Théorie des groupes/Exercices/Produit libre d'une famille de groupes
Problème 1
modifierDémontrer le théorème suivant, énoncé dans le chapitre théorique :
Soient G un groupe et une famille de sous-groupes de G. Pour que G soit le produit libre interne de la famille , il faut et il suffit que les conditions suivantes soient satisfaites :
- 1° les se coupent trivialement deux à deux;
- 2° pour tout élément de G, il existe un et un seul multiplet d'éléments de tel que
- a) pour tout dans , et n'appartiennent pas à un même ;
- b)
On notera l'homomorphisme
de dans G (voir dans le chapitre théorique les préliminaires à la définition du produit libre interne).
Supposons d'abord que
- (hyp 1) G est le produit libre interne de la famille ,
ce qui revient à dire que est bijectif, et prouvons que les conditions 1° et 2° de l'énoncé sont satisfaites.
Prouvons que la condition 1° est satisfaite, c'est-à-dire que les se coupent trivialement deux à deux. Soient et des éléments de I tels que comprenne un élément ; il s'agit de prouver que et sont égaux. Les éléments ((j, g)) et ((k,g)) de ont la même image par . Puisque, d'après l'hypothèse (1), est injectif, on a donc , d'où j = k, comme annoncé. Nous avons donc prouvé que
- (2) dans l'hypothèse (1), la condition 1° de l'énoncé est satisfaite, à savoir que les se coupent trivialement deux à deux.
Prouvons maintenant, toujours dans l'hypothèse (1), que la condition 2° de l'énoncé est satisfaite.
Soit un élément de . D'après l'hypothèse (1), l'homomorphisme est surjectif, donc il existe un élément de tel que
Le fait que appartient à a les deux conséquences suivantes :
- (3) pour tout dans , appartient à ;
et
- (4) pour tout dans ,
Puisque d'après (2), les sont deux à deux disjoints, il résulte de (4) que
- (5) pour tout dans , et sont disjoints.
Comme, d'après (2) et (3), (resp. ) est l'unique qui comprend (resp. ), il résulte de (5) que, pour tout dans , et n'appartiennent pas à un même .
Nous avons donc démontré, dans l'hypothèse (1), l'assertion d'existence du point 2° de l'énoncé, à savoir que, pour tout élément de G, il existe un multiplet d'éléments de satisfaisant aux conditions a) et b) de l'énoncé.
Prouvons l'assertion d'unicité.
Soient un élément de et un multiplet d'éléments de satisfaisant aux conditions a) et b) de l'énoncé. Pour tout dans , désignons par l'unique élément de tel que (l'unicité résulte de (2)). Puisque nous supposons que la condition a) de l'énoncé est satisfaite, nous avons, pour tout dans ,
- ,
donc est un élément de , donc, puisque nous supposons que la condition b) de l'énoncé est satisfaite,
- est l'image de par
Puisque, dans l'hypothèse (1), est injectif, cela montre que est déterminé de manière unique par , donc la condition d'unicité du point 2° de l'énoncé est satisfaite.
Nous avons donc prouvé que si est le produit libre interne de la famille , les conditions 1° et 2° de l'énoncé sont satisfaites.
Supposons, réciproquement, que les conditions 1° et 2° de l'énoncé sont satisfaites et prouvons que est le produit libre interne de la famille . Il s'agit de prouver que l'homomorphisme est bijectif.
Désignons par l'ensemble des multiplets d'éléments de tels que la condition a) de l'énoncé soit satisfaite, c'est-à-dire tels que, pour tout dans , et n'appartiennent pas à un même
Puisque nous supposons que la condition 2° (points a) et b)) de l'énoncé est satisfaite, l'application
est une bijection.
D'autre part, si est un élément de , nous avons, pour tout dans , , donc, puisque nous supposons satisfaite la condition 1°, selon laquelle les se coupent trivialement deux à deux, et n'appartiennent pas à un même , donc appartient à Nous pouvons donc définir l'application
Alors
Nous avons vu que est une bijection, donc, pour prouver que l'homomorphisme est bijectif, il suffit de prouver que
- (thèse 6) est une bijection.
Soit un élément de Puisque nous supposons que la condition 1° de l'énoncé est satisfaite, nous pouvons, pour tout dans , désigner par l'unique élément de tel que appartienne à
Soit un élément de . Puisque appartient à , et n'appartiennent pas à un même , ce qui revient à dire que Donc est un élément de Puisque l'image de cet élément par est , nous avons prouvé que
- (7) est une surjection.
