Équation du troisième degré/Généralités sur les équations du troisième degré
Ce chapitre est consacré aux généralités sur les équations du troisième degré. Après avoir défini une équation du troisième degré, nous verrons une première méthode de résolution qui ne marchera que dans des cas très particuliers. Nous étudierons ensuite comment connaître le produit et la somme des racines et son application au calcul des expressions symétriques faisant intervenir les racines. Nous verrons ensuite ce que l’on appelle le résultant de deux polynômes. Une application immédiate sera la définition et le calcul du discriminant des équations du troisième degré. Cette notion sera aussi utile à la démonstration de certains théorèmes des chapitres suivants.
Définition d’une équation du troisième degré (12)
modifierAvant de commencer à manipuler les équations du troisième degré, nous devons bien savoir ce que c'est.
Une équation du troisième degré est une équation qui, lorsqu’on a développé, réduit, mis au même dénominateur, multiplié les deux membres par le dénominateur commun et mis tous les termes dans le premier membre, se met sous la forme :
avec, bien sûr, a non nul.
Dans l'intégralité de ce cours, nous supposerons, si rien n'est précisé, que les coefficients de l'équation appartiennent à un ensemble quelconque et en particulier peuvent, par conséquent, être des nombres complexes.
Exemples d'équations du troisième degré Les équations suivantes sont des équations du troisième degré. Essayez pour chaque équation de le montrer à titre d'exercice. |
Une première méthode de résolution par la recherche d'une racine évidente (12)
modifierLa méthode que nous allons voir dans ce paragraphe ne marche pas dans tous les cas. Mais, quand elle marche, elle marche mieux que les méthodes générales que nous verrons dans les chapitres suivants.
Le principe en est le suivant :
Nous commençons par rechercher une racine évidente et une fois celle-ci trouvée, nous nous ramenons, grâce à elle, à la résolution d’une équation du second degré.
Recherche d'une racine évidente
modifierRechercher une racine évidente, c’est essayer de trouver une racine sans utiliser de méthodes sophistiquées. On essaye de remplacer x par des nombres simples jusqu'à ce que l’équation soit vérifiée. Heureusement, cette recherche est facilitée par la propriété suivante :
Si l'équation à coefficients entiers :
admet une racine sous forme de fraction irréductible p/q, alors p divise d et q divise a.
Pour l’équation :
- ,
nous essayerons seulement les nombres : 1, –1, 2, –2, 3, –3, 6 et –6, qui sont les diviseurs de 6.
Pour l’équation :
- ,
nous essayerons, en plus des nombres précédents, les nombres :
- .
Factorisation du premier membre (12)
modifierSi l'on connaît déjà une solution (rationnelle ou pas) d'une équation de degré 3, cela permet, pour trouver les autres, de se ramener à une équation de degré 2 :
Si le polynôme de degré 3
admet une racine
alors il peut se factoriser sous la forme :
avec polynôme du second degré.
Il ne nous reste plus qu’à résoudre l'équation :
- ,
qui est du second degré, pour trouver les deux racines manquantes.
On aura ainsi complètement résolu une équation du troisième degré.
Faites ces exercices : Exercice 1-2. |
Malheureusement, cette méthode ne marche que si l’on réussit à trouver une racine dans l'équation à résoudre.
Nous verrons, dans les chapitres suivants, des méthodes qui marchent dans tous les cas.
Équations dont les coefficients sont des nombres réels
modifierDans ce paragraphe, nous étudierons plus particulièrement les équations dont les coefficients appartiennent à l’ensemble des nombres réels.
Nous avons le théorème suivant :
Soit l’équation à coefficients réels :
Si cette équation admet une racine α dans l’ensemble des nombres complexes, alors elle admet aussi comme racine le conjugué du nombre α.
Si α est racine de l'équation :
alors :
Prenons le conjugué des deux membres :
Compte tenu des propriétés du conjugué, on obtient :
Ce qui montre que le conjugué de α est aussi racine de l'équation :
Du théorème précédent, nous en déduisons immédiatement la propriété suivante:
Somme et produit de racines
modifierOn appelle monôme en trois indéterminées, une expression de la forme :
- ,
étant des variables (ou indéterminées) et des entiers naturels fixés (éventuellement nuls).
