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Nous allons, dans ce chapitre, étudier la méthode de Sotta dans le cas particulier des équations de degré 3. Cette méthode possède la particularité de présenter les solutions de l'équation à résoudre sous une forme différente de celle donnée par la méthode de Cardan. Dans un premier paragraphe, nous étudierons la résolvante de Sotta, qui est un polynôme de degré inférieur ou égal à 2 associé à l'équation à résoudre et qui possède un certain nombre de propriétés assez remarquables. Dans un second paragraphe, nous rentrerons dans les détails de la méthode permettant de résoudre toutes les équations du troisième degré.
Les coefficients les plus simples possibles, dépendant polynomialement de , tels que :
sont :
Si , la suite est ainsi le début d'une suite récurrente linéaire d'ordre 2, d'équation caractéristique . C'est ce qui motive la définition suivante.
Définition de la résolvante de Sotta
La résolvante de Sotta de est le polynôme :
.
Propriété 1
Si alors .
Si et si deux des coefficients de R sont nuls, alors le troisième coefficient est aussi nul.
Démonstration
Si alors donc (dans ce premier cas, l'hypothèse est inutile).
Si alors donc si de plus , alors .
Si alors donc si de plus , alors .
Propriété 2
Le discriminant Δ de f et le « discriminant » ΔR de sa résolvante R sont liés par :
.
Dans cet énoncé, le « discriminant » ΔR désigne le nombre où sont les coefficients du polynôme R, qui peut être de degré < 2.
D'après la propriété 2 :
ΔR est inchangé lorsqu'on effectue dans f une translation de la variable. Remarquons à cette occasion qu'il en est de même pour le coefficient A de R (cf. exercice 2-9 de la leçon sur les équations de degré 3).
f a une racine multiple si et seulement si A = B = 0 ou R est de degré 2 et a une racine double. Mais cette équivalence sera précisée et redémontrée plus loin.
Démonstration
Les deux propriétés suivantes n'ont pas non plus grand intérêt car elles supposent les racines de f connues et en déduisent celles de R.
Propriété 3
Si f a une racine multiple α, alors :
si α est racine seulement double de f, R est de degré 2 et de racine double α ;
si α est racine triple de f, R = 0.
Démonstration
Soit β la troisième racine de f (différente de α dans le premier cas et égale à α dans le second). Alors,
donc
.
Propriété 4
Si les racines de f sont de la forme :
avec
,
alors :
R est de degré 2 et ses deux racines sont et ;
.
Démonstration
Posons . Alors, et
Par conséquent, les coefficients de l'équation de départ sont proportionnels à ceux, de la dernière équation. La suite suit donc la même récurrence linéaire d'ordre 2 que la suite , si bien que la résolvante est proportionnelle au polynôme caractéristique de cette suite : .
Enfin, puisque ,
.
Bien plus utile est la réciproque suivante :
Début d’un théorème
Théorème principal
Si R est de degré 2, alors :
si les racines α et β de R sont distinctes, alors α et β sont différents de –b/(3a) et les racines de f sont les trois nombres (distincts) :
où les sont les racines cubiques de
.
sinon, la racine (double) de R est racine double de f.
Fin du théorème
Démonstration
f n'a pas de racine triple, sinon R serait nul.
La suite obéit à la récurrence linéaire d'ordre 2 de polynôme caractéristique R, donc elle est de la forme si , et de la forme si .
Dans le premier cas,
donc et sont non nuls et sont déterminés par et :
.
Les racines de f sont alors les solutions de
,
qui sont bien les racines annoncées car
et
.
Dans le second cas, il suffit de vérifier que α est racine d'ordre au moins 2 de f :
Remarques
Dans le premier cas, l'expression des solutions est, comme il se doit, symétrique en α et β.
Un exemple du second cas est : B = C = 0 et A ≠ 0, c'est-à-dire c = d = 0 et b ≠ 0. Les racines de f sont alors 0 (double) et –b/a (simple).
