Sondage/Version imprimable
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Introduction
On a coutume de dire que l’information, c’est le pouvoir : c’est dans cette optique que les sondages ont été créés. Il semblait en effet important de connaître l’opinion de la population sur divers sujets (politique, marketing, vie quotidienne…). Ces sondages peuvent avoir plusieurs intérêts : ceux concernant la mercatique ne sont généralement pas publiés, mais peuvent servir à renseigner le directeur d’une enseigne sur l’avis de la population à propos d’un produit. Les sondages d’ordre politique, quant à eux, peuvent être commandés par un parti ou par les médias afin de connaître l’évolution des intentions de vote des Français pendant la période précédant une élection par exemple.
Les techniques pour réaliser ces sondages et, par conséquent, pour recueillir l’information auprès de la population, ont beaucoup évolué, tout particulièrement dans la deuxième moitié du XXᵉ siècle : le redressement, le choix de l’échantillon, permettent de rendre les sondages plus justes et plus fiables. Un sondage, aujourd’hui, est donc une enquête ponctuelle réalisée auprès d’un échantillon "représentatif" de la population étudiée, et dont l’objectif est d’informer le commanditaire ainsi que la population, si les résultats sont publiés ou diffusés, de la manière la plus objective possible.
Cependant, bien que ce ne soit pas leur vocation, ils peuvent également avoir un effet pernicieux. En effet, un sondage mal exécuté, que ce soit dans sa réalisation ou dans son interprétation, pourrait donner de fausses informations à la population, et en conséquence déformer l’opinion publique. Le sujet de l’opposition qui peut exister entre le rôle des sondages (mesurer l’opinion) et leur effet induit (l’influence sur l’opinion de la population) parait, dès lors, crucial et nous amène à nous poser cette question : Les sondages : outil de mesure ou facteur d’influence ?
On a coutume de dire que l’information, c’est le pouvoir : c’est dans cette optique que les sondages ont été créés. Il semblait en effet important de connaître l’opinion de la population sur divers sujets (politique, marketing, vie quotidienne…). Ces sondages peuvent avoir plusieurs intérêts : ceux concernant la mercatique ne sont généralement pas publiés, mais peuvent servir à renseigner le directeur d’une enseigne sur l’avis de la population à propos d’un produit. Les sondages d’ordre politique, quant à eux, peuvent être commandés par un parti ou par les médias afin de connaître l’évolution des intentions de vote des Français pendant la période précédant une élection par exemple.
Les techniques pour réaliser ces sondages et, par conséquent, pour recueillir l’information auprès de la population, ont beaucoup évolué, tout particulièrement dans la deuxième moitié du XXème siècle : le redressement, le choix de l’échantillon, permettent de rendre les sondages plus justes et plus fiables. Un sondage, aujourd’hui, est donc une enquête ponctuelle réalisée auprès d’un échantillon "représentatif" de la population étudiée, et dont l’objectif est d’informer le commanditaire ainsi que la population, si les résultats sont publiés ou diffusés, de la manière la plus objective possible.
Cependant, bien que ce ne soit pas leur vocation, ils peuvent également avoir un effet pernicieux. En effet, un sondage mal exécuté, que ce soit dans sa réalisation ou dans son interprétation, pourrait donner de fausses informations à la population, et de ce fait déformer l’opinion publique. Le sujet de l’opposition qui peut exister entre le rôle des sondages (mesurer l’opinion) et leur effet induit (l’influence sur l’opinion de la population) parait, dès lors, crucial et nous amène à nous poser cette question : Les sondages : outil de mesure ou facteur d’influence ?
Nous nous intéresserons, en premier lieu, à la réalisation d’un sondage : comment est-il réalisé et de quelle manière peut-il être faussé ? Par la suite, nous étudierons ses conséquences sur l’opinion publique lors de sa publication et de son interprétation. Enfin, nous verrons comment la législation tente d’encadrer leur publication et leur diffusion et quelles en sont ses limites.
Les différentes techniques
Introduction
modifierDans cette rubrique, vous découvrirez tout d’abord les différentes techniques utilisées par les instituts de sondages et leur fonctionnement pour réaliser des sondages les plus « représentatifs » de la population de base. Vous trouverez également les différents modes de recueil qui sont pratiqués par ces instituts pour collecter les réponses des sondés, ainsi que certains outils mathématiques intervenant dans la réalisation et la compréhension des sondages.
La méthode des quotas
modifierLa méthode des quotas est la méthode la plus employée par les instituts de sondage. Cette méthode ne contient pas d'élément aléatoire et par conséquent sa fiabilité ne peut être mathématiquement calculée puisqu’on ne peut pas utiliser le calcul des probabilités.
C'est une méthode d’échantillonnage qui consiste à s’assurer de la représentativité d’un échantillon, en lui affectant une structure similaire à celle de la population mère, au titre de plusieurs critères que sont, dans le cas d’une étude grand public, le sexe, l’âge, la profession, la région et la catégorie d’agglomération (critères détaillés dans la rubrique échantillon) puis à calculer le pourcentage de personnes appartenant à chaque catégorie selon les données du recensement de l’INSEE.
La méthode des quotas est très utilisée pour les sondages d’opinions. Dans ce cadre, les instituts de sondages s’assurent que l’échantillon est une représentation réduite de la population ayant le droit de vote. Par exemple, si les ouvriers hommes, âgés de 30 à 40 ans et urbains, représentent 2 % de la population des électeurs, un échantillon de 1 000 individus établis selon la méthode des quotas doit comprendre 20 personnes appartenant à cette catégorie. Lors d’une enquête téléphonique par quotas, un logiciel est utilisé pour décompter les individus déjà interrogés pour chaque catégorie de répondants. Des questions d’identification sont préalablement posées par les sondeurs pour savoir si l’individu peut être interrogé en fonction de l’état d’avancement de l’obtention des quotas. Lorsqu’une catégorie de répondants est difficile à obtenir, les instituts de sondages utilisent parfois des techniques de redressement d’échantillon.
Quels sont les avantages et inconvénients de la méthode des quotas ?
Le grand avantage de la méthode des quotas est qu’elle ne nécessite pas de disposer d’une base de données exhaustive de la population, d’où, comparativement à un sondage aléatoire de même taille, un très faible coût et une très grande rapidité.
De plus, avec la méthode aléatoire, les sondés ne sont pas « interchangeables ». Cela signifie que la personne tirée au sort doit être recontactée autant de fois que nécessaire. Grâce aux quotas, il est possible de remplacer un sondé par un autre qui a les mêmes caractéristiques sociodémographiques. Cela permet de réaliser un sondage dans des délais plus courts.
La méthode probabilité
modifierLa méthode aléatoire est très peu utilisée par les instituts de sondages en France. Cette méthode consiste à choisir des individus de telle sorte que chaque membre de la population ait une chance égale de figurer dans l’échantillon. Ce choix peut se faire avec remise ou sans remise : avec remise, l’individu peut être choisi plusieurs fois ; sans remise, l’individu ne peut être choisi qu’une seule fois (c’est le cas habituel). Cette technique nécessite que la personne tirée au sort réponde au questionnaire, ce qui exige de la recontacter jusqu'à ce que celle-ci soit jointe et réponde au questionnaire. Si elle exprime un refus pour répondre au questionnaire, elle est remplacée par une autre personne, elle-aussi choisie au hasard.
A l’aide de cette méthode, on peut espérer obtenir un échantillon «représentatif » de la population mère puisqu’elle donne à chaque individu une chance égale de faire partie de l’échantillon. Ainsi, les personnes difficilement joignables ont plus de chances de figurer dans l’échantillon qu’avec la méthode des quotas (répétition des appels jusqu’à ce que les individus concernés répondent au téléphone lors d’une enquête téléphonique). Toutefois, cette technique est peu utilisée car elle exige que les personnes tirées au sort répondent, ce qui peut nécessiter de nombreuses relances et prendre un temps considérable pour réaliser l’enquête. Dans un pays comme la France, de plus de soixante millions d’habitants, il faudrait :
- Associer un numéro allant de un à soixante millions à chacun des habitants du pays
- Tirer mille numéros au hasard à l’aide d’un logiciel (comme la fonction « aléa » sur Excel)
- Retrouver ces mille personnes pour les interroger .
Cette méthode est très onéreuse et n’est applicable que lorsqu’il existe une liste exhaustive de toute la population mère, ce qui est irréalisable à grande échelle, mais toutefois envisageable sur de petites populations cernées. C’est pour cette raison que les sondages politiques réalisés lors des élections présidentielles se font par la méthode des quotas. En effet, réaliser un véritable sondage aléatoire lors d’une campagne électorale (où le facteur temps est décisif) n’est pas facile. Du reste, les méthodes aléatoires sont longues et coûteuses. Au téléphone, une fois sélectionnée par tirage au sort, à l’intérieur du foyer, la personne à interroger, il faut réussir à la joindre en rappelant autant de fois que nécessaire. Outre le prix de ces contacts, on considère habituellement qu’une procédure de rappel peut étirer le temps de réalisation du terrain d’enquête à quatre ou cinq jours, durée problématique dans les derniers jours de la campagne électorale.
En revanche, pour des sondages réalisés en entreprises (ou groupe d’individus réduit), la méthode aléatoire est souvent préférée car elle permet de calculer la précision des résultats obtenus. Comme le cite l’institut opinion net : « Dans la plupart des études, nous préconisons la méthode aléatoire car elle permet de calculer scientifiquement la précision des résultats mais aussi d'interroger des personnes difficiles à joindre, ce qui assure leur représentation au sein de l'échantillon. Par exemple, dans les études auprès du personnel, cela permet notamment de joindre des salariés travaillant en horaires décalés ; or il est probable que leurs horaires de travail impactent leur perception de leur exercice professionnel ». Elle est également utilisée lorsqu'on ne peut connaitre la structure (la composition) de la population mère : par exemple pour des "études de passage" (cf interview de Mme Gomant).
