire disparaître les symboles en revenant à la définition de la loi .
Soient A un anneau commutatif, J un idéal de A et M un A-module. Quand on parlera de M/JM comme d'un module sur l'anneau A/J, il s'agira du (A/J)-module défini au précédent lemme. La loi de groupe abélien de ce (A/J)-module est donc celle du groupe quotient M/JM et la loi externe est caractérisée par le fait que, pour tout dans A et tout dans M,
Nous noterons souvent par simple juxtaposition.
Soient A un anneau commutatif, J un idéal de A et M un A-module. Pour tout élément de M, désignons par l'image de par l'homomorphisme canonique du A-module M sur le A-module M/JM.
- a) Soit une famille génératrice du A-module M; alors est une famille génératrice du (A/J)-module M/JM.
- b) Soit une base du A-module M; alors est une base du (A/J)-module M/JM.
Prouvons le point a).
Soit une famille génératrice du A-module M, soit un élément de M.
Il existe donc une famille finie d'éléments de I et une famille finie d'éléments de A telles que
En appliquant aux deux membres l'homomorphisme canonique du A-module M sur le A-module M/JM, nous obtenons
- dans le A/module M/JM,
d'où, dans le (A/J)-module M/JM,
- ,
ce qui montre que la famille est une famille génératrice du (A/J)-module M/JM. Le point a) est donc démontré.
Prouvons maintenant le point b).
Soit une base du A-module M; il s'agit de prouver que
- est une base du (A/J)-module M/JM.
D'après le point a), est une famille génératrice du (A/J)-module M/JM, donc tout revient à prouver que
- la famille est libre dans le (A/J)-module M/JM.
Soient des éléments de I deux à deux distincts et des éléments de A/J tels que
- (hyp. 1) dans MJ/M.
Il s'agit de prouver que
- (thèse 2) sont tous nuls dans A/J.
Nous pouvons choisir des éléments de A tels que
- (3)
L'hypothèse (1) s'écrit alors
- dans le (A/J)-module M/JM.
Par définition de la loi externe dans le (A/J)-module M/JM, cela peut encore s'écrire
- dans M/JM
ou encore
Par définition de JM, il existe donc des éléments de J et des éléments de M tels que
- (4)
Puisque, par hypothèse, la famille engendre le A-module M, chaque est combinaison linéaire à coefficients dans A d'une famille finie de En remplaçant dans le membre droit de (4) chaque par une telle combinaison linéaire, nous trouvons que
- est une combinaison linéaire d'éléments de la famille , chaque coefficient de cette combinaison linéaire appartenant à J (puisque appartiennent à J).
Puisque la famille est libre dans le A-module M et que sont deux à deux distincts dans I, il en résulte clairement que appartiennent tous à J. Donc, d'après (3), sont tous nuls dans A/J, ce qui prouve la thèse (2) et achève de démontrer l'énoncé.
Sous-module engendré par une partie d'un module
modifierSoit A un anneau, soit M un A-module (à gauche ou à droite). Pour un ensemble non vide (ou une famille non vide) de sous-modules de M, on peut parler de l'intersection de ces sous-modules et on vérifie facilement que cette intersection est elle-même un sous-module de M.
Soit X une partie du A-module M. L'ensemble des sous-modules de M contenant X est non vide (car il comprend M), donc nous pouvons considérer l'intersection des sous-modules de M contenant X. D'après ce qui précède, cette intersection est un sous-module de M et c'est donc clairement le plus petit sous-module de M contenant X, « plus petit » étant relatif à la relation d'ordre d'inclusion.
Soient A un anneau, M un A-module (à gauche ou à droite) et X une partie de M. Le sous-module de M engendré par X est par définition le plus petit sous-module de M contenant X.
Le lecteur vérifiera que le sous-module de M engendré par X est l'ensemble des éléments de M qui peuvent s'écrire
- ,
où les sont des scalaires et les des éléments de X. Une telle somme est appelée une combinaison linéaire d'éléments de X. Le sous-module de M engendré par X est donc l'ensemble des combinaisons linéaires d'éléments de X. Il est clair que dans une expression , on peut prendre les deux à deux distincts.
Soient A un anneau, M un A-module (à gauche ou à droite) et X une partie de M. On dit que X est une partie génératrice de M si le sous-module de M engendré par X est M tout entier, ce qui revient à dire que tout élément de M est combinaison linéaire d'éléments de X.