Prouvons que c'est une injection. Si des éléments et de ont tous deux pour image par , alors est de la forme et est de la forme avec, pour tout dans ,
- et d'où
Puisque nous supposons satisfaite la condition 1°, selon laquelle les se coupent trivialement deux à deux, il faut pour tout dans , donc , donc est injective. Joint à (7), cela prouve la thèse (6), à savoir que est une bijection. Comme nous l'avons vu, il en résulte que l'homomorphisme est bijectif, ce qui achève la démonstration.
Remarque. La condition 1° de l'énoncé n'est pas forcément entraînée par la condition 2°. Par exemple, considérer un groupe non trivial G et un sous-groupe H non trivial de G (on ne suppose pas H distinct de G) et poser et La condition 2° de l'énoncé est satisfaite, car si est un multiplet d'éléments de tel que la condition a) de l'énoncé soit satisfaite, doit être égal à 0 ou à 1. Les détails sont laissés au lecteur.
Problème 2
modifiera) Soient et deux familles de groupes; on suppose qu'il existe une bijection de I sur J telle que, pour tout dans , (On pourrait dire que les familles et sont « égales à l'indexation près ».) Prouver que les groupes et sont isomorphes.
(Indication : on peut utiliser la propriété universelle du produit libre.)
On va donner une démonstration qui s'étend immédiatement de la catégorie des groupes à n'importe quelle catégorie (sous réserve d'existence des coproduits).
Posons et . Pour tout dans , notons la i-ième inclusion canonique de dans et, pour tout dans , notons la j-ième inclusion canonique de dans
Pour tout dans , est un homomorphisme de dans , autrement dit un homomorphisme de dans . En appliquant la propriété universelle du produit libre à la famille de groupes , au groupe d'arrivée et à la famille d'homomorphismes , nous trouvons qu'il existe un (et un seul) homomorphisme de dans tel que, pour tout dans ,
- (1)
De même, il existe un (et un seul) homomorphisme de dans tel que, pour tout dans ,
En remplaçant dans cette dernière relation par , nous trouvons que pour tout dans ,
- (2)
D'après (2), nous pouvons remplacer par dans (1). Nous trouvons ainsi que, pour tout dans ,
- ,
ce qui revient à dire que, pour tout dans ,
En appliquant l'assertion d'unicité de la propriété universelle du produit libre à la famille de groupes , au groupe d'arrivée et à la famille d'homomorphismes, nous en tirons que
- (3) est l'automorphisme identique de .
D'autre part, d'après (1), nous pouvons remplacer par dans (2). Nous trouvons ainsi que, pour tout dans ,
De nouveau, l'assertion d'unicité de la propriété universelle du produit libre permet de conclure que
- est l'automorphisme identique de .
Joint à (3), cela prouve que est un isomorphisme de sur , ce qui démontre l'énoncé.
Remarque. Revenons à la façon dont nous avons construit le coproduit dans le cas particulier de la catégorie des groupes. La relation (1) montre que, pour tout élément de et pour tout élément de , l'homomorphisme applique sur et applique donc l'élément de sur l'élément . (Voir l'explicitation qui accompagne la propriété universelle du produit libre.) Il est alors évident que l'homomorphisme est bijectif et que son isomorphisme réciproque applique l'élément de sur l'élément de .
b) Soient et deux groupes; prouver que et sont isomorphes.
Par définition,
- (1) est le produit libre de la famille , avec et
De même,
- (2) est le produit libre de la famille , avec et
Si nous posons , si nous désignons par la bijection (transposition) de sur lui-même, nous avons, pour tout dans ,
Donc, d'après le point a),
- et sont isomorphes.
D'après (1) et (2), cela revient à dire que et sont isomorphes.
Problème 3
modifierSoient et deux familles de groupes telles que, pour tout dans , et soient isomorphes. Prouver que et sont isomorphes.
(Indication : on peut appliquer la propriété universelle du produit libre.)
On va d'abord donner une démonstration qui s'étend immédiatement de la catégorie des groupes à n'importe quelle catégorie où les coproduits existent, puis on verra que la démonstration peut se simplifier dans le cas particulier de la théorie des groupes.