Les différents modes de recueil
modifierLe « face à face »
modifierHistoriquement, le premier mode de recueil utilisé est le « face à face ». Ce mode de recueil s’est beaucoup développé durant les années 1930 et après la Seconde Guerre mondiale. Comme l’indique son nom, ce mode de recueil consiste à rencontrer les personnes interrogées en pratiquant le porte à porte à leur domicile, ou encore, en allant à leur rencontre directement dans la ville. Peu commode et coûteuse, cette technique n’est utilisée qu’en dernier recours par les instituts de sondage, lorsqu’ils n’ont pas d’autres solutions. Par exemple, un institut de sondages qui décide de réaliser une étude d’opinion sur une exposition, afin de savoir ce qu’en pensent les visiteurs, sera obligé d’utiliser la méthode du « face à face » pour recueillir les informations de ces derniers, afin d’être certain d’interroger des personnes ayant réellement vus l’exposition. Toutefois, ce mode de recueil est de moins en moins utilisé car il présente de nombreux inconvénients, notamment économiques mais aussi temporels. En effet, cette méthode implique la participation de nombreux sondeurs sur le terrain et le temps de recueil des réponses est considérable. Par conséquent, les instituts de sondage ont décidé de développer de nouvelles techniques de recueil, en utilisant d’autres moyens de communication.
Le téléphone
modifierCe mode de recueil est apparu dans les années 1980 et s’est rapidement développé dans le courant des années 1990. C’est le mode de recueil le plus utilisé aujourd’hui par les sondeurs, notamment lors de la réalisation d’enquêtes d’opinion. Comme son nom le laisse présager, il consiste à appeler directement les personnes à leur domicile afin d’obtenir leurs réponses. Ce mode de recueil présente de nombreux avantages car il est rapide, efficace et peu coûteux pour les instituts de sondage.
Internet
modifierCe mode de recueil est aujourd’hui de plus en plus utilisé. Il présente de nombreux avantages puisqu’il est peu onéreux, rapide et ne nécessite pas la participation de nombreux sondeurs. Cependant, 26% de la population française n’a pas encore accès à internet ce qui peut biaiser l’échantillon puisque toute la population mère n’est pas représentée (voir l'interview de Mme. Gomant à ce sujet)
Problèmes rencontrés pour contacter les sondés
modifierIl n’est pas toujours aisé pour les sondeurs, quels que soient les modes de recueil utilisés, de rentrer en contact avec les personnes qu’ils désirent interroger. Ainsi, lors d’un sondage en « face à face », il est souvent difficile pour les sondeurs, d’entrer en contact avec les personnes vivant dans un immeuble du fait du digicode à l’entrée qui leur en empêche l’accès. Avec le téléphone, il faut savoir qu’un institut de sondage doit passer aux alentours de dix mille appels téléphoniques dans l’espoir d’obtenir un millier de réponses. En effet, il faut environ quinze à vingt minutes pour répondre à un sondage et les personnes manquent parfois de disponibilité. Il se peut également que le questionnaire soit interrompu en cours de réalisation parce que le sondé ne peut plus donner suite à l’appel (double appel sur une autre ligne, problème domestique…). Des personnes au téléphone peuvent être tout à fait volontaires mais elles ne sont pas forcément éligibles pour répondre à l’enquête. Par exemple, si des enquêteurs réalisent un sondage d’opinion pour faire des pronostics sur les résultats de l’élection présidentielle et qu’ils rentrent en contact téléphonique avec un mineur, ils vont devoir raccrocher et interroger une autre personne puisque ce dernier est dans l’incapacité de voter. Par ailleurs, d’autres personnes refusent catégoriquement d’exprimer leurs opinions et se méfient des sondages. Par conséquent, les sondeurs doivent trouver de nouveaux individus à interroger. Ces dernières années les refus de répondre aux enquêtes ont augmenté de façon considérable. Un baromètre politique établi sur 5 000 réponses peut nécessiter plus de 80 000 coups de téléphones (voir tableau ci-dessous).
Bilan d’appels fourni par l’IFOP pour la troisième vague du Baromètre Politique Français (décembre 2006)
Par ailleurs, de nombreuses personnes n’utilisent plus de téléphone fixe (les "mobile only") ou alors n’utilisent plus France Télécom comme opérateur téléphonique ce qui les rend « inexistants » dans les fichiers qui sont fournis aux instituts de sondage.
Les outils mathématiques
modifierPlusieurs outils mathématiques sont à la disposition des instituts de sondage. En règle générale, ils utilisent fréquemment la moyenne arithmétique. Ces moyennes sont souvent publiées et interprétées par les médias.
La moyenne d’une série statistique est donnée par la formule suivante :
Dans cette formule, les xi désignent les valeurs du caractère étudié et les ni désignent les effectifs correspondants.
La moyenne est un paramètre de position car elle sert de repère. Elle est souvent utilisée pour comparer un même critère dans différents pays, comme par exemple le nombre d’élèves par classe (cliquez sur le tableau pour le voir en plus grand) :
Source : OCDE
Toutefois, même si elle est très utilisée, la moyenne n’est pas l’outil mathématique le plus fiable car elle n’est pas toujours représentative du caractère étudié. En effet, selon les critères (salaires, consommation des ménages…) les instituts de sondage complètent les informations données par la moyenne par celles données par la médiane et la dispersion qu’ils jugent plus représentatif.
La médiane d'une série statistique partage cette série en deux parties de telle sorte que :
- Au moins 50% des données soient inférieures ou égales à la médiane
- Au moins 50% des données soient supérieures ou égales à la médiane
La médiane, comme la moyenne, est un paramètre de position. Cependant, il n’est pas influencé par les valeurs extrêmes contrairement à la moyenne.
Par exemple, un sondage réalisé en février 2012 indique que le salaire moyen mensuel des français est de 1 997 €, alors que le salaire médian est de 1 594 €. Pour rappel : le salaire moyen en France est la somme de tous les salaires des français divisée par le nombre de salaires considérés ; le salaire médian est le salaire tel que la moitié des français gagne plus et la moitié gagne moins.
Comment expliquer cette différence ?
La moyenne est sensible aux valeurs extrêmes, ce qui n’est pas le cas de la médiane. Ainsi, le salaire moyen est « tiré vers le haut » à cause des salaires très élevés. Le salaire médian n’est pas influencé par ces salaires élevés car ils sont peu nombreux à l’échelle du nombre total de salariés en France. Dans cette étude statistique, la médiane est donc probablement un indicateur statistique plus pertinent que la moyenne.
Autre exemple, dans la grande consommation, le sondage réalisé en décembre 2011 par opinionway sur le budget consacré par les français pour leurs dépenses de Noël donne une moyenne de 484 € par ménage. Cependant, cette information est complétée par d’autres indications comme la dispersion, ce qui permet de savoir que les dépenses vont de moins de 200 € à plus de 601 € par ménage selon la répartition suivante :
L’information donnée uniquement par la moyenne est insuffisante car il apparaît que le budget consacré aux dépenses de Noël n’est pas resserré autour de la valeur moyenne 484 € mais dispersé puisque 62% des ménages ont un budget inférieur à 400 € et que 20% ont un budget supérieur à 600 €.
Le choix de l'échantillon
L’échantillon est un sous ensemble de la population de base qui est interrogée après sélection lors d’une enquête. Après traitement, les résultats obtenus auprès de l’échantillon sont extrapolés à la population étudiée. Pour assurer la fiabilité de cette extrapolation, l’échantillon doit être le plus représentatif possible de la population mère. La représentativité de l’échantillon en France est garantie par la méthode des quotas. Lorsqu’un institut de sondage mène une enquête et qu’il désire interroger un échantillon représentatif de la population française, il va se fixer des objectifs d’interviews par sous catégories de population de façon à ce qu’en proportion, il y ait une répartition qui corresponde à celle que leur communique l’INSEE à partir du recensement de la population.
Cinq critères sont utilisés pour assurer la représentativité de l’échantillon : le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, la région et la catégorie d’agglomération. Pour chacune de ces variables il y a un découpage en plusieurs tranches :
Un échantillon est dit représentatif lorsqu’il possède les mêmes caractéristiques que la population que l’on souhaite étudier : elle doit surtout se faire sur les caractéristiques pouvant influencer les réponses des sondés. Il est néanmoins parfois difficile pour les enquêteurs d’obtenir un échantillon représentatif de la population française dans son ensemble, notamment à cause des difficultés évoquées précédemment pour entrer en contact avec la population.
Par exemple, une personne sollicitée pour répondre à un sondage va d’autant plus y participer que son niveau de diplôme est élevé. Cela entraîne des distorsions entre le niveau socioculturel de la population mère et le niveau socioculturel de l’échantillon. Quelques comparaisons entre les données de l’INSEE et les résultats observés dans les échantillons indiquent que le niveau de diplôme de ceux qui sont recrutés pour donner leur opinion dans les sondages serait significativement plus élevé que dans la réalité. Cette distorsion culturelle paraît d’ailleurs encore plus accentuée lorsqu’il s’agit de sondages effectués par téléphone. Le cas du niveau culturel est exemplaire car il démontre que le respect scrupuleux des quotas ordinaires ne suffit pas nécessairement à assurer la qualité de l’échantillonnage. Il se peut aussi que d’autres « variables cachées » tendent à biaiser la représentativité des échantillons de sondage. Ceux qui acceptent de recevoir l’enquêteur diffèrent peut-être de la population d’ensemble : ils sont sans doute par exemple plus « intéressés » par la politique, et plus disposés à se reconnaître une compétence dans ce domaine. Le tableau ci-dessous illustre ces différences de pourcentages de réponses dans la population française, selon le niveau de diplôme.
Il faut également savoir qu’un échantillon constitué selon la méthode des quotas est évidemment « représentatif » des critères correspondants aux quotas (sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle...) selon lesquels il a été fabriqué. Cependant, il n’existe aucun moyen de savoir jusqu’à quel point il est « représentatif » de la population française. L’expression « représentatif de la population française », que la presse utilise souvent, prête évidemment à confusion. On a l’impression que l’échantillon est « représentatif » de tout ce que l’on veut. On peut imaginer que les enquêteurs n’arrivent pas à recruter certaines sous-catégories de la population, soit parce que la procédure de l’enquête ne le permet pas, soit parce que ces personnes refusent systématiquement de répondre aux questions des sondeurs (communes isolées, quartiers considérés comme potentiellement dangereux,). Une personne interrogée qui refuse de répondre ou qui est injoignable, va être remplacée par son sosie sociologique. Ce n’est pas pour autant son sosie « politique » (lors d’un sondage d’opinion).
En statistique, on désigne plutôt par « échantillon représentatif », un échantillon où le hasard permet d’éviter les biais inconnus et d’appliquer le calcul des probabilités (ce qui correspond à la méthode aléatoire).