Produit direct et somme directe d'une famille de A-modules
modifierSoient A un anneau et une famille de A-modules à gauche (resp. à droite). Le produit cartésien des ensembles peut être muni de sa structure de groupe produit des groupes additifs des . On vérifie que cette loi interne sur et la loi externe font de un A-module à gauche (resp. à droite), qu'on appelle le A-module produit, ou simplement le produit, de la famille , ou encore des On le note
Soient A un anneau et une famille de A-modules à gauche (resp. à droite). On vérifie que les éléments de qui sont de la forme , où les tels que sont en nombre fini, forment un sous-A-module du produit direct des Ce sous-module est appelé la somme directe de la famille , ou encore des On le note
Le produit direct et la somme directe de modules possèdent des propriétés analogues au produit direct et à la somme directe de groupes (voir Théorie des groupes/Produit direct et somme restreinte). On détaillera peut-être ces propriétés un jour.
Modules libres et de type fini
modifierUne famille de vecteurs de M est dite :
- génératrice de M si le morphisme est surjectif ;
- libre lorsque ce morphisme est injectif.
Dire que la famille de vecteurs de M est une famille génératrice de M revient à dire que l'ensemble des « valeurs » de cette famille, c'est-à-dire l'ensemble des , est une partie génératrice de M, au sens qu'on a donné plus haut à cette expression.
Le module M est dit :
- de type fini s'il possède une famille génératrice finie (ce qui revient à dire qu'il a une partie génératrice finie);
- libre s'il possède une base, c'est-à-dire une famille génératrice et libre.
- La famille vide d'éléments d'un module M est libre.
- Tout anneau, vu comme module sur lui-même, est libre, de base .
- Sur un corps, tous les modules (c'est-à-dire les espaces vectoriels) sont libres, et ceux qui sont de type fini sont les espaces vectoriels de dimension finie.
- Les -modules de type fini sont les groupes de type fini commutatifs et les -modules libres sont les groupes abéliens libres.
- Un élément d'un A-module (à gauche ou à droite) M est dit libre si le seul scalaire tel que dans M est le scalaire nul. Cela revient à dire que toute famille d'un seul vecteur égal à est libre; cela revient aussi à dire qu'il existe une famille libre d'un seul vecteur égal à x.
En fait, l'expression « base d'un module » a encore un autre sens, légèrement différent.
On définit une partie libre d'un A-module M comme une partie B de M possédant la propriété suivante :
- si I est un ensemble fini, si est une famille d'éléments de B telle que, pour tous distincts dans I, et soient distincts, alors la famille est libre, ce qui revient à dire que si est une famille de scalaires telle que , alors pour tout .
Une partie B de M est une partie libre de M si et seulement la famille (assimilable à l'application identique de B dans lui-même) est une famille libre d'éléments de M (au sens défini plus haut).
Convenons de définir une partie basique de M comme une partie libre et génératrice de M.
Une partie B de M est une partie basique de M si et seulement la famille (assimilable à l'application identique de B dans lui-même) est une base de M (au sens défini plus haut).
Une famille d'éléments de M est une base de M (au sens défini plus haut) si et seulement si les deux conditions suivantes sont satisfaites :
- a) pour tous distincts dans ,
- b) l'ensemble des valeurs de la famille , autrement dit l'ensemble , est une partie basique de M.
Ce que nous avons appelé « partie basique » est en fait appelé couramment « base ». On emploie donc le mot « base » dans deux sens différents[7]. Pour distinguer entre les deux sens, il nous arrivera de parler de « famille basique » et de « partie basique ». Il est tantôt plus intéressant de considérer des familles basiques, tantôt des parties basiques.
On dit qu'un vecteur x d'un A-module M est libre si le singleton est une partie libre ce ce module. Cela revient à dire que le seul scalaire tel que est . Si l'anneau A est non nul, un vecteur libre est forcément non nul; en effet, et, puisque A est non nul, , donc le vecteur nul n'est pas libre.
Toute partie d'une partie libre d'un module est libre, donc tout élément d'une partie libre d'un module est libre. D'après ce qui précède, il en résulte que si A est un anneau non nul et M un module, tout élément d'une partie libre de M est non nul.
On a défini un module libre comme un module ayant (au moins) une famille basique; cela équivaut à ce que ce module ait (au moins) une partie basique. Un module n'est pas forcément libre, c'est-à-dire n'a pas forcément de base. Par exemple, si est un nombre naturel distinct de 0 et de 1, le -module quotient n'a pas de base. (Le lecteur est invité à le démontrer.)
Soient A un anneau, M un A-module à gauche (resp. à droite), une base (famille basique) de ce module, N un A-module à gauche (resp. à droite) et une famille d'éléments de N. Il existe un et un seul homomorphisme de M dans N tel que pour tout dans ,
Démonstration laissée au lecteur. On a un énoncé analogue avec des parties basiques au lieu de familles basiques :
Soient A un anneau, M un A-module à gauche (resp. à droite), X une base (partie basique) de ce module, N un A-module à gauche (resp. à droite) et une application de X dans N. Il existe un et un seul homomorphisme de M dans N qui prolonge .