Un polynôme en trois indéterminées est une somme finie de monômes en ces indéterminées.
Dans ce paragraphe ainsi que dans le suivant, le terme « polynôme » devra être compris comme « polynôme en trois indéterminées ».
Lors de l'étude des équations du second degré, vous avez dû voir qu’il existe des relations simples donnant la somme et le produit des racines en fonction des coefficients des monômes de l'équation.
Nous allons voir qu’il en est de même pour les équations du troisième degré.
Nous avons :
Soit :
une équation du troisième degré dont les trois racines seront notées .
Nous avons alors les trois relations simples liant les racines aux coefficients de l'équation :
- ;
- ;
- .
L'équation peut s'écrire :
- .
En développant, on obtient :
- .
En identifiant les coefficients de cette dernière équation avec :
- ,
on obtient les trois relations annoncées.
Le théorème précédent va nous permettre de calculer certaines expressions portant sur les racines.
Une expression contenant des variables est dite symétrique par rapport à celles-ci si elle est inchangée par toutes les permutations de ces variables.
Les polynômes suivants sont symétriques en les variables :
- ;
- ;
- les sommes de Newton , pour .
Une autre définition :
Les expressions :
- ;
- ;
sont appelées polynômes symétriques élémentaires en les trois indéterminées .
Nous avons alors la proposition suivante :
Les sommes de Newton s'expriment comme fonctions (polynomiales et à coefficients entiers) des trois polynômes symétriques élémentaires en .
Nous avons :
- ;
- ;
- .
Nous allons ensuite établir une relation de récurrence d'ordre 3 pour pouvoir calculer les pk suivants.
Pour cela, considérons le polynôme (en quatre variables : et ) ainsi défini :
- .
Nous avons alors :
- .
Nous en déduisons, pour tout :
Par addition membre à membre, nous obtenons :
qui est bien une relation de récurrence d'ordre 3.
En résumé, nous retiendrons :
|
On peut ainsi, par récurrence, exprimer tous les pk comme des polynômes à coefficients entiers en .
Cette proposition est généralisée par le théorème suivant :
Tout polynôme symétrique en trois indéterminées (à coefficients entiers) peut s'exprimer en fonction (polynomiale et à coefficients entiers) des trois polynômes symétriques élémentaires en ces indéterminées.
Nous allons seulement démontrer que tout polynôme symétrique est un polynôme à coefficients rationnels des polynômes symétriques élémentaires. Pour une preuve complète (à coefficients entiers) et qui fournit un algorithme plus efficace, il suffit d'adapter à trois indéterminées la preuve pour quatre indéterminées fournie dans la leçon sur l'équation du quatrième degré.
Pour simplifier l'écriture, nous commencerons par poser :
- ;
- ;
- .
Tout polynôme symétrique s'écrit, après développement éventuel, comme combinaison à coefficients rationnels des Sk, Sk,l, Sk,l,m. Par exemple : .
Il nous suffit donc de montrer que Sk, Sk,l, Sk,l,m s'expriment en fonction de σ1, σ2, σ3.
Calcul des Sk.
et pour , (la -ième somme de Newton), que l'on calcule grâce à la proposition précédente.
Calcul des Sk,l.
Nous voyons que :
- ,
que l’on peut écrire :
. |
Calcul des Sk,l,m.
On montre facilement que :
. |
Pour démontrer cela, il suffit de s'armer de patience et développer le second membre pour constater que l’on tombe bien sur le premier membre.
Comme les polynômes symétriques élémentaires des racines d'un polynôme s'expriment simplement en fonction des coefficients de ce polynôme, nous déduisons qu'il en est de même pour tous les polynômes symétriques des racines.
Résultant de deux polynômes
modifierCette notion classique est d'un niveau nettement supérieur à celui de cette leçon, et ne sera abordée sérieusement qu'au niveau 16, dans la leçon « Résultant ».
Les résultants nous serviront à résoudre des systèmes d'équations non linéaires. Donnons-en d'abord une « définition » intuitive : le résultant de deux polynômes non nuls est :
- un polynôme en les coefficients de P et Q, qui s'annule si et seulement si P et Q ont une racine commune,
- une « expression minimale » obtenue en « éliminant entre les deux équations » et ,
ces deux propositions (informelles) étant presque équivalentes.