Questionnaire et entretien
Introduction
modifierL’élaboration du questionnaire est une phase très importante du sondage. La qualité du questionnaire conditionne largement la pertinence de l’enquête. Or, l’art de poser de bonnes questions, dans des termes intelligibles au plus grand nombre, est difficile. Les personnes élaborant le questionnaire doivent faire face à de nombreuses difficultés.
Comment interroger ? Le questionnaire
modifierVoici quelques règles concernant la formulation des questions :
- le sens donné à la question doit être équivalent pour toutes les personnes interrogées ;
- une bonne question doit être brève ;
- la question doit être formulée sous la forme affirmative :
Bonne question | Mauvaise question |
« Êtes-vous d'accord avec l’idée (...) ? » | « N'êtes-vous pas d'accord avec l’idée (...) ? » |
- la question ne doit pas suggérer une réponse :
Bonne question | Mauvaise question |
« Êtes-vous d'accord avec (...) ? » | « Êtes-vous de l'avis de (...) ? » |
- une question ne doit porter que sur une seule idée à la fois :
Bonne question | Mauvaise question |
« Êtes-vous d'accord avec l’idée de recycler les déchets ? Êtes-vous d'accord avec l’idée de faire payer une amende à ceux qui ne le font pas ? » | « Êtes-vous d'accord avec l’idée de faire recycler les déchets et de faire payer une amende à ceux qui ne le font pas ? » |
- la question ne doit pas induire de gêne vis-à-vis de la réponse :
Bonne question | Mauvaise question |
« Vous est-il déjà arrivé, ne serait-ce qu'une seule fois et par curiosité, de consommer de la drogue ? » | « Avez-vous consommé de la drogue ? Pourquoi ? » |
- une question doit être suffisamment comprise par tous :
Bonne question | Mauvaise question |
« Faîtes-vous attention au nombre de calories que vous consommez ? Faîtes-vous attention aux types d'aliments que vous consommez ? Faîtes-vous attention à la quantité d'aliments que vous consommez ? » | « Faîtes-vous attention à ce que vous mangez ? » |
Sur le plan technique, une bonne question doit être claire et univoque. Ceci dit, une somme de bonnes questions ne fait pas toujours un bon questionnaire. Il convient ainsi :
- d’éviter un trop grand questionnaire (supérieur à 20 questions) ;
- de reléguer les questions « indiscrètes » à la fin du questionnaire (par exemple, en France, les questions sur le revenu sont sujettes à caution de l'enquêteur) ;
- de soigner la présentation : de belles questions, de bonnes modalités de réponse et une clarté dans le fonctionnement et la présentation du questionnaire.
La forme des questions : questions ouvertes, questions fermées
modifierEn statistique, on désigne couramment les questions ouvertes et les questions fermées. Pour les questions fermées, l'individu choisit sa réponse (modalité de réponse) dans une liste pré-établie. Par exemple, les réponses proposées à la question « Avez-vous été élevé religieusement ? » seraient :
- oui ;
- non.
Pour les questions ouvertes, l'individu répond comme il le désire (formulations, détails, commentaires). La difficulté pour l'enquêteur est de noter intégralement ce que l'enquêté dit.
La seconde difficulté de la question ouverte est le recodage des réponses données, qui nécessite la construction de catégories de réponses afin d'effectuer des statistiques.
Voici un exemple de question fermée, présentée dans un tableau permettant à l'enquêteur de catégoriser rapidement les réponses :
« D'une façon générale, pensez-vous que la religion a sa place en France ? » | ||
Oui | 1 | |
Non | 2 |
Voici un exemple de question ouverte dérivée de la question précédente, et nécessitant la création de catégories a priori :
« Si oui, quelle serait son utilité ? » | ||
Une réponse aux problèmes et aux besoins moraux des individus. | 1 | |
Une réponse aux problèmes qui se posent dans la famille. | 2 | |
Une réponse aux besoins spirituels des individus. | 3 | |
Une réponse aux problèmes sociaux d'aujourd'hui. | 4 |
Le discours de l'enquêté nécessite la création de catégories (ici au nombre de quatre) et donc la consultation et le dépouillement préalable des réponses de tous les individus de l'échantillon. Face à la relative complexité du travail en questions ouvertes, deux possibilités s'offrent à l'enquêteur :
- il passe l’ensemble des questionnaires avec des questions ouvertes puis il doit recoder l’ensemble des réponses ;
- soit l'enquêteur va utiliser le questionnaire avec des questions directes dans une phase de pré-enquête.
Les questions fermées sont beaucoup plus faciles pour les individus, et simple à passer et à recoder que les questions ouvertes. Il est conseillé d’éviter plus de cinq questions ouvertes dans un même questionnaire.
Il est possible de s’inspirer d'autres questionnaires pour formuler le sien, en reprenant certaines questions.
Le contenu de la question
modifierEn statistique, on distingue les questions selon leur contenu. Il existe des questions de fait, des questions dites « d'opinion » et des questions socio-démographiques.
Les questions de fait font appel à la mémoire et portent sur des évènements précis : « Où avez-vous passé vos vacances l'année dernière ? ». Les erreurs de mémoire peuvent traduire un simple oubli, soit il s'agit d’un acte volontaire de l'individu (relation de « domination » entre l'enquêteur et l'enquêté selon Bourdieu).
Une question d'opinion consiste à demander aux individus ce qu’ils pensent de tel phénomène. Mais il peut exister un écart entre ce que dit la personne et ce qu'elle pense réellement (assez fréquent).
Les questions socio-démographiques ont pour objectif de recueillir des données sur l'âge, le sexe, les revenus, la catégorie socio-professionnelle etc. : « Quel âge avez-vous ? », pour obtenir l'état civil de la personne. Ces questions sont fondamentales car elles représentent des variables explicatives, ou indépendantes, qui expliquent les pratiques des individus. Il s'agit ici de croiser des catégories d'appartenance avec des pratiques, des opinions ou des représentations. On présuppose les réponses à un questionnaire en fonction des catégories sociales.
La passation du questionnaire
modifierComment généraliser ? La représentativité
modifierLe problème de la représentativité
modifierLa qualité des conclusions obtenues par questionnaires est liée à la composition de l'échantillon. Ainsi, si l'échantillon n’est pas représentatif de la population mère, les statistiques générées ne seront pas bonnes. Aussi, l'échantillon aléatoire peut provoquer un biais statistique si la base de sondage est incomplète ou erronée.
La deuxième difficulté génératrice de biais statistique peut être les refus de répondre, qui fragilisent le sondage.
La troisième difficulté peut provenir du manque d'informations sur la population mère ; de ce fait la structuration de l'échantillon sera fausse.
Par conséquent, il est assez difficile de ne pas avoir de biais d'échantillonnage. C’est pourquoi le statisticien utilise la notion d'estimation, qui consiste à calculer la marge d'erreur des résultats obtenus à la suite de l'échantillonnage.
La notion d'estimation
modifierÀ travers la notion d'estimation, le chercheur veut estimer l'intervalle de confiance qu’il peut accorder à ses résultats. La représentativité est fonction de la taille de l'échantillon : un échantillon microscopique conduira à une mauvaise représentativité. Pour estimer la qualité de cette représentativité, on calcule donc l'intervalle de confiance selon deux formules, où p est la proportion d'individus concernés, et n l'effectif de l'échantillon :
1,96 correspond ici à un pourcentage de confiance de 95%.
Les entretiens
modifierQui interroger ?
modifierInterroger n’importe qui mais éviter d'interroger les gens par téléphone, utiliser plutôt internet ou faire un micro-trottoir. Ne pas faire de spam.
Comment interroger ?
modifierLes différents types d'entretien
modifierOn répertorie trois types d'entretien :
- l'entretien non directif : la consigne de départ est très large. On laisse la personne interrogée déborder du cadre initial et le guide d'entretien est moins détaillé. L'intérêt est de pouvoir aborder de nouveaux thèmes.
- l'entretien directif : il est plus proche du questionnaire, laisse moins d'initiatives à la personne interrogée. Les questions sont directes et abordées dans l'ordre.
- l'entretien semi-directif (entretien intermédiaire): on recadre la personne interrogée, on reste dans le thème du guide d'entretien. Celui-ci est détaillé mais l'initiative est plus grande que dans un entretien directif car les questions ne sont pas forcément posées dans l'ordre.
Selon les objectifs de l'enquête, on ne pratique pas le même genre d'entretien.
Non directif | Semi-directif | Directif | |
---|---|---|---|
Contrôle | oui | ||
Vérification | oui | oui | |
Approfondissement | oui | oui | |
Exploration | oui | oui |
La technique de l'entretien, conduite de l'entretien
modifierLiens externes
modifier- Cours de recueil, analyse et traitement de données en licence Creatice Commons thèmes : Exploration ou vérification, Conception et élaboration de questionnaires, Méthodologie de l'entretien, Validité et fiabilité, Analyse factorielle des correspondances.
Autres règles
modifierUn manque de neutralité dans le contexte médiatique peut, par exemple, totalement fausser un sondage. En effet, demander aux sondés s’ils sont pour ou contre le nucléaire en pleine période de crise nucléaire n’a aucun sens. L’influence des médias est extrêmement forte et manipule considérablement l’opinion des sondés.
Une bonne formulation des questions est également primordiale pour l’exactitude des sondages réalisés. En effet, de nombreux sondages sont biaisés de par la formulation des questions qui sont posées aux sondés. Par exemple, le fait de faire un constat, avant de poser la question à la personne concernée, peut influencer cette dernière: « Il n'y a eu, au cours des dix dernières années, aucun accident mortel dû aux centrales nucléaires. Dans ces conditions, êtes-vous pour ou contre le nucléaire ? ». La majorité des réponses seront positives. Au contraire, si la question se présente de cette façon : « Bien que le problème des déchets nucléaires soit loin d’être réglé, êtes-vous pour ou contre le nucléaire? », la majorité des réponses seront négatives.
De plus, la façon de présenter les questions et le point de vue d’où l’on se place pour poser la question, peut influencer grandement les sondés. Par exemple, une étude démontre que tel traitement réussi dans 80% des cas. Si l’on interroge plusieurs personnes pour savoir si elles sont favorables à l’utilisation de ce traitement, la plupart d’entres elles diraient oui. A l’inverse, si on présente l’étude d’un autre point de vue, en disant que ce même traitement a un risque d’échec de 20%, la plupart des personnes interrogées ne prôneraient pas son utilisation.