On peut, accessoirement, remarquer aussi les trois cas particuliers suivants :
Corollaire 1
Si et , alors les racines de f sont
,
où les sont les trois racines cubiques de .
Démonstration
D'après les hypothèses, (donc ) et , donc A et B sont tous deux nuls ou tous deux non nuls.
Si A = B = 0 alors (d'après la propriété 3) f a une racine triple qui (puisque ) est bien égale à .
Si alors R est de degré 2 et de racines distinctes et . Par conséquent, d'après le théorème, les racines de f sont
avec ,
ou encore :
avec .
Corollaire 2
Si et , alors les racines de f sont
où les sont les racines cubiques de
.
Démonstration
Il suffit d'appliquer le théorème avec .
Corollaire 3
Si et , alors les racines de f sont
,
où les sont les trois racines cubiques de .
Démonstration
Il suffit d'appliquer le corollaire 1 au polynôme , dont la résolvante est et dont les racines sont les inverses de celles de f.
Mais la propriété suivante se démontre directement et généralise le corollaire 3 :
Propriété 5
Si , alors les racines de f sont
où les sont les trois racines cubiques de .
Démonstration
Par hypothèse,
.
Dans le plan complexe, les racines sont alors aux sommets d'un triangle équilatéral (l'exercice 2-7 de la leçon sur les équations de degré 3 démontre la réciproque), qui dégénère en un point (racine triple) si de plus B = 0 (c'est-à-dire si R = 0) puisqu'alors, .
Avant de former la résolvante de Sotta, nous devons préalablement nous assurer que son coefficient de plus haut degré, A, n’est pas nul.
Toutefois, si A est nul, nous pouvons faire appel à la propriété 5 du paragraphe précédent pour conclure que :
.
Nous pouvons à présent former la résolvante de Sotta :
.
Alors, R a soit une racine double, soit deux racines simples.
Si R a une racine double θ, on utilisera simplement la propriété 3 du paragraphe précédent pour conclure que f a la même racine double θ et ses trois racines sont alors :
.
Si R a deux racines simples α et β, nous utiliserons le théorème principal ci-dessus. Les trois racines de f sont alors :
Une méthode trigonométrique (qui sort du champ de la méthode de Sotta) fournit les solutions réelles d'une équation du troisième degré :
dans laquelle le coefficient du terme de degré 1 de la résolvante de Sotta est nul, c'est-à-dire vérifie :
.
Elle est exposée dans le chapitre 6 de la leçon sur les équations de degré 3. On y distingue 3 cas :
si a et c sont de signes contraires, on effectue un changement de variable en tangente, qui fournit les trois solutions réelles ;
si le coefficient du terme de degré 2 de la résolvante est négatif (ac > b2/3), on effectue un changement de variable en tangente hyperbolique, qui fournit la solution réelle ;
si a et c sont de même signe et si le coefficient du terme de degré 2 de la résolvante est positif (0 < ac < b2/3), on effectue un changement de variable en cotangente hyperbolique, qui fournit la solution réelle.
Si une équation du troisième degré a une résolvante de Sotta de degré 2, il est sûr que l’on ne pourra pas appliquer la propriété 5. Toutefois (cf. chapitre 6 de la leçon sur les équations de degré 3) :
Rappel d'une proposition
Toute équation de degré 3 dont la résolvante de Sotta est avec
est équivalente, par le changement de variable
,
à une équation dont le coefficient de degré 1 de la résolvante de Sotta est nul.
Cette proposition nous permet donc de résoudre (complètement, par le corollaire 2, ou partiellement, par la méthode trigonométrique mentionnée ci-dessus) toutes les équations de degré 3 ne vérifiant pas l'hypothèse A = 0 de la propriété 5.
Remarque
De même, toute équation de degré 3 dont la résolvante de Sotta est avec
est équivalente, par le changement de variable
,
à une équation dont le terme constant de la résolvante de Sotta est nul.
Cette remarque nous permet donc de résoudre (par le corollaire 1) toutes les équations de degré 3 ne vérifiant pas l'hypothèse A = 0 de la propriété 5.