Soient A un anneau et M un A-module. Nous allons prouver que si un A-module M a une base (partie basique) infinie, alors toutes les bases de M sont équipotentes. Commençons par un lemme.
Soient A un anneau non nul, M un A-module (à gauche ou à droite), E une partie génératrice de M, L une partie libre de M; on suppose que E est contenue dans L. Alors E et L sont égales (et sont donc une même base de M).
Soit un élément de L. Il s'agit de prouver que
- (thèse 1) appartient à E.
Puisque E est une partie génératrice de M, il exist des éléments de E, deux à deux distincts, et des scalaires tels que
- ,
ce qui peut encore s'écrire
- (2)
Puisque l'anneau A est supposé non nul, le coefficient -1 apparaissant dans la relation (2) est non nul, donc si était distinct de tous les vecteurs , la relation (2) serait une relation de dépendance linéaire entre éléments de L (puisque E est supposée contenue dans L), ce qui contredit l'hypothèse selon laquelle E est libre. Donc est égal à un des vecteurs Puisque ces vecteurs appartiennent à E, cela démontre notre thès (1), à savoir que appartient à E.
Soient A un anneau et M un A-module (à gauche ou à droite). On suppose que M a une partie basique infinie B. Alors
- 1° toute partie génératrice de M est de cardinal ;
- 2° toutes les parties basiques de M sont équipotentes à B.
Soit E une partie génératrice de M. Pour tout élément de E, notons l'ensemble des éléments de B qui apparaissent avec un coefficient non nul dans la décomposition de suivant la partie basique de M. Posons
Alors tout élément de E est une combinaison linéaire d'éléments de C. Puisque E est une partie génératrice de M, il en résulte que
- C est une partie génératrice de M.
Mais C est contenue dans B et B est une partie libre de M, donc, d'après le lemme qui précède (et compte tenu que A est évidemment non nul, puisque M est un A-module infini et donc non nul)
- C = B, autrement dit
- (1)
Chaque ensemble est fini et, d'autre part, l'ensemble B est infini par hypothèse, donc il résulte de (1) que
- (2) E est infini.
Puisque, comme déjà noté, chaque ensemble est fini, il résulte de (2) que, pour tout élément de E,
Retenons seulement que
D'après les propriétés des cardinaux (finis ou infinis), nous avons donc
- (3)
Par définition de la somme d'une famille de cardinaux, le membre droit est le cardinal de la « somme » (« réunion disjointe ») de la famille (famille d'ensembles tous égaux à E). Cette « réunion disjointe » est égale au produit cartésien et son cardinal est donc , donc (3) peut s'écrire
- (4)
Nous avons vu en (2) que E est infini, donc[8] , donc (4) peut s'écrire
D'après (1), cela revient à
- ,
ce qui prouve le point 1° de l'énoncé.
En prenant pour E une base de M, nous trouvons et , d'où , d'où le point 2° de l'énoncé.
Le point 1° du théorème qui précède montre qu'un module est à la fois libre et de type fini si et seulement s'il admet une partie basique finie.
Si un A-module admet une partie basique finie, alors, d'après le théorème qui précède, toutes ses parties basiques sont finies. Il n'est cependant pas forcément vrai que toutes ses parties basiques sont équipotentes. Par exemple, si A est un anneau nul, tout A-module M est nul et admet exactement deux bases, à savoir et , or ces deux bases ne sont pas équipotentes. De façon moins triviale, on peut trouver un anneau non nul A tel que, pour tout nombre naturel , le A-module à gauche ait une partie basique de cardinal (Voir une démonstration à l'exercice 2.13 de la page Espace vectoriel/Exercices/Rang, dimension.) Cependant, on peut prouver que toutes les parties basiques d'un même A-module sont équipotentes si A est (non limitativement) d'un des trois types suivants :
- 1° un corps;
- 2° un anneau commutatif non nul;
- 3° un anneau fini non nul.
(Les points 1° et 2° sont démontrés au chapitre Espace vectoriel/Dimension. Le lecteur peut démontrer le point 3° en exprimant le cardinal d'un A-module à gauche libre de type fini en fonction du cardinal de l'anneau et du cardinal d'une base du module.)
Pour un espace vectoriel, la dimension d'un sous-espace est toujours inférieure ou égale à la dimension de l'espace. Mais pour un module M de type fini, un sous-module n'est pas nécessairement de type fini (même si M est libre). Par exemple pour un anneau de polynômes en plusieurs indéterminées sur un anneau commutatif , l'idéal engendré par les (sous-module du -module ) n'est de type fini que si est fini. Cependant :
A-module libre engendré par l'ensemble X
modifierSoient A un anneau et X un ensemble. On a vu que les deux lois de composition de l'anneau A font de A un A-module à gauche, parfois noté , et que les deux lois de composition de l'anneau (anneau opposé de A) font de un A-module à droite, parfois noté Considérons la famille de A-modules à gauche tous égaux à La somme directe de cette famille de A-modules à gauche est un A-module à gauche. De même, la somme directe de la famille de A-modules à droite tous égaux à est un A-module à droite.