D'après l'axiome du choix, nous pouvons choisir une famille telle que, pour tout dans , soit un isomorphisme de sur
Posons et
Pour tout dans , désignons par la i-ième inclusion canonique de dans et par la i-ième inclusion canonique de dans
D'après la propriété universelle du produit libre, appliquée à le famille de groupes , au groupe d'arrivée et à la famille d'homomorphismes , où désigne l'homomorphisme de dans , il existe un (et un seul) homomorphisme de dans tel que, pour tout dans ,
- (1),
d'où
- (2)
De même, d'après la propriété universelle du produit libre, appliquée à le famille de groupes , au groupe d'arrivée et à la famille d'homomorphismes , où désigne l'homomorphisme de dans , il existe un (et un seul) homomorphisme de dans tel que, pour tout dans ,
- (3),
d'où
- (4)
On va prouver que et sont des isomorphismes réciproques.
D'après (4), nous pouvons remplacer par dans (2). Nous obtenons ainsi, pour tout dans ,
- (5)
D'après l'assertion d'unicité de la propriété universelle du produit libre, appliquée à le famille de groupes , au groupe d'arrivée et à la famille d'homomorphismes , la relation (5) montre que
- (6) est l'automorphisme identique de
D'autre part, d'après (2), nous pouvons remplacer par dans (4). Nous obtenons ainsi, pour tout dans ,
- (7)
D'après l'assertion d'unicité de la propriété universelle du produit libre, appliquée à le famille de groupes , au groupe d'arrivée et à la famille d'homomorphismes , la relation (7) montre que
- est l'automorphisme identique de
Joint à (6), cela prouve que l'homomorphisme de dans est un isomorphisme (dont l'isomorphisme réciproque est ), d'où l'énoncé.
Montrons maintenant que la démonstration peut se simplifier dans le cas particulier de la catégorie des groupes.
Soient dans et dans D'après la relation (1), l'homomorphisme applique sur Donc, si est un élément de ,
(Voir par exemple l'explicitation qui accompagne la propriété universelle du produit libre.)
Il en résulte clairement que l'homomorphisme est bijectif et que son isomorphisme réciproque applique l'élément de sur l'élément de
Remarque. En imitant la seconde démonstration ci-dessus, on prouve facilement que si et sont deux familles de groupes, si est une famille telle que, pour tout dans , soit un homomorphisme surjectif (resp. injectif) de dans , alors il existe un homomorphisme surjectif (resp. injectif) de dans Cet énoncé ne peut pas s'étendre de la catégorie des groupes à n'importe quelle catégorie où les coproduits existent, car les notions de morphisme injectif et de morphisme surjectif ne s'étendent pas à n'importe quelle catégorie.
Problème 4
modifierOn a noté dans le chapitre théorique que si J est une partie d'un ensemble I, si est une famille de groupes, alors est un sous-groupe de Le prouver à l'aide de la propriété universelle du produit libre (ce qui permet d'éviter de raisonner sur les réductions qui interviennent dans la définition de la loi de groupe du produit libre).
Pour tout dans , désignons par la i-ième inclusion canonique de dans (Noter que ne dépend pas de . Puisque en dépend, il serait peut-être plus rigoureux d'utiliser une autre variable que dans l'expression , mais on va économiser les notations.)
De même, pour tout dans , désignons par la j-ième inclusion canonique de dans
- (1) Pour tout dans , l'homomorphisme et l'homomorphisme coïncident en tout élément de
En effet, ils appliquent tous deux le neutre de sur le neutre commun de et de et, pour tout élément de ,
D'après la propriété universelle du produit libre, appliquée à la famille de groupes , au groupe d'arrivée et à la famille d'homomorphismes , il existe un (et un seul) homomorphisme de dans tel que, pour tout dans ,
Donc, pour tout dans , nous avons
D'après (1), cela peut s'écrire
- pour tout dans ,
donc
- (2) coïncide avec l'identité en tout élément de
Tout élément de est de la forme
- ,
où, pour tout dans appartient à , où, pour tout dans , et sont distincts et où désigne la loi de groupe de
Puisque est un homomorphisme et que, d'après (2), il coïncide avec l'identité en tout élément de , il en résulte que applique l'élément de sur le produit de , ..., et de dans , c'est-à-dire sur lui-même. Donc est contenu dans et l'application de dans est un homomorphisme, ce qui revient à dire que est un sous-groupe de .