Autre exemple : des sondeurs ont demandé à 1 000 Français (majeurs) combien ils ont d'enfants : la moyenne est de 2. Ils ont demandé aussi aux enfants de ces 1 000 personnes combien d'enfants ils sont dans leur famille. La moyenne des réponses est...3! Alors, s’agit-il d’une erreur de calcul, ou quelqu’un a-t-il menti ? Bien sûr que non ! Les enfants des familles nombreuses sont plus nombreux! Illustrons sur un exemple. On interroge deux parents : le premier a 1 enfant, le deuxième a 3 enfants, donc la moyenne pour les parents est de (1+3)/2=2! Maintenant, on interroge leurs enfants, ils sont 4. Un est enfant unique, les trois autres sont trois dans leur foyer, la moyenne pour les enfants est donc : (1+3+3+3)/4=2,5.
Il convient donc, à chaque fois que nous prenons connaissances de résultats de sondages de se demander de quel point de vue l’on se place.
Il se peut également que les sondés n’aient aucune échappatoire dans les réponses qui leur sont proposées, c'est-à-dire qu’ils soient obligés de choisir une proposition qu’ils n’auraient pas choisie en temps normal. Par exemple, on demande à une personne végétarienne (sans pour autant que celui qui pose la question le sache) ce qu’elle préfère manger entre du thon, du bœuf et du porc ! Etant végétarienne cette personne va forcément répondre « du thon » même si elle n’aime pas du tout ce poisson. Les résultats du sondage sont alors biaisés.
De surcroit, si on interroge une personne sur un sujet qu’elle ne maîtrise pas : « êtes-vous favorable à la loi X ? », la personne risque, soit de répondre au hasard, soit, si elle a entendu un proche vaguement critiquer cette loi, être influencée par ce dernier et répondre « non ». Dans tous les cas, la réponse du sondé n’est valable que s’il connaît réellement le sujet sur lequel il est interrogé.
Le « sondage idéal »
modifierToutes ces difficultés préalablement identifiées amènent à se poser la question : « comment réaliser un sondage idéal ? ». Voici quelques éléments de réponse :
Les questions doivent être claires, précises, avoir un sens immédiat, le même pour toutes les personnes interrogées. Les mots doivent être soigneusement choisis, ne pas être ambigus ou donner lieu à de multiples interprétations. On ne demandera pas, par exemple : « Sortez-vous souvent ? », mais plutôt : « Combien de fois êtes-vous allé la semaine dernière au cinéma, au théâtre, ou dîner chez des amis? »
Ensuite, les questions doivent être neutres, c'est-à-dire ne pas inciter à une réponse plutôt qu'une autre. Il faut également veiller à lancer un sondage dans un contexte médiatique relativement neutre pour avoir les réponses les plus fiables possibles. Il est important d’éviter un « avant-propos » dans les questions posées lorsque cela n’est pas nécessaire afin d’éviter d’influencer la réponse des sondés. Les réponses proposées doivent être cohérentes entre elles afin de ne pas « forcer » la personne concernée à choisir telle ou telle réponse par défaut, même si cela ne correspond pas à son choix personnel. Il faut donc présenter un large panel de réponses afin que le sondé puisse choisir la réponse qui lui correspond le mieux. Il est préférable d’utiliser un nombre pair de modalités pour éviter que les sondés se réfugient dans la modalité Intermédiaire.
Exemples de type de réponses préconisées :
a) tout à fait pour
b) plutôt pour
c) plutôt contre
d) tout à fait contre
Malgré toutes ces précautions, et celles utilisées notamment pour éviter que le sondé ne se sente "jugé" par le sondeur, malgré la réflexion apportée à la formulation des questions, il faut néanmoins se rendre à l'évidence : le sondage idéal est difficile à réaliser !
La réalisation d’un sondage nécessite donc plusieurs étapes. En effet, il faut tout d’abord définir l’échantillon de personnes à interroger afin qu’il soit le plus représentatif de la population de base. Il faut ensuite rédiger au mieux le questionnaire auquel vont être soumis les sondés, afin que ces derniers ne se sentent pas jugés par le sondeur et que leurs réponses ne soient pas influencées à cause d’une mauvaise formulation des questions. Pour terminer, il est nécessaire de choisir la méthode qui semble la mieux adaptée pour contacter les sondés, en prenant en compte les avantages et les inconvénients de chacune d’elles.
Une fois que le nombre total de réponses souhaitées est atteint, les instituts de sondages opèrent donc un redressement des données pour améliorer la fiabilité de leurs sondages…
Le redressement et le filtrage
Introduction
modifierDécouvrez comment les instituts de sondage modifient les résultats ainsi que l'échantillon pour, d’après eux, une plus grande représentativité...
Le redressement
modifierLes raisons
modifierIl existe deux types de redressement répondant chacun à deux problèmes distincts : le redressement dit « sociodémographique » et le redressement politique.
Le redressement sociodémographique a pour but de faire respecter la méthode des quotas. En effet, lorsqu’un institut de sondage réalise une enquête selon la méthode des quotas, il se fixe un objectif chiffré pour chaque catégorie de la population : par exemple, cinq hommes et quatre femmes retraités entre 40 et 54 ans habitant dans une commune rurale du Sud-Est… Si cet objectif n’est pas atteint, le sondeur va devoir procéder à un redressement afin de corriger ce manquement.
Le redressement politique consiste, lui, à essayer de corriger les mensonges des sondés. En effet, beaucoup de personnes interrogées n’osent pas dire qu’elles voteront pour un parti d’extrême-droite ou d’extrême-gauche ou au contraire ont plus facilement tendance à dire qu’elles voteront pour un parti modéré. C’est pour corriger cet effet pervers qu’a été mis en place le redressement politique.
Le principe
modifierLe principe du redressement sociodémographique est d’affecter un poids plus important à une catégorie de population qui aurait été sous-représentée dans l’échantillon ou au contraire d’en affecter un plus faible à une population surreprésentée. Ainsi, si l’on observe dans son échantillon un pourcentage d’ouvriers inférieur à l’objectif attendu, on peut choisir de multiplier le poids de chaque ouvrier d’un coefficient tel que l’ensemble des ouvriers, après cette opération se trouve égal à la valeur attendue. Inversement il sera nécessaire de « dépondérer » telle autre catégorie qui a été surreprésentée.
Le principe du redressement politique, lui, est de demander aux personnes interrogées quel a été leur vote à la dernière élection nationale ou à une élection intermédiaire comme les régionales. Les résultats de ces élections étant connues, il est ensuite facile de calculer le rapport entre les deux résultats. Ainsi, si un parti politique a obtenu 20% des suffrages à l’élection présidentielle de 2007 mais que seules 10% des personnes interrogées admettent avoir voté pour le candidat du parti à cette élection, on estime que le vote pour ce parti est sous-estimé de moitié. Les intentions de vote pour le parti dans le sondage seront donc multipliées par deux afin d’essayer de rendre le sondage le plus juste possible.
La fiabilité
modifierCe procédé étant utilisé par l’ensemble des instituts de sondage français, on pourrait raisonnablement penser que la méthode peut être considérée comme fiable. Cependant, des critiques subsistent sur cette méthode.
Ainsi, le souvenir politique n’est ni plus ni moins fragile que tout autre souvenir. Les résultats du redressement peuvent donc être faussés pour des erreurs de mémoire. Il se peut aussi que les élections antérieures ne fournissent pas des bases de comparaison réellement efficaces parce que les forces politiques ne sont pas identiques entre l’élection précédente et l’élection que l’on cherche à prévoir. Dans ce cas, il devient difficile de replacer les forces politiques à leur juste place.
De surcroît, pour le redressement sociodémographique, la pondération repose sur l’hypothèse que les individus dont le poids est ainsi artificiellement gonflé « représentent » la catégorie politique ou sociale à laquelle ils appartiennent. Cette hypothèse est discutable.
Enfin, chaque institut possédant sa propre méthode de filtrage, les techniques peuvent varier de manière importante entre les instituts, ce qui peut mettre en doute la fiabilité de la technique.
Le filtrage
modifierLes raisons
modifierLors d’une enquête d’intentions de vote, le but du sondage n’est pas, comme c’est le cas des sondages classiques (opinion ou marketing), de connaître l’opinion de l’ensemble de la population française mais seulement de celle qui se rendra effectivement aux urnes.
Le but de cette opération sera donc de « filtrer » l’échantillon de manière à ce qu’il ne reste que les électeurs certains d’aller voter et sûrs de leur choix.
Cette méthode est utilisée, le plus souvent, conjointement avec la méthode du redressement précédemment présentée.
Le principe
modifierPour remplir cet objectif, deux catégories de questions sont généralement posées, la première portant sur la probabilité de participer au scrutin, la seconde sur la fermeté du choix partisan qui a été déclaré.
Les personnes répondant qu’elles n'iront pas voter à la première question ne seront pas comptabilisées dans les résultats finaux mais, concernant les réponses des sondés ne se déclarant pas surs de leur choix, les résultats sont différents selon leurs enquêtes. Pour certaines, leurs réponses sont tout de même comptabilisées et il est simplement fait état que seul une partie de l’échantillon est certain de son choix. Pour d’autres, leurs réponses sont ignorées.
La fiabilité
modifierIl est évidemment logique de ne pas prendre en compte les personnes que l’on tient pour des abstentionnistes probables et dans cette perspective ceux qui reconnaissent qu’ils ne sont pas fermement décidés à aller voter peuvent être écartés en priorité.
Toutefois, que faire de ceux qui, tout en affirmant leur intention de participer au scrutin, signalent que leur choix peut encore changer ? La situation de doute dans laquelle ils se trouvent va-t-elle les conduire à l’abstention ? C’est d’autant plus probable qu’ils appartiennent à des tranches de la population, de fait, un peu plus abstentionnistes que la moyenne. Et si ces hésitants votaient, le feraient-ils comme la moyenne de la population (alors peu importe qu’ils n’aient pas été pris en compte) ou selon des orientations politiques spécifiques ?
De nombreuses questions se posent donc encore quant à la fiabilité et à l’utilité du redressement des résultats et du filtrage de l’échantillon. Il reste cependant communément admis que ces méthodes, bien que difficiles à maitriser et incapables de corriger l’ensemble des erreurs d’échantillonnage ou de réponses, restent la meilleure solution actuellement pour garantir plus de justesse et de fiabilité dans les résultats des enquêtes.