Sans pouvoir donner un sens formel à la seconde, donnons-en quelques exemples.
Si ou , les deux équations :
ont une racine commune si et seulement si le nombre suivant est nul :
- .
L'exception a lieu lorsque : dans ce cas, est toujours nul.
- Si , on tire de la première équation et on le remplace dans la seconde ; on obtient :
- ,
- c'est-à-dire
- .
- Si et et :
- les racines de la seconde équation sont aussi racines de la première si et seulement si ;
- donc .
- Si et et :
- la seconde équation n'a pas de racine ;
- .
Si ou , les deux équations
ont une racine commune (éventuellement complexe) si et seulement si le nombre suivant est nul :
Si et , se simplifie en , qui est le produit par une constante non nulle du « résultant R1-3 » des deux équations
donc l'assertion est démontrée.
Supposons maintenant . Toute solution de la première équation vérifie
donc
donc
Par conséquent, le système
est équivalent à
avec
- et .
et les deux équations ont une solution commune si et seulement si leur « résultant R1-2 » est nul. Or ce « résultant » est égal à
donc il est nul si et seulement si .
En particulier, si (ou ), les deux équations
ont une racine commune si et seulement si le nombre suivant est nul :
- .
Contrairement à la notion d'« expression minimale obtenue en éliminant entre les deux équations », la notion de résultant (qui sert à définir celle de discriminant) a une définition précise, qui vérifie clairement la première des deux « définitions intuitives » ci-dessus :
Si :
Soient :
- , avec ;
- , de degré .
Alors, est égal à
- ,
donc à l'expression annoncée.
- Le résultant est invariant par translation de la variable :
- .
- Lorsque ou est nul, ce que nous avions appelé le « résultant R1-n » n'est pas le résultant des deux polynômes et (qui n'est même pas défini si ou est nul). Cependant :
- si et , .
La proposition suivante sera utilisée dans la prochaine section, dans le cas et .
Si est de degré 2 et si est de degré ( ),
alors leur résultant — défini par où sont les racines de — est égal à
La démonstration est assez longue mais ne présente pas de difficulté (elle ne fait même pas appel au théorème ci-dessus sur les polynômes symétriques en 3 variables mais seulement — et de façon guidée — sur le cas plus simple en 2 variables : les racines de ). Nous l'avons donc proposée dans l'exercice 2-2.
Discriminant d’un polynôme de degré 3
modifierLe discriminant d'un polynôme de degré et de coefficient dominant est défini par :
(qui est nul si et seulement si et ont une racine commune, c'est-à-dire si a une racine multiple).
Pour un polynôme de degré 3, la proposition précédente nous donne donc deux expressions du discriminant :
Le discriminant d'un polynôme de degré 3 :
est défini par :
où sont les deux racines du polynôme dérivé .
En appliquant la proposition précédente à , on obtient :
Ainsi, est un polynôme en , et , donc un polynôme symétrique en les trois racines de , qui doit s'annuler si deux de ces racines sont égales. Sa forme est remarquable :
On pourrait déduire cette égalité du corollaire précédent, mais il est bien moins pénible de partir directement de la définition.
- donc
- .
Mais s'exprime aussi en fonction de son coefficient dominant et de ses racines :
- .
Par conséquent,
On en déduit une propriété importante du discriminant d'un polynôme du troisième degré :
Soit un polynôme de degré 3 à coefficients réels et Δ son discriminant. L'équation
possède :
- si Δ > 0, trois racines réelles distinctes.
- si Δ = 0, une racine double ou triple.
- si Δ < 0, une racine réelle et deux racines complexes conjuguées non réelles.
Soient les racines de et son coefficient dominant. Alors,
- .
Si sont trois nombres réels alors Δ est le carré d'un nombre réel. C'est donc un nombre réel positif ou nul. De plus, il est nul si et seulement si deux des trois racines sont égales.
Si deux des nombres sont des nombres complexes conjugués non réels, ( ) et le troisième est un réel , alors
est l'opposé du carré d'un nombre réel non nul. C'est donc un réel strictement négatif.
Comme nous avons distingué tous les cas possibles, nous en déduisons, inversement, les trois points annoncés.