Remarque. L'énoncé de ce problème ne s'étend pas à toute catégorie où les coproduits existent, car la notion de sous-groupe ne s'étend pas de la catégorie des groupes à toute catégorie. D'ailleurs, dans le cadre général des catégories, le coproduit d'une famille d'objets n'est défini qu'à isomorphisme près.
Problème 5
modifierSoient des groupes. Prouver que (c'est-à-dire ) est isomorphe à (c'est-à-dire à , où et où
On va d'abord donner une démonstration qui s'étend immédiatement à toute catégorie où les coproduits existent, puis on examinera comment les choses se passent « concrètement » dans le cas de la catégorie des groupes (avec nos définitions du produit libre et des inclusions canoniques).
Pour dans , nous noterons
- (1)
la i-ième inclusion canonique de dans (Noter que cette dernière expression ne dépend pas de .)
Pour dans , nous noterons
- (2)
la j-ième inclusion canonique de dans
Nous allons nous servir de la propriété universelle du produit libre pour définir un homomorphisme de dans , homomorphisme qui s'avérera être un isomorphisme. Pour cela, nous allons d'abord définir deux homomorphismes, l'un de et l'autre de , dans , puis, à l'aide de la propriété universelle, nous « synthétiserons » ces deux homomorphismes en un homomorphisme de dans
En appliquant la propriété universelle du produit libre à la famille de groupes , au groupe d'arrivée et à la famille d'homomorphismes (où les sont définis comme en (1)), nous trouvons qu'il existe un (et un seul) homomorphisme
tel que, pour tout dans ,
- (3),
où les sont définis comme en (2).
(D'après la solution du problème 4, est l'application de dans , mais nous n'utiliserons pas ce fait dans la présente démonstration, que nous voulons pouvoir étendre immédiatement à toute catégorie où les coproduits existent.)
Comme homomorphisme de dans , nous prenons
- (4)
(troisième inclusion canonique de dans ).
Posons et
Alors (resp. ) est un homomorphisme de (resp. ) dans
Pour tout dans , désignons par
- (5) la -ième inclusion canonique de dans
En appliquant la propriété universelle du produit libre à la famille de groupes , au groupe d'arrivée et à la famille d'homomorphismes , nous trouvons qu'il existe un (et un seul) homomorphisme
tel que, pour tout dans ,
- ,
autrement dit
- (6)
et
- (7)
Définissons maintenant un homomorphisme
(qui s'avérera être le réciproque de ).
Pour définir à l'aide de la propriété universelle du produit libre, nous allons considérer trois homomorphismes et partant respectivement de , de et de et arrivant dans
Comme homomorphisme , nous prenons
- (8),
avec les définitions (2) et (5) des et des
Comme homomorphisme , nous prenons
- (9)
et comme homomorphisme , nous prenons
- (10)
En appliquant la propriété universelle du produit libre à la famille de groupes , au groupe d'arrivée et à la famille d'homomorphismes , nous trouvons qu'il existe un (et un seul) homomorphisme
tel que, pour tout dans ,
- ,
ce qui, d'après les définitions (8) à (10) des , revient à
- (11),
- (12)
et
- (13)
Prouvons maintenant que les homomorphismes
et
sont réciproques.
Prouvons d'abord que l'endomorphisme
de est l'endomorphisme identique.
D'après l'assertion d'unicité de la propriété universelle du produit libre, il suffit de prouver que
- (thèse 14) ,
- (thèse 15)
et
- (thèse 16)
D'après (11), nous avons , donc
D'après (6), , donc notre résultat peut s'écrire
D'après (3), le membre droit égale , donc le résultat peut s'écrire
- ,
ce qui est la thèse (14).
D'après (12), nous avons , donc
D'après (6), , donc notre résultat peut s'écrire
D'après (3), le membre droit égale , donc le résultat peut s'écrire
- ,
ce qui est la thèse (15).
D'après (13), nous avons , donc
D'après (7), le membre droit égale , donc le résultat peut s'écrire
- ,
ce qui est la thèse (16).
Nous avons donc prouvé les thèses (14), (15) et (16). Comme nous l'avons vu, il en résulte que
- (17) est l'endomorphisme identique de
Prouvons maintenant que
- est l'endomorphisme identique de
D'après l'assertion d'unicité de la propriété universelle du produit libre, il suffit de prouver que
- (thèse 18)
et
- (thèse 19)
Toujours d'après l'assertion d'unicité de la propriété universelle du produit libre, il suffit, pour prouver la thèse (18), de prouver que
- (thèse 18 a)
et
- (thèse 18 b)
Puisque, d'après (6), , ces deux thèses peuvent s'écrire
- (thèse 20)
et
- (thèse 21)
D'après (3), nous avons et , donc les thèses (20) et (21) peuvent s'écrire
et
- ,
ce qui est vrai d'après (11) et (12).