L'ensemble sous-jacent du A-module à gauche comme du A-module à droite est l'ensemble des familles de support fini d'éléments de A, indexées par X. Selon la définition qu'on adopte des familles (applications ou graphes), le A-module à gauche est donc identique ou canoniquement isomorphe à l'ensemble des applications de support fini de X dans A, muni de l'addition point par point définie par et de la loi externe définie par De même, le A-module à droite est identique ou canoniquement isomorphe à l'ensemble des applications de support fini de X dans A, muni de l'addition point par point définie par et de la loi externe définie par
Au lieu de dire « le A-module à gauche », nous dirons aussi « le A-module à gauche » et au lieu de dire « le A-module à droite », nous dirons aussi « le A-module à droite ».
Si l'anneau A est commutatif, le A-module à gauche et le A-module à droite sont identiques.
Si l'anneau A est nul, le A-module est nul, comme tout module sur un anneau nul.
Soient A un anneau et X un ensemble. Pour tout élément de X, notons ici l'application de X dans A qui vaut 1 en et 0 en tout point de Nous définissons ainsi une application de X dans . Si l'anneau A est non nul, cette application est injective et son image est une base du A-module à gauche aussi bien que du A-module à droite
Démonstration laissée au lecteur.
D'après le théorème qui précède, le A-module à gauche est libre (même dans le cas exceptionnel où A est nul) et, si A est non nul, ce A-module admet une base canoniquement équipotente à X; par abus de langage, cette base est alors identifiée à X. Même chose pour le A-module à droite
Soient A un anneau et X un ensemble. Le A-module à gauche est appelé[9] le A-module à gauche libre engendré par X. De même, le A-module à droite est appelé le A-module à droite libre engendré par X.
Si l'anneau A est commutatif, le A-module à gauche libre engendré par X et le A-module à droite libre engendré par X sont identiques et on dit simplement « le A-module libre engendré par X ».
Soient A un anneau, X un ensemble, M un A-module à gauche et une application de X dans M. Alors il existe un et un seul homomorphisme du A-module à gauche dans M tel que
- ,
où désigne l'application de X dans définie plus haut.
On va démontrer l'énoncé pour les modules à gauche.
Si l'anneau A est nul, tous les A-modules sont nuls (et l'application est donc nulle), donc l'énoncé est banalement vrai dans ce cas. On peut donc supposer que l'anneau A est non nul.
Alors, comme on l'a vu, l'application de X dans définie plus haut est injective et admet donc une corestriction bijective de X sur Notons la bijection réciproque. On a vu que est une base du A-module à gauche L'application part de cette base et arrive dans le A-module à gauche M. Donc, d'après un théorème démontré plus haut (détermination d'un homomorphisme par ses valeurs en les éléments d'une base), il existe un et un seul homomorphisme du A-module à gauche dans M qui coïncide avec en tout élément de Compte tenu de la définition de , cela revient à dire qu'il existe un et un seul homomorphisme du A-module à gauche dans M tel que , ce qui démontre l'énoncé.
Remarque. Le A-module engendré par un ensemble X sert à définir le produit tensoriel d'une famille de A-modules.
Notes et références
modifier- ↑ N. Bourbaki, Algèbre, chapitres 1 à 3, Hermann, 1970, p. II.2.
- ↑ P. Tauvel, Algèbre, 2e éd., 2010, p. 93.
- ↑ S. Lang, Algèbre, 3e éd., Dunod, 2004, p. 126-127, désigne les scalaires par des lettres minuscules du début de l'alphabet latin et les vecteurs par des lettres minuscules de la fin du même alphabet.
- ↑ N. Bourbaki, Algèbre, Chapitres 1 à 3, Hermann, 1970, p. II.1 et II.2.
- ↑ Pour les notations As et Ad, voir N. Bourbaki, Algèbre, Chapitres 1 à 3, Hermann, 1970, p. II.2-3.
- ↑ Voir S. Lang, Algèbre, 3e éd., Paris, Dunod, p. 129.
- ↑ N. Bourbaki, Algèbre, Chapitres 1 à 3, Hermann, 1970, p. II.25 et II.26, indique les deux significations.
- ↑ Voir par exemple N. Bourbaki, Théorie des ensembles, Hermann, 1970, ch. III, § 6, n° 3, p. III.47, théorème 2.
- ↑ S. Lang, Algèbre, 3e éd., Dunod, 2004, p. 145.