Les théories
Introduction
modifierDe prime abord, il n’apparaît pas incongru de penser que les sondages peuvent avoir un impact sur les choix et décisions des citoyens. En effet, en leur montrant des résultats présentés comme l’avis de la majorité des Français, de nombreuses personnes peuvent se sentir influencées. De plus, l’impact n’est pas forcément direct, il peut aussi être indirect et influencer la vie de la population par les choix et décisions des dirigeants et des corps intermédiaires qui peuvent prendre des décisions en fonction de résultats de sondages.
Le plus difficile ne sera donc pas de savoir si l’impact existe ou non : tout le monde ou presque s’accorde pour dire qu’il existe[1] : il sera plutôt de réussir à placer le curseur et de tenter de mesurer cet impact. En effet, à l’heure actuelle, aucun instrument de mesure fiable ne le permet.
Nous essaierons donc ici de présenter, avec la plus grande objectivité possible, les différents points de vue sur la question : ceux de sociologues, ceux d’instituts de sondage (notamment de ceux que nous avons pu rencontrer).
Impact minime
modifierCertains sociologues ou directeurs d’instituts de sondage estiment que l’impact qu’ont les sondages est insignifiant.
C’est le cas, par exemple de Paul Lazarsfeld (sociologue américain ayant développé la théorie des deux étages de communication) qui estime que l’effet le plus fréquent est la simple confirmation des électeurs dans leurs opinions. Ensuite, par ordre décroissant, on trouve l’activation des opinions, la neutralisation, la conversion, et enfin l’effet nul (les indécis restent indécis)[2]. En effet, il est apparu que la mémorisation des sondages par les personnes était souvent sélective et qu’on ne retenait généralement que ce qui confirmait ce que l’on pensait déjà.
Cette théorie ne sort pas de nulle part, elle s’appuie sur plusieurs exemples bien connus de la vie politique française. Ainsi, Brice Teinturier, dans une tribune parue dans « Le Monde » daté du 8 novembre 2011, cite comme exemple les résultats de François Bayrou en 2007 ou d’Edouard Balladur en 1995 : « Si les sondages faisaient le résultat, jamais François Bayrou, en 2007, n'aurait pu passer de 8 % fin 2006 à 18,6 % au final - évolution d'ailleurs parfaitement suivie par les enquêtes. Jamais, non plus, Edouard Balladur n'aurait pu être dépassé par Jacques Chirac en février 1995 »[3].
On pourrait aussi donner de nombreux exemples de décisions prises avec succès malgré les sondages (la suppression de la peine de mort par François Mitterrand en 1981, la candidature de Jacques Chirac à l’élection présidentielle de 1995). Les dirigeants, comme le reste de la population ne sont donc pas forcés de suivre les résultats des sondages.
On peut aussi imaginer que l’impact des sondages sur les populations existe bel et bien mais s’annule : un sondage plaçant en tête un candidat peut en effet à la fois galvaniser ses troupes ou les démobiliser, trop sûres de leur victoire. Là-encore, tout n’est qu’une question de curseur…
Impact indirect
modifierUne théorie intéressante a été élaborée par Elihu Katz et Paul Lazarsfeld en 1955 : la théorie des deux étages de la communication ou communication en deux temps. D’après cette théorie, les sondages, et plus largement l’information, n’ont que peu d’impact sur les populations. Ainsi, tirant les enseignements de diverses enquêtes réalisées au cours de campagnes électorales américaines de 1940 et de 1948, ils montrèrent que l'opinion des citoyens est peu affectée par cette dernière.
Les populations seraient donc influencées à deux niveaux :
- Par les leaders d'opinion (personnes qui, par leur comportement ou leur position, ont une emprise sur leur entourage) qui filtrent et interprètent l'information et pèsent sur l'opinion des individus.
- Par les groupes de référence (famille, collectivité de travail...).
Ainsi, si l’on suit cette théorie, l’influence des sondages est beaucoup plus subtile : elle s’exprime dans les actions des dirigeants, des leaders d’opinion qui font des choix sur la base de sondages et/ou qui influencent ensuite les populations avec lesquelles ils sont en contact.
L’influence des sondages serait donc indirecte : elle est liée aux commentaires qu’ils engendrent, aux réactions des états-majors politiques, aux modifications éventuelles des thèmes de campagne.
Là-encore, plusieurs exemples viennent étayer cette théorie : on sait, de l’aveu même des intéressés, que des candidatures ont été décidées sur la base d’enquêtes par sondage. Celles, par exemple, de Raymond Barre à l’élection présidentielle de 1988 ou d’Edouard Balladur en 1995, ces deux candidatures s’appuyant très directement sur une (mauvaise) lecture de sondages réalisés plusieurs mois avant le scrutin. Il en est de même de certaines décisions politiques : ainsi François Mitterrand a-t-il choisi, en septembre 1993, pour la ratification du traité de Maastricht, la voie référendaire plutôt que la voie parlementaire : des sondages réalisés plusieurs mois auparavant semblaient avoir montré l’existence d’une large majorité en faveur du traité (plus de 70 %, alors que le référendum sera adopté de justesse, par un peu plus de 50 % des votants). La décision de Jacques Chirac en 1996 de dissoudre l’Assemblée nationale s’appuyait aussi sur des sondages qui laissaient à croire qu’il gagnerait les élections...
De surcroît, au-delà des seuls sondages politiques, les sondages marketing influent eux-aussi sur la vie des Français. En effet, les entreprises, pour commercialiser leurs biens et services, réalisent le plus souvent des études de marché qui se présentent sous la forme de sondages. Leurs résultats ne sont pas publiés mais modifient les décisions des concepteurs du produit : le prix, les spécificités… et ont donc un impact sur les consommateurs.
Impact direct
modifierUne autre théorie voudrait que les sondages aient un impact direct sur la population : ce sont les effets bandwagon et underdog.
Littéralement, « a bandwagon » est un wagon qui transporte un groupe dans un défilé, un cirque ou d'autres divertissements. L'expression «jump on the bandwagon » a d’abord été utilisé dans la politique américaine en 1848 en raison de Dan Rice, un clown de cirque professionnel. Il a utilisé son « bandwagon » pour les apparitions de la campagne de Zachary Taylor, afin d’attirer l'attention en utilisant la musique. Comme la campagne de Taylor devenait plus efficace, de plus en plus de politiciens luttaient pour un siège dans le train, dans l'espoir d’être associé à la réussite. Plus tard, au temps de William Jennings Bryan, pour la campagne présidentielle de 1900, les « bandwagon » était devenu la norme dans les campagnes, et «jump on the bandwagon» était utilisé comme un terme péjoratif pour désigner les gens s’associant à la campagne sans savoir ce pourquoi ils s’associaient[4].
L’effet « bandwagon » désigne donc aujourd’hui l’effet mobilisateur pour la campagne d’un candidat lorsque celui-ci est en tête dans les sondages.
L’effet « underdog » (littéralement « perdant » ou « opprimé ») désigne, lui, l’effet inverse à savoir la mobilisation des électeurs en faveur du candidat à la traine dans les sondages.
A ces deux effets principaux, se rajoutent deux effets connexes : l’effet « humble-the-winner » (littéralement : « humilier le gagnant ») qui désigne la démobilisation des troupes d’un candidat en tête des intentions de vote et l’effet « snob-the-looser » (« snober le perdant ») qui désigne, elle, la démobilisation des troupes du perdant dans les sondages.
Les effets sont regroupés dans le tableau :
voir tableau ici pour organiser le tableau Changement dans l’évaluation du….
… au bénéfice du…
« vainqueur »
« perdant »
« vainqueur »
Bandwagon
Snob-the-looser
« perdant »
Humble-the-winner
Underdog
Ces effets sont malgré tout bien plus controversés que ne l’est la théorie de l’impact indirect, admise même par les instituts de sondage. Il nous apparaissait toutefois important de les mentionner car elles résument bien le sentiment qu’un lecteur peut éprouver à la lecture d’un sondage : il peut se sentir attiré par le candidat en tête ou par le candidat à la traîne selon son ressentiment. Cet exemple montre une des conséquences de cette théorie : les effets peuvent avoir tendance à s'annuler !
La question de l’impact des sondages sur les choix et décisions de la population reste donc éminemment controversée même si un consensus semble apparaître sur la théorie de l’impact indirect des sondages : ils influenceraient la vie des Français par les décisions qui sont prises à la lecture de sondages par les dirigeants. Le problème n’est toutefois pas réglé pour autant puisque nous ne savons toujours pas si cet impact est important ou est insignifiant par rapport aux autres moyens d’influence de l’opinion que sont les éditoriaux, les chroniques politiques…
- ↑ Même Brice Teinturier, directeur général délégué d’IPSOS France, l’affirme : « Qu’il y’ait des effets auprès d’une fraction d’électeurs est bien possible », « Le Monde », Critique de la critique, 08/11/2011
- ↑ Dictionnaire de sociologie, Françoise Bloess, Jean-Pierre Noreck, 2004, article de Jean Stoetzel
- ↑ Brice Teinturier, « Le monde », "Critique de la critique", 08/11/2011
- ↑ http://www.websters-online-dictionary.org/definitions/Bandwagon%20Effect
Le traitement par les médias
Introduction
modifierLe dernier niveau d’influence potentielle des sondages se situe au niveau du traitement par les médias. En effet, les résultats des enquêtes statistiques ne sont jamais publiées seules et sont toujours accompagnées de commentaires et/ou d’analyses.
C’est à ce moment qu’un sondage à la base neutre, correctement redressé, filtré le plus justement possible (si ce sondage existe) peut se transformer en un facteur d’influence. Le journaliste peut ainsi, délibérément ou non, ne pas saisir les conclusions de l’enquête, ne retenir qu’une partie des résultats, oublier de prendre en considération la marge d’erreur, ne baser son article entier sur ce seul sondage au lieu de le placer comme un exemple parmi d’autres…
Nous voudrions ainsi dans cette partie vous présenter à travers une série d’exemples comment le traitement d’un sondage par les médias peut être source d’une mauvaise interprétation de ceux-ci.