Nous avons donc prouvé les thèses (20) et (21), qui, comme nous l'avons vu, prouvent la thèse (18).
Prouvons la thèse (19).
D'après (7), nous avons , d'où
D'après (13), le membre droit égale , donc le résultat peut s'écrire
- ,
ce qui est la thèse (19).
Nous avons donc prouvé les thèses (18) et (19). Comme on l'a vu, il en résulte que
- est l'endomorphisme identique de
Joint à (17), cela montre que les homomorphismes et sont réciproques, donc est un isomorphisme de sur , ce qui prouve l'énoncé de la question a).
La démonstration qui précède s'étend immédiatement de la catégorie des groupes à toute catégorie où les coproduits existent. À titre superfétatoire, voyons maintenant comment les choses se passent « concrètement » dans le cas de la catégorie des groupes (avec nos définitions du produit libre et des inclusions canoniques).
D'après (6), nous avons
et nous avons noté, après la définition (3) de , que, dans le cas particulier de la catégorie des groupes, est l'application de dans Donc,
- pour tout dans ,
- (22) applique l'élément de sur l'élément de
En faisant dans (22), nous trouvons que
- pour tout dans ,
- (23) applique l'élément de sur l'élément de
En faisant maintenant dans (22), nous trouvons que
- pour tout dans ,
- (24) applique l'élément de sur l'élément de
D'après (7), nous avons
Vu les définitions (5) et (1) de et de , il en résulte que
- pour tout élément de ,
- (25) applique l'élément de sur l'élément de
Les relations (23) à (25) montrent comment agit « concrètement » sur une certaine partie génératrice de Voyons maintenant ce qu'il en est de
D'après (11),
Vu les définitions (1), (5) et (2) de , de et de , il en résulte que,
- pour tout élément de ,
- (26) applique l'élément de sur l'élément de
D'après (12),
Vu les définitions (1), (5) et (2) de , de et de , il en résulte que,
- pour tout élément de ,
- (27) applique l'élément de sur l'élément de
D'après (13),
Vu les définitions (1) et (5) de et de , il en résulte que,
- pour tout élément de ,
- (28) applique l'élément de sur l'élément de
De (23) et (26), il résulte que
- pour tout dans applique l'élément de sur lui-même et applique l'élément de sur lui-même.
De (24) et (27), il résulte que
- pour tout dans applique l'élément de sur lui-même et applique l'élément de sur lui-même.
De (25) et (28), il résulte que
- pour tout dans applique l'élément de sur lui-même et applique l'élément de sur lui-même.
Ainsi, les endomorphismes et coïncident avec l'identité dans certaines parties génératrices de leurs groupes de définition, donc et sont des isomorphismes.
b) Soient des groupes. Prouver que , et sont isomorphes.
D'après le point a), il suffit de prouver que est isomorphe à
Pour ne pas faire des raisonnements aussi longs qu'au point a), on peut dire par exemple que, d'après le problème 2, b), est isomorphe à , lequel, d'après le point a), est isomorphe à , lequel, d'après le problème 2, a), est isomorphe à .
Remarque. On pourrait démontrer une formule plus générale d'« associativité », à savoir que si est une famille de groupes, si est une famille de parties deux à deux disjointes de dont la réunion est égale à , alors est isomorphe à , où désigne Cela s'étend de la catégorie des groupes à toute catégorie où les coproduits existent. Dans le cas particulier de la catégorie des groupes, on peut même prouver que est le produit libre interne des .
Problème 6
modifierSoit une famille de groupes. Le but de cet exercice est de déterminer les éléments d'ordre fini du produit libre
a) Convenons de dire qu'un élément de est de forme conjuguée si
- et dans
Puisque tout élément de est réduit, on doit alors avoir Il est clair que si est de forme conjuguée, il est conjugué à dans , d'où notre expression « de forme conjuguée ».
Prouver que tout élément de est conjugué dans à un élément qui n'est pas de forme conjuguée.
Donnons la démonstration, bien que ce soit assez évident.
Soit un élément de ; il s'agit de prouver que est conjugué dans à un élément qui n'est pas de forme conjuguée.
Pour deux « mots » (autrement dit multiplets) et , nous noterons le concaténé de et .
Considérons le plus grand nombre naturel tel que soit de la forme
- ,
avec de longueur (et, forcément, et dans , de sorte que est défini).
(Autrement dit, est le plus grand nombre naturel tel que et que, pour tout dans et dans )
Par maximalité de , n'est pas de forme conjuguée. Comme c'est évidemment un conjugué de dans , l'énoncé en résulte.
b) Soit un élément d'ordre fini de , distinct du neutre de Prouver que est conjugué dans à un élément de longueur . (Cela revient à dire qu'il existe un élément de tel que soit conjugué dans à un élément de , où désigne la -ième inclusion canonique de dans )
D'après le point a), est conjugué dans à un élément qui n'est pas de forme conjuguée. Puisque est distinct du neutre et d'ordre fini, il en est de même de ses conjugués, donc est distinct du neutre et d'ordre fini. Il suffit donc de prouver que
- (thèse 1)tout élément de distinct du neutre et d'ordre fini qui n'est pas de forme conjuguée est de longueur
Soit un élément de qui ne soit pas de forme conjuguée et dont la longueur soit Pour prouver la thèse (1), il revient au même de prouver que
- (thèse 2) est d'ordre infini.
Supposons d'abord Alors on montre facilement par récurrence sur que, pour tout nombre naturel est le concaténé de mots égaux à et est donc de longueur Donc si est de longueur et n'est donc pas le neutre de Cela prouve que est d'ordre infini, donc la thèse(2) est vraie dans le présent cas
Supposons maintenant Alors, puisque tout élément de est réduit,
- (3)
Puisque est supposé ne pas être de forme conjuguée, et ne sont pas inverses l'un de l'autre dans , donc (puisque nous supposons )
- (4)
avec, d'après (3),
- (5)
Puisque le mot est réduit, est distinct de , donc, d'après la première partie de la démonstration (et compte tenu de (5)), le membre droit de (4) est d'ordre infini, donc le membre gauche de (4), à savoir , est d'ordre infini, donc son conjugué est d'ordre infini. Nous avons ainsi prouvé la thèse (2) dans tous les cas. Comme nous l'avons vu, la thèse (1) en résulte.
c) On suppose que chaque est sans torsion. (Rappel : un groupe est dit sans torsion si son seul élément d'ordre fini est son élément neutre.) Prouver que est sans torsion.
Il revient au même de prouver que si n'est pas sans torsion, il y a au moins un dans tel que ne soit pas sans torsion.
Dire que n'est pas sans torsion revient à dire qu'il existe dans un élément distinct du neutre et d'ordre fini. D'après le point b), est alors conjugué dans à un élément de longueur 1, soit , avec et Puisque est conjugué de , il est d'ordre fini dans , autrement dit est d'ordre fini dans . Puisque définit un isomorphisme de sur est donc d'ordre fini dans . Puisque est distinct du neutre de , n'est donc pas sans torsion, ce qui, comme nous l'avons vu, démontre l'énoncé.
Remarque. Le groupe additif est sans torsion. (En effet, si est un nombre naturel non nul et un élément non nul de , est un élément non nul de .) Il résulte donc du point c) que le produit libre d'une famille de groupes isomorphes au groupe additif est sans torsion. Puisque (chapitre théorique) tout groupe libre est isomorphe à un tel produit libre, tout groupe libre est donc sans torsion. On retrouve ainsi un résultat démontré dans les exercices du chapitre Groupes libres, premiers éléments.
Problème 7
modifierSoit une famille de groupes. Le but de cet exercice est de déterminer le centre de Pour tout élément de , on désignera par la -ième inclusion canonique de dans
a) Soit un élément de , soit un élément de Prouver que le centralisateur de , autrement dit de , dans est , où désigne le centralisateur de dans
Puisque est un homomorphisme injectif, il suffit de prouver que tout élément de qui commute avec dans appartient à
Prouvons d'abord que
- (thèse 1) si est un élément de longueur de qui commute avec , alors
Puisque commute avec , nous avons
- (2)
Supposons que, par absurde,
- (hyp. 3) et soient tous deux distincts de
Alors la relation (2) s'écrit
Le premier des couples formant le membre gauche doit être égal au premier des couples formant le membre droit, donc , ce qui montre que l'hypothèse (3) est contradictoire, donc
- (4) ou est égal à
- (5) Si n'est pas égal à , le membre gauche de (2) est de longueur
Toujours si n'est pas égal à , il résulte de (4) que est égal à , de sorte que le membre droit de (2) est de longueur Comparé à (5), cela montre que l'hypothèse est contradictoire, donc et, de même, Nous avons donc prouvé la thèse (1), à savoir que
- (6) si est un élément de longueur de qui commute avec , alors
Voici une façon parmi d'autres de continuer.