Exemple 1 : intervention télévisée de M. Sarkozy
modifierSuite à l’intervention télévisée du président de la République le 27 octobre 2011, un sondage a été réalisé par l’institut Opinionway[1] pour « Le Figaro » afin de savoir ce que les Français avaient pensé de l’intervention du chef de l’État. L’échantillon a été constitué de manière classique, selon la méthode des quotas auprès d’un échantillon de 1002 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Ne pouvant interroger les personnes n’ayant pas regardé l’intervention, il a été décidé de ne pas les conserver : de cette manière, seul 58% de l’échantillon a réellement participé à l’enquête.
Les résultats du sondage ont montré que 55% des téléspectateurs ont trouvé Nicolas Sarkozy convaincant. On aurait donc pu s’attendre à ce que les titres du lendemain soient rédigés de la sorte : « 55 % des téléspectateurs de l’émission convaincus par Nicolas Sarkozy ». Or, les médias ont tous (pas seulement « Le Figaro ») titré 55 % des Français convaincus par Nicolas Sarkozy, ce qui est faux si l’erreur était involontaire, sinon mensonger. En effet, l’opinion des téléspectateurs n’est absolument pas représentative de celle de l’ensemble des Français puisque les personnes favorables au chef de l’État auront plus tendance à regarder l’émission que celles qui ne le sont pas.
Ainsi, un sondage à la base fiable et bien réalisé a été mal interprété par les médias et a donc induit en erreur les Français sur l’opinion de leurs compatriotes.
Exemple 2 : l'espérance de vie des médecins
modifierEntendu à la radio : "L'espérance de vie d'un homme est d'environ 70 ans, celle d'un médecin de 83 ans : on n'est jamais aussi bien soigné que par soi-même...". A la première lecture (ou écoute), rien ne semble faux dans ce raisonnement. Et pourtant... l'espérance de vie d'un homme, c’est la moyenne de l’âge des personnes décédées de sa génération. Prenons un exemple très simple, où nous supposons que nous avons un échantillon de 100 personnes, toutes nées la même année, et dont la répartition des âges de mort est donnée par le tableau suivant :
Âge de mort | 0 | 10 | 20 | 30 | 40 | 50 | 60 | 70 | 80 | 90 | 100 |
Effectif | 5 | 2 | 2 | 2 | 4 | 8 | 12 | 15 | 25 | 15 | 10 |
L'espérance de vie de cette population est donc :
Remarquons que, alors que la moitié de la population meurt à 80 ans ou plus : les gens morts à la naissance, ou à moins de 10 ans, tirent la moyenne vers le bas.
Retournons à nos médecins : pour accéder à cette condition, il faut avoir réalisé de longues études, et donc avoir vécu au moins jusque 25 ans. Parmi les personnes décédées plus jeunes, on ne peut savoir lesquelles auraient été médecins si elles avaient vécu plus vieux. Il faut donc calculer l'espérance de vie de quelqu’un qui a déjà vécu au moins 25 ans pour pouvoir comparer avec les médecins. Et là on trouve :
Quand on utilise un échantillon comparable, on ne trouve pas de différence par rapport aux médecins. Là-encore, les seuls résultats d’un sondage ne permettent pas de l’analyser correctement. Il fallait faire appel à son sens critique pour essayer de trouver une explication à cette différence autre que celle, simpliste, proposée par le journaliste.
Exemple 3 : interprétation
modifierIl est très important, lors de la publication des résultats d’un sondage, pour le journaliste, de les interpréter. Ainsi, nous prendrons l’exemple de l’espérance de vie à 60 ans par sexe et catégorie socioprofessionnelle en 2000-2008 publiée par l’INSEE.
1976-1984 | 2000-2008 | 1976-1984 | 2000-2008 | |
Homme | Femme | |||
Cadres | 19.2 | 24.0 | 24.1 | 27.8 |
Professions intermédiaires | 18.3 | 22.3 | 23.1 | 27.4 |
Agriculteurs | 18.3 | 22.3 | 22.2 | 26.2 |
Artisans, commerçants, chefs d’entreprise | 18.6 | 22.2 | 22.7 | 27.1 |
Employés | 17.0 | 21.0 | 22.6 | 26.4 |
Ouvriers | 15.9 | 19.6 | 21.6 | 25.5 |
Inactifs non retraités | 12.3 | 16.0 | 21.8 | 25.2 |
Ensemble | 17.1 | 21.1 | 22.2 | 26.1 |
Source : Insee, Échantillon démographique permanent
Si un journaliste choisit de publier les résultats de cette enquête statistique, il ne pourra pas ne faire que ça. En effet, ces résultats bruts ne prouvent et n’expliquent rien : il convient de les interpréter. Et c’est là que les choses se compliquent. En effet quel élément peut expliquer que l’espérance de vie à 60 ans soit différente entre catégories professionnelles ? Est-ce c’est parce que les cadres ont moins d’accidents, de maladies ou d’expositions professionnels que les ouvriers ? Ou est-ce parce que l’état de santé peut lui-même influer sur l’appartenance à une catégorie sociale : une santé défaillante peut empêcher la poursuite d’études, le maintien en emploi, ou rendre plus difficile les promotions et l’accès aux emplois les plus qualifiés en cours de carrière ? Y est-il la cause de x ou est-ce l’inverse ?
C’est lorsqu’on arrive à ces considérations que l’on se rend compte des limites des sondages et des enquêtes statistiques : ceux-ci fournissent une information mais ne peuvent être l’unique objet d’un article ou d’un commentaire ; ils doivent être un des éléments d’analyse de l’article parmi d’autres.
Le dernier niveau d’influence des sondages se situe donc bel et bien au moment du traitement par les médias : ceux-ci peuvent, par une mauvaise interprétation, par omission de paramètres, par des raccourcis, tromper, intentionnellement ou non, leurs auditeurs ou lecteurs. Il incombe donc aux journalistes d’analyser et d’interpréter plus loin que les simples résultats de l’enquête.
L’influence des sondages est, nous l’avons vu, multiple : lors du redressement ou du filtrage si l’un des deux est mal réalisé, le sondage est faussé et peut induire en erreur les personnes qui l’ont commandé ; lors de leur publication, que l’impact soit direct ou indirect ; ou lors de leur traitement par les médias qui peuvent induire en erreur leurs lecteurs en utilisant mal les résultats de l’enquête.
Le redressement et le filtrage étant généralement bien réalisés par les instituts de sondage, le risque pour un lecteur d’être influencé réside donc principalement dans l’interprétation des journalistes et dans l’utilisation qui en est faite par les dirigeants et leaders d’opinion. Il convient donc de garder une distance critique avec les résultats et de toujours jeter un œil à la méthode de réalisation des sondages.
La commission des sondages
Introduction
modifierLa commission des sondages a été instituée par l’article 5 de la loi du 19 juillet 1977. C’est une autorité administrative indépendante. Selon cet article, elle est « chargée d'étudier et de proposer des règles tendant à assurer dans le domaine de la prévision électorale l'objectivité et la qualité des sondages publiés ou diffusés ». La loi lui confère donc un certain nombre de droits, lui permettant ainsi d’encadrer la publication, la diffusion et la réalisation de certains sondages d’opinion (ceux concernés par la loi).
La commission des sondages comprend onze membres désignés pour trois ans par décret :
- Trois membres du Conseil d'État, dont au moins un président de section ou conseiller d'État, président
- Trois membres de la Cour de cassation, dont au moins un président de chambre ou conseiller
- Trois membres de la Cour des comptes, dont au moins un président de chambre ou conseiller maître
- Deux personnalités qualifiées en matière de sondages. Ces deux personnes ne doivent pas avoir exercé d'activité dans les trois années précédant leur nomination dans un organisme réalisant des sondages tels que définis par l’article 1er de la loi.
Sauf par démission volontaire, il ne peut être mis fin aux fonctions d’un membre de la commission qu’en cas d’empêchement constaté par la commission elle-même, suite à l’exercice d’une fonction incompatible avec celle exercée à la commission, ou suite à l’impossibilité dans laquelle la personne concernée se trouverait d’exercer sa mission. Un remplacement sera alors immédiatement effectué et persistera jusqu’à l’achèvement du mandat du membre de la commission remplacé.
Nous allons voir dans cette sous-partie les compétences de la commission.
Quel pouvoir ?
modifierLe rôle de la commission des sondages étant de s’assurer de la qualité et de l’objectivité des sondages, la loi du 19 juillet 1977 lui a conféré un certain nombre de pouvoirs, lui permettant ainsi d’exécuter ses fonctions.
Tout d’abord, c’est elle qui définit les clauses qui doivent obligatoirement figurer dans un contrat de vente d’un sondage, notamment celles ayant pour objet d'interdire la publication, avant le premier tour de scrutin, de tout sondage portant sur les votes au second tour. Néanmoins, dans sa recommandation du 1er février 2008, la commission des sondages indique que leur publication avant les résultats du premier tour n'est plus interdite mais doit être accompagnée des résultats prévus du premier tour, afin de justifier le choix des candidats.
Ensuite, l’article 8 donne tout pouvoir à la commission pour vérifier la conformité de la réalisation et de la vente de sondages avec la loi et les textes réglementaires applicables.
Enfin, dans le cas où un organe d’information aurait publié ou diffusé un sondage en violation des dispositions de la loi, des textes réglementaires applicables, ou en violation des clauses des contrats de ventes, ou bien en altérant la portée des résultats obtenus, la commission des sondages peut faire publier ou diffuser sans délai une mise au point rectifiant l’erreur par les sociétés nationales de radiodiffusion et de télévision.
L’ensemble de ces moyens permet donc à la commission des sondages de vérifier la conformité à la réglementation des sondages publiés et diffusés par les médias, par internet, et ainsi de s’assurer de leur qualité.
Quel contrôle ?
modifierLe contrôle exercé par la commission des sondages est un contrôle systématique, d’intensité variable, déclenché dès la publication ou la diffusion d'une information relative à un sondage. Ce contrôle repose très largement sur l’obligation de dépôt d’une notice avant chaque publication ou diffusion de sondage auprès de la commission. Mais cette obligation, bien que généralement respectée, ne l’est pas toujours. Un travail préalable de recherche est alors parfois nécessaire, destiné à identifier l'auteur de l'enquête et à en connaître les conditions de réalisation. C’est avec ces informations que le contrôle peut commencer.
Les contrôles exercés par la commission portent généralement sur :
- La qualité de l’échantillon : il s’agit alors de vérifier que l’échantillon choisi pour la réalisation de l’étude est bien représentatif de la population concernée.