Supposons que, par absurde,
- (hyp. 7) soit un élément de longueur de qui commute avec
Si était égal à , la relation (6) donnerait , ce qui est impossible puisque est réduit. Donc
- (8)
D'après (6), appartient à , donc est un élément de (c'est le dernier des couples formant ). Puisque est supposé commuter avec ,
- commute avec
(la relation de commutation subsiste par passage aux valeurs par un homomorphisme, en particuler par un automorphisme intérieur).
Autrement dit,
- commute avec ,
autrement dit encore
- commute avec
Puisque est distinct du neutre de , il en est de même de , donc notre résultat revient à dire que
- (9) commute avec
En remplaçant dans (6) par (qui n'est pas le mot vide, puisque son conjugué ne l'est pas) et par , nous tirons de (9) que
- (10) le dernier des couples formant est de la forme (avec ).
Mais, selon que égale ou n'égale pas le neutre de , égale ou Puisque, comme vu en (8), , le dernier des couples formant est donc , avec, puisque est réduit, , autrement dit, d'après (6), Cela contredit (10), donc l'hypothèse (7) est absurde, donc tout élément de qui commute avec est de longueur et, d'après (6), appartient donc à Comme on l'a vu, cela prouve le point a).
b) On suppose qu'on peut trouver dans deux indices distincts et tels que et soient tous deux non triviaux. Prouver que le centre de est trivial.
Cela ne devrait pas faire de difficulté. Choisissons un élément de et un élément de Le centre de est contenu dans le centralisateur de , centralisateur qui, d'après le point a), est contenu dans Donc le centre de est contenu dans et, de même, dans . Puisque les se coupent trivialement deux à deux, le centre de est donc trivial.
Remarque. Puisqu'un groupe libre de base est isomorphe au produit libre de la famille , où chaque est isomorphe à et donc non trivial, il résulte du point b) que tout groupe libre de rang est de centre trivial. On retrouve ainsi un résultat démontré dans les exercices du chapitre Groupes libres, premiers éléments.
Problème 8
modifierSoient A et B deux groupes, X le sous-ensemble de constitué des commutateurs , pour et , et R le sous-groupe de engendré par X.
(Remarque : si A et B sont abéliens, R n'est autre que le sous-groupe dérivé de .)
- Montrer que R est le noyau de l'épimorphisme canonique de sur le produit direct .
- Montrer que pour tout entier , tous et tous tels qu'on n'ait jamais simultanément , et , l'élément (une fois réduit) est de longueur et qu'il se termine par si , et par si .
- En déduire X est une base de R.
Remarque : cela précise et généralise le fait (vu dans la question g de Groupes libres : théorème de Nielsen-Schreier#Problème 2) que le dérivé du groupe libre est de rang infini. - En déduire que si A et B sont finis alors le groupe est virtuellement libre, c'est-à-dire qu'il possède un sous-groupe libre d'indice fini.
- Si et alors et de même, si alors , donc R est normal dans . Le groupe quotient a la propriété universelle qui caractérise donc R est bien le noyau annoncé.
- La preuve par récurrence sur ne pose aucun problème.
- D'après la question précédente, X est une partie libre du sous-groupe R qu'elle engendre.
- L'indice du sous-groupe libre R dans est égal à l'ordre de .
Références :
- (en) Jean-Pierre Serre, Trees [lire en ligne], p. 6-7 pour les questions 1 à 3
- (en) Roger Lyndon, « Two notes on Rankin's book on the modular group », Journal of the Australian Mathematical Society, vol. 16, 1973, p. 454-457 [texte intégral] (Theorem 2) pour une généralisation à un produit libre de n groupes ;
- (en) « Are free products of finite groups virtually free? », sur math.stackexchange.com pour la question 4.