- La qualité des redressements opérés : il s’agit ici de vérifier l’exactitude des résultats après les redressements, et ainsi de contrôler que les résultats ne soient pas biaisés, faute de redressements correctement effectués...
- La qualité des questionnaires : la façon dont les questions sont posées peuvent avoir une influence sur les réponses données par le sondé. Il faut donc contrôler la neutralité des questions posées.
Tous ces contrôles permettent de détecter un éventuel sondage faussé, ou qui ne respecterait pas les dispositions légales, ce qui peut permettre à la commission de prendre le plus rapidement possible les mesures nécessaires (demande de mise au point par exemple).
Au-delà de ces principaux thèmes, la commission intervient parfois pour réduire les polémiques qui, du fait de sondages, ont pu naître entre candidats, organes de presse ou instituts.
Quelle autorité ?
modifierLa commission des sondages n’a pas réellement le pouvoir d’énoncer des sanctions (pécuniaires par exemple) envers les journaux ou les instituts pour des manquements à la réglementation des sondages. En revanche, elle a la possibilité de faire publier des mises au point par la presse et de saisir le garde des Sceaux, ce qui est suffisant pour affirmer son autorité.
Lorsque l’organe de diffusion du sondage refuse la publication de la mise au point demandée par la commission, cette dernière peut alors saisir le garde des Sceaux et demander d’engager des poursuites pénales, conformément à la loi.
Toutefois, en réalité, la commission des sondages doit essentiellement sa portée à son autorité morale. En effet, des mises en garde répétées à l’encontre d’un institut de sondage pourraient réellement ternir son image auprès des acheteurs, y compris dans d’autres domaines que celui de la politique.
De même, mais de façon moins pertinente, les organismes d’information doivent également veiller à ne pas multiplier les articles mis en cause par la commission.
L’acceptation des décisions de la commission peut se traduire par la diminution du nombre des mises au point depuis la fin des années quatre-vingt (quinze encore pour la présidentielle de 1988, deux en 2002).
Evolution des techniques de sondages, nouveaux problèmes
modifierAvec l’évolution des technologies, de nouveaux problèmes apparaissent, notamment les simulations de votes effectuées sur internet par certains journaux gratuits, sur des panels d’internautes. Le problème des enquêtes de ce type repose sur le choix de l’échantillon, qui n’est pas alors absolument représentatif de la population française. De plus, ces enquêtes n’entrent pas dans les champs de la loi du 19 juillet 1977. La commission des sondages ne peut donc pas agir sur ces types d’enquêtes.
Il est donc impératif que ces enquêtes soient accompagnées de précautions et d’indications précisant que ce ne sont pas des sondages au sens de la loi de 1977, et par conséquent que les résultats doivent être lus et interprétés avec prudence.
La législation
Introduction
modifierActuellement, la réalisation, la publication, la diffusion des sondages en France et toutes les règles concernant ce sujet se trouvent dans une loi française datant de 1977. C’est une loi relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion. Même si certains articles ont été modifiés par des lois (loi n°2002-214 datant du 19 février 2002 par exemple) ou par des décrets, la majeure partie de cette loi est rentrée en vigueur le 19 juillet 1977. Elle ne concerne que les sondages d’opinion ayant un rapport direct ou indirect avec un référendum, une élection présidentielle ou l'une des élections réglementées par le code électoral.
Cette loi comporte quatorze articles et est divisée en cinq sections : La première ne contient qu’un seul article et désigne les types de sondages concernés par la loi qui suit. La deuxième précise les informations devant accompagner la publication ou la diffusion d’un sondage. La troisième crée la commission des sondages et indique son rôle. La quatrième insiste sur les dispositions spéciales en période électorale. Enfin, la cinquième parle de dispositions diverses (sanctions, collectivités territoriales…).
Le but de cette loi est donc d’encadrer la réalisation et les moyens mis en œuvre pour réaliser un sondage, sa publication ou sa diffusion et toutes les dispositions concernant le type de sondage concerné.
Nous verrons tout d’abord le contenu de la loi en elle-même puis ses limites.
La loi française et son contenu
modifierObligations
modifierLorsqu’un sondage est publié ou diffusé en France par un institut de sondage, il doit obligatoirement être accompagné de nombreuses indications portant sur la réalisation du sondage, les méthodes employées… Ces indications se divisent en deux parties. La première doit accompagner le sondage dans le journal dans lequel il a été publié par exemple. La deuxième partie constitue une notice qui doit être déposée à la commission des sondages.
La première partie des informations est détaillée dans l’article 2 de la loi. Les indications qui la composent sont assez simples, mais elles permettent de connaître la provenance du sondage par exemple. Ainsi, chaque sondage publié ou diffusé doit être accompagné du nom de l'organisme ayant réalisé le sondage, du nom et de la qualité de l'acheteur du sondage, du nombre de personnes interrogées, de la ou des dates auxquelles les interrogations ont été effectuées, et enfin d’une mention indiquant le droit de toute personne à consulter la notice prévue par l’article 3 dont nous parlerons par la suite.
Ces informations peuvent donc permettre aux personnes consultant les résultats des sondages de s’assurer de la fiabilité ou non des résultats, de connaître la qualité du sondage. De plus, la notice déposée à la commission des sondages permet d’obtenir plus de renseignements, et plus de précisions sur le sondage concerné.
Le contenu de cette notice qui doit être déposée à la commission des sondages est détaillé dans l’article 3 de la loi. Ainsi, chaque notice doit comporter l’objet du sondage, la méthode selon laquelle les personnes interrogées ont été choisies, le choix et la composition de l'échantillon, les conditions dans lesquelles il a été procédé aux interrogations, le texte intégral des questions posées, la proportion des personnes n'ayant pas répondu à chacune des questions, les limites d'interprétation des résultats publiés, et s'il y a lieu, la méthode utilisée pour en déduire les résultats de caractère indirect qui seraient publiés.
Cette notice contient donc des indications plus précises que celles publiées avec les résultats du sondage et résume les conditions d’élaboration du sondage. L’article 3 précise également qu’elle peut être consultée par toute personne auprès de la commission des sondages. De plus, la commission des sondages peut ordonner la publication par ceux qui ont procédé à la publication ou à la diffusion d'un sondage des indications figurant dans la notice qui l'accompagne ou de certaines d'entre elles.
D’après l’article 4, l’organisme ayant réalisé le sondage doit tenir à la disposition de la commission de sondages les documents sur la base desquels le sondage a été publié ou diffusé.
L’article 7 indique que toute personne ou organisme ayant réalisé un sondage destiné à être publié ou diffusé a l’obligation de s’engager, par une déclaration préalablement adressée à la commission des sondages, à appliquer les dispositions de cette loi. De plus, nul ne peut publier ou diffuser les résultats d’un sondage s’il ne s’est pas engagé tel que précisé précédemment.
Spécificités en période électorale
modifierEn période électorale, la publication et la diffusion des sondages concernés par la loi française connaissent certaines spécificités. En effet, l’article 11 de cette loi met en place une réglementation spécifique pendant cette période. Cet article se décompose en deux parties principales.
La première partie interdit la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage la veille et le jour même de chaque tour de scrutin. Cette interdiction s’applique également aux sondages ayant fait l’objet d'une publication, d'une diffusion ou d'un commentaire avant la veille de chaque tour de scrutin.
La deuxième partie s’applique à la diffusion, la publication ou le commentaire de tout sondage intervenu pendant les deux mois qui précèdent chaque tour de scrutin. La mise au point demandée par la commission des sondages devra alors être, soit diffusée sans délai de façon à ce que l’audience soit équivalente à celle du sondage, soit publiée dans le plus proche numéro de journal à la même place et écrite en même caractère que l’article qui l’aura provoquée.
Si un sondage a été publié ou diffusé à l’étranger pendant les deux mois précédent chaque tour de scrutin, la commission peut faire programmer et diffuser sans délai une mise au point par les sociétés nationales de radiodiffusion et de télévision.
Sanctions
modifierC’est l’article 12 de la loi qui prévoit les sanctions encourues par les personnes ne respectant pas un certain nombre de règles que nous allons détailler par la suite. Ces personnes seront punies par les peines portées à l’article L90-1 du code électoral, c’est-à-dire d’une amende de 75 000 euros.
Seront punis tout d’abord ceux qui ne respecteront pas les obligations cités ci-dessus, c’est-à-dire ceux qui n’auront pas publiés les indications devant accompagner un sondage, ceux qui n’auront pas remis la notice à la commission. Seront punis également ceux qui n’auront pas respectés les règles édictées par la commission des sondages, qui n’auront pas publié ou diffusé les mises au point demandées, ou qui ne se seront pas engagés auprès de la commission, tel que le précise l’article 7.
De plus, les personnes ne respectant pas les dispositions de l’article 11, c’est-à-dire les règles spécifiques en période électorale, seront punis de la même façon.
Enfin, seront punis ceux qui auront laissé publier ou diffuser un sondage assorti d’indications présentant un caractère mensonger.
Les limites
modifierLa première critique que l’on pourrait opposer à cette loi française est l’absence de définition législative du sondage. Il appartient à la commission de déterminer, si une opération qu'elle serait appelée à vérifier est un sondage au sens de la loi, c'est-à-dire une opération visant à donner une indication quantitative de l'opinion d'une population au moyen d'un échantillon représentatif de cette population. La commission s'est opposée à l’utilisation de l'appellation "sondage" en matière électorale pour des opérations ne répondant pas aux conditions légales.
La commission a admis, pour la période précédant les élections législatives, que la définition donnée à l’article 1er de la loi couvre, non seulement les sondages sur les intentions de vote des électeurs, mais aussi sur la popularité des hommes politiques, sur l'opinion à l'égard du gouvernement, des partis ou groupements politiques, de leur programme ou généralement des sujets liés au débat électoral.
De plus, cette loi ne s’applique pas à tous les sondages, et pas même à tous les sondages politiques : seulement ceux ayant « un rapport direct ou indirect » avec un référendum, une élection présidentielle, l'une des élections réglementées par le Code électoral ou l'élection des députés au Parlement européen.
Une question se pose alors : qu'est-ce qu'un "rapport direct ou indirect" ?