Problème 9 : lemme du ping-pong
modifierSoient H1, H2, … , Hk des sous-groupes non triviaux d'un groupe G, avec k ≥ 2 et H1 d'ordre > 2.
On suppose que G agit sur un ensemble X contenant des sous-ensembles non vides disjoints X1, X2, … , Xk tels que :
- pour tous i ≠ j et tout h ∈ Hi\{1}, h(Xj) ⊂ Xi.
Le but de l'exercice est d'en déduire que le sous-groupe engendré par les Hi est leur produit libre interne.
Il s'agit donc de montrer que pour tout mot réduit de longueur , le produit est différent du neutre.
- Par hypothèse, pour j de 1 à m, . On suppose dans cette question que . Montrer qu'alors, et conclure.
- Si ou est différent de 1, se ramener au cas précédent par conjugaison.
- . Comme , ceci prouve que .
-
- si , soit (un tel existe car ) ;
- si , soit ;
- si , soit .
- Dans les trois cas, est l'image dans G d'un mot réduit de dont la première et la dernière lettre sont dans , si bien que est différent de 1 d'après la question précédente, donc aussi.
Problème 10
modifierDémontrer que le sous-groupe de SO(3, ℝ) engendré par les deux matrices de rotation
- et
est isomorphe à .
Indication : appliquer le lemme du ping-pong à
- et
- .
On vérifie que les conditions du lemme du ping-pong sont remplies. Par exemple : car
- et , et
- si et ou si et , alors .
On montre de même que , et .
Remarque : on peut se passer du lemme du ping-pong en démontrant d'abord que pour tous et , les entiers et définis par
- et
vérifient : si n'est pas multiple de 5 alors non plus (mais il y a beaucoup de cas à passer en revue).
Voir aussi :
- (en) Kenzi Satô, « Free groups acting without fixed points on rational spheres », Acta Arithmetica, vol. 85, 1998, p. 135-140 [texte intégral lien DOI] ;
- (en) David Speyer, « That trick where you embed the free group into a Lie group », sur sbseminar.wordpress.com, : où l'on constate que sur , et sont diagonalisables et leurs droites propres ne sont pas les mêmes, mais leurs trois valeurs propres sont de module 1 (au lieu d'être de modules > 1, = 1 et < 1), ce qui empêche de procéder comme dans (en) J. Z. Gonçalves, « Free subgroups in linear groups », J. Algebra, vol. 295, no 1, 2006, p. 94-118 [texte intégral], sauf qu'on y remédie en remplaçant le module par la norme 5-adique. Dans ce post, on rappelle aussi qu'un tel plongement de dans SO(3, ℝ) permet de démontrer le paradoxe de Banach-Tarski.
Problème 11
modifierSoit le groupe libre sur deux générateurs et . On construit un graphe (appelé graphe de Cayley) de la façon suivante. On décrète que deux sommets sont reliés par une arête (un segment isométrique à l'intervalle ) si .
- Montrer que est naturellement muni d'une distance telle que la distance entre deux sommets soit toujours un entier.
- Montrer que est un arbre (c'est-à-dire un graphe sans cycle).
- Montrer qu'en posant , on définit une action par isométries de sur .
- Si , montrer que l'isométrie induite par sur est sans point fixe, et identifier l'ensemble des points tels que soit minimale.
- Si , construire un élément non trivial tel que .
- Si sont deux éléments non triviaux tels que , montrer que est libre (indication : ping-pong).
- Pour tout entier , montrer que contient des groupes libres de rang (indication : s'inspirer de la question précédente).
- Cf. Métrique des mots.
- Comme il n'y a pas de relations entre les deux générateurs du groupe libre (par définition), son graphe de Cayley est acyclique.
- Immédiat, par définition de .
- (l'« axe » de ) est isométrique à la droite réelle, et agit par translation de sur .
- On peut prendre avec qui croise en un point seulement.
- On peut appliquer le lemme du ping-pong en prenant pour l'ensemble des points de l'arbre qui sont strictement plus proches de que de , et vice-versa pour .
- Même procédé, en construisant d'axes deux à deux disjoints comme dans la question 5 puis en prenant pour l'ensemble des points de l'arbre qui sont strictement plus proches de que des autres .
Remarque sur la dernière question : une autre façon de plonger dans (pour ) est de choisir dans un sous-groupe d'indice et d'appliquer la formule qui relie son indice à son rang.