Les sondages portant sur les intentions de vote entrent directement dans le champ de la loi. En revanche, pour les autres sondages, la question peut se révéler plus délicate. La commission des sondages a considéré que cette notion de « rapport direct ou indirect » varie selon que l’on se situe à un moment plus ou moins proche d'une élection. A un moment assez éloigné d’une élection, un sondage portant sur l'opinion du public relativement à une question d'ordre politique, les « côtes de popularité » par exemple n’entrent pas dans le champ de la loi. En revanche, à l’approche d’un scrutin, des sondages de ce type seront considérés comme présentant un rapport au moins « indirect » avec le scrutin à venir.
Traditionnellement, la commission fait savoir par un communiqué publié et adressé aux principaux instituts, environ deux mois avant chaque scrutin, qu'elle estime désormais que la proximité du scrutin est telle que les sondages autres que d'intentions de vote, mais portant sur des questions politiques, qui échappaient jusqu'alors à son contrôle, doivent lui être à présent soumises.
La proposition de loi
Introduction
modifierLe 14 octobre 2009, une mission d’information sur les sondages en matière électorale a été créée au sein de la commission des lois du Sénat. Deux co-rapporteurs ont été désignés. Ils sont issus de la majorité (M. Hugues Portelli) et de l’opposition (M. Jean-Pierre Sueur).
Après une présentation, le 20 octobre 2010, de leurs conclusions devant la commission des lois, cette dernière a autorisé leur publication sous la forme d’un rapport d’information intitulé « Sondages et démocratie : pour une législation plus respectueuse de la sincérité du débat politique. ».
Le rapport dont nous avons parlé précédemment a donc abouti à la rédaction d’une loi composée de vingt-deux articles. Elle se peut se découper en trois parties, trois thématiques qui sont en fait les trois objectifs du rapport que nous avons cité ci-dessus :
- Rendre les sondages à caractère politique ou électoral plus sincères et plus transparents
- Rendre la loi sur les sondages plus cohérente
- Renforcer la légitimité et l’efficacité de la commission des sondages.
Nous verrons dans cette sous-partie tout d’abord les raisons qui ont poussé les sénateurs à rédiger cette loi puis son contenu.
Les raisons
modifierLe rapport de la commission des sondages fait le constat que la législation actuellement applicable en matière de sondages n’est pas satisfaisante : d’une part, elle ne garantit pas suffisamment la sincérité des sondages à caractère électoral, et plus généralement, politique, d’autre part, les obligations d’information sur les conditions d’élaboration de ces sondages sont trop limitées. Enfin, il apparaît que la commission des sondages dispose aujourd’hui de moyens d’action restreints pour imposer le respect de cette législation.
Afin d’aboutir à une meilleure conciliation entre la sincérité du débat politique et le respect de la liberté d’expression, le rapport d’information formule quinze recommandations visant à :
- Rendre les sondages à caractère politique ou électoral plus sincères et plus transparents
- Rendre la loi sur les sondages plus cohérente
- Renforcer la légitimité et l’efficacité de la commission des sondages.
Une loi semble donc nécessaire pour corriger celle de 1977, qui n’est a priori plus d’actualité, et qui ne suffit plus pour encadrer convenablement les sondages politiques.
Le texte de cette loi a été écrit par M. Hugues Portelli et déposé au Sénat le 25 octobre 2010. Il a finalement été adopté par le Sénat quelques mois plus tard, le 14 février 2011 et transmis à l’Assemblée Nationale. C’est ensuite le 1er juin 2011 que M. Étienne BLANC, député, a déposé son rapport sur cette loi au nom de la commission des lois. Mais le texte est actuellement en attente d’être étudié par l’Assemblée. Il est donc, en quelque sorte, « bloqué » momentanément à l’Assemblée Nationale.
Le contenu
modifierDes sondages plus sincères et plus transparents
modifierTout d’abord, l’article 1 de cette proposition de loi présente une définition du sondage, chose qui manquait réellement dans la législation actuelle :
Un sondage est une enquête statistique visant à donner une indication quantitative, à une date déterminée, des opinions, souhaits, attitudes ou comportements d'une population par l'interrogation d'un échantillon représentatif de celle-ci, qu’il soit constitué selon la méthode des quotas ou selon la méthode aléatoire
Il serait donc plus facile pour la commission des sondages de décider si un sondage rentre dans le champ de la loi ou non. D’autant plus que ce même article étend le champ de la loi à tous les sondages politiques. Il n’y aurait donc plus de problème pour décider si, oui ou non, la commission des sondages doit agir sur la publication ou la diffusion de tel ou tel sondage. Enfin, cet article interdit aux personnes interrogées de recevoir une gratification, quelle qu’en soit la nature.
Ensuite, les articles 2 et 3 de la loi de 1977, qui précisent les indications à publier avec le sondage et dans la notice seraient complétées, permettant ainsi d’être mieux renseigné sur le sondage. Dans les indications qui accompagnent le sondage lors de sa publication, seraient rajoutées les marges d’erreur des résultats publiés, ce qui permettrait une meilleure interprétation de ces résultats. Ensuite, la notice devrait être déposée à la commission au plus tard 24 heures avant la publication ou la diffusion du sondage, ce qui laisserait une plus grande marge de manœuvre à la commission pour en étudier la qualité et l’objectivité. De plus, cette notice devrait contenir, en plus des indications y figurant déjà actuellement, toutes les indications accompagnant le sondage lors de sa publication et les critères précis de redressement des résultats du sondage. La commission rend publique cette notice sur son service de communication au public en ligne. Ces ajouts permettraient une fois de plus d’améliorer l’efficacité du travail de la commission.
Enfin, d’après l’article 12 de cette proposition de loi, un rapport sur l’activité annuelle de la commission des sondages devrait être présenté par le Président de la commission au Président de la République et aux Présidents des deux assemblées. Ce rapport serait publié, ce qui permettrait aux Français de mieux connaître l’activité, le travail de la commission.
Une loi plus cohérente
modifierUn des objectifs de cette proposition de loi est d’encadrer la publication, avant le premier tour d’une élection, des sondages portant sur le second tour. Pour cela, l’article 5 ajouterait un article à la loi en vigueur indiquant que les hypothèses basées sur un sondage relatif au second tour d’une élection, et publiées avant le premier tour, devront tenir compte des données résultant d’un sondage portant sur le premier tour, obligatoirement publié ou diffusé en même temps.
Avant un scrutin, la date limite pour publier un sondage politique sera le vendredi à minuit pour l’ensemble du territoire national, y compris pour les pays votant le samedi. Au-delà de cet instant, la publication de sondages politiques sera interdite, mais les sondages déjà publiés pourront rester en ligne et continuer à être commentés.
Par ailleurs, dans une volonté d’éviter les interférences entre la métropole et l’Outre-mer, il serait inscrit dans le code électoral qu’aucun bureau de vote situé Outre-mer ne pourra fermer après la clôture du vote en France. De plus, la communication de résultats Outre-mer serait interdite avant la clôture du vote en métropole. Autrement dit, les résultats ne pourront être communiqués avant le dimanche soir à 20h.
Renforcer la légitimité et l’efficacité de la commission des sondages
modifierAfin de renforcer la légitimité de la commission des sondages, la proposition de loi, et plus précisément l’article 7, modifierait la composition de la commission des sondages. Elle serait alors composée de six magistrats, et de cinq personnalités qualifiées (au lieu de neuf et deux). De plus, les personnalités qualifiées seraient nommées par des personnes qualifiées dans le domaine des mathématiques, de la statistique et de la science politique.
La commission disposerait d’une compétence générale pour vérifier que les sondages électoraux ont été commandés, réalisés et publiés conformément à la loi, et une compétence pour établir des observations méthodologiques publiées en même temps que le sondage dans le mois précédent le scrutin.
Dans le but d’améliorer l’efficacité de la commission, d’après l’article 10, la visibilité des mises au point dont la publication serait ordonnée par la commission des sondages serait garantie en toute circonstance, et non plus seulement deux mois avant le scrutin.
Enfin, pour assurer l’autorité de la commission, il serait instauré un délit d’entrave à l’action de la commission des sondages.
La législation actuelle permet donc d’encadrer la réalisation, la publication ou la diffusion de certains sondages politique, notamment grâce à l’investiture d’une commission des sondages. Celle-ci est chargée de vérifier au quotidien la qualité et l’objectivité des sondages, ou de les corriger, dans le cas contraire, par la publication de mises au point.
Mais cette loi sur les sondages ne concerne pas tous les sondages politiques. Elle limite également, dans certains cas, l’action de la commission des sondages. Le vote d’une modification de la loi paraît donc nécessaire afin de « mettre à jour » la législation, et de la rendre plus efficace, toujours dans le but de rendre les sondages politiques plus sincères.
Conclusion
Depuis leur création, les sondages ont toujours eu pour vocation de donner des informations chiffrées sur l’opinion publique, dans différents domaines touchant la vie quotidienne des citoyens comme la consommation, la politique, la santé… Toutefois, les techniques utilisées de nos jours pour effectuer ces mesures présentent certaines limites. En effet, elles ne permettent pas de savoir à quel point les sondages sont fiables et représentatifs de ce qu’ils mesurent, même si, globalement, leur crédibilité n’est que rarement remise en cause. La représentativité des sondages et leur fiabilité constituent par conséquent un enjeu majeur pour les instituts de sondages, qui s’efforcent de mettre au point de nouvelles techniques pour les améliorer.
Bien que « mesurant » l’opinion publique, les sondages peuvent également l’influencer de manière directe ou indirecte, à travers leur publication, à cause, entre autre, des commentaires ou analyses des médias qui les accompagnent. Néanmoins, aucun outil ne permet aujourd’hui de mesurer scientifiquement le véritable impact des sondages sur l’opinion publique.
Cependant, quand bien même cet impact serait effectif, la question de leur nuisance vis-à-vis de la démocratie fait encore débat: certains sociologues estiment que chacun doit se forger son propre point de vue, sans tenir compte des avis extérieurs, alors qu’à l’inverse, d’autres désapprouvent le fait de façonner son opinion uniquement en soi-même, mais prônent un échange de points de vues entre les citoyens, un débat d’idées, notamment généré par la publication de sondages. Cette interrogation sur leur impact deviendrait alors un questionnement sur le fait de savoir si l’opinion doit se forger au contact des autres, en la comparant avec celle de la majorité, ou si, au contraire, on doit la construire seulement par soi-même comme le disait Saint Augustin, dans La cité de Dieu :
- « Ne va pas au dehors, rentre en toi-même, c’est en l’homme qu’habite la vérité »
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