Théorie physique des distributions/Espaces fondamentaux
La théorie des distributions établie par Laurent Schwartz entre 1945 et 1950 généralise le concept de fonctions pour permettre notamment de résoudre une plus grande classe d'équations différentielles. La théorie complète considère la totalité des fonctions d'une variable réelle, ce qui nécessite l’introduction d’outils mathématiques plus élaborés comme la théorie de la mesure et l'intégrale de Lebesgue. Ce chapitre définit un sous-ensemble de l’ensemble des fonctions d'une variable réelle qui, tout en étant un sous-espace vectoriel de l’ensemble des fonctions, sera suffisant pour décrire la plupart des phénomènes physiques. Nous définirons ensuite quelques ensembles de fonctions qui nous seront utiles dans les chapitres suivants. Nous définirons ces ensembles dans un ordre tel que le suivant sera un sous-espace vectoriel du précédent. Tous ces ensembles de fonctions sont définis sur ℝ pour des raisons de simplification. Dans une théorie des distributions plus élaborée, on considère des espaces aux propriétés similaires décris sur un ensemble de définition différent.
Espace des fonctions physiques
modifierNous donnerons une première définition :
Soit un réel. Une fonction d'une variable réelle sera dite "continue à droite en " si :
.
Par exemple, la fonction de Heaviside H définie par :
est continue à droite en 0. En effet :
.
Dans cette leçon, nous appellerons "fonction physique", une fonction qui vérifie les trois propriétés suivantes :
- elle est définie sur l’ensemble des nombres réels ℝ ;
- elle est continue à droite en tout réel ;
- elle est intégrable sur tout intervalle borné [a, b].
Dans cette leçon, nous noterons ℘ l'ensemble des fonctions physiques
Exemple
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Remarque Les fonctions physiques seront, dans notre leçon, des fonctions d'une variable réelle, mais son ensemble d'arrivée ne sera pas nécessairement l’ensemble des nombres réels. Il se peut que ce soit l’ensemble des nombres complexes. Ce sera le cas, par exemple, lorsque nous étudierons la transformée de Fourier. |
Nous savons que l’ensemble ℱ des fonctions d'une variable réelle est un espace vectoriel sur ℝ. Il nous suffit donc de montrer que ℘ est un sous-espace vectoriel de ℱ.
Non-vacuité.
La fonction constante nulle est une fonction de ℘.
Stabilité pour la loi interne.
Soit f et g deux fonctions de ℘. Montrons que f + g est aussi une fonction de ℘.
Soit a un réel, f et g étant des fonctions de ℘, nous avons :
;
.
On a alors :
.
f + g est donc une fonction de ℘.
Stabilité pour la loi externe.
Soit f un fonctions de ℘ et α un scalaire. Montrons que αf est aussi une fonction de ℘.
Soit a un réel, f étant une fonction de ℘, nous avons :
.
On a alors :
.
αf est donc une fonction de ℘.
℘ est donc bien un sous-espace vectoriel de ℱ et, par conséquent, c’est un espace vectoriel.
Pourquoi avoir introduit l’ensemble ℘ ? Cet ensemble, comme son nom l'indique, représente bien l’ensemble des fonctions rencontrées dans le monde physique. Si l’on considère, par exemple, l'électronique, les tensions aux bornes des composants ou les intensités traversant les composants sont des fonctions qui, la plupart du temps, sont continues, mais peuvent avoir des points de discontinuité. L'intensité peut avoir des points de discontinuité dans un condensateur et la tension peut avoir des points de discontinuité aux bornes d'une bobine. Lorsque l’on ferme un interrupteur à l'instant t, on fait apparaître brusquement aux bornes d'un circuit une tension non nulle à cet instant. La tension, qui était nulle avant l'instant t, devient non nulle à partir de cet instant. Nous voyons alors que cette tension peut se représenter par une fonction qui présente un point de discontinuité en t, tout en étant continue à droite en t. On considérera que les phénomènes commencent à un instant t et se poursuivent dans le futur, ce qui signifie qu'en tout point de discontinuité la fonction considérée sera continue à droite. La continuité à droite traduit donc l'écoulement du temps pour les fonctions du temps (flèche du temps).
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Espace des fonctions indéfiniment dérivables sur ℝ
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Une fonction est dite "indéfiniment dérivable sur ℝ" si elle admet une dérivée à tout ordre sur ℝ.
L’ensemble des fonctions indéfiniment dérivables sur ℝ est noté .
L'ensemble des fonctions indéfiniment dérivables sur ℝ forme un sous-espace vectoriel de l’espace ℘ des fonctions physiques.
La stabilité de la loi interne et de la loi externe proviennent de la linéarité de la dérivation.
De plus, une fonction dérivable est continue et a fortiori continue à droite.
L'espace vectoriel nous permettra de définir, par dualité, l’espace des distributions à support compact.
Espace de Schwartz
modifierAvant de définir l'espace de Schwartz, nous définirons un autre espace utile à cette définition :
Espace des fonctions à décroissance rapide
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Une fonction est dite "à décroissance rapide" si son produit par n'importe quel polynôme a pour limite 0 en ±∞ ou, ce qui est équivalent : si son produit par n'importe quelle puissance de la variable est borné.
Cet ensemble est l'intersection, sur tous les entiers naturels , des sous-espaces vectoriels , où désigne ici le sous-espace des fonctions nulles à l'infini et l'application (linéaire) de multiplication par des fonctions de la variable .
Définition de l'espace de Schwartz
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L'espace de Schwartz est l’ensemble des fonctions indéfiniment dérivables dont les dérivées à tout ordre sont à décroissance rapide. Cet ensemble est noté .
Notons l'intersection de et de l'espace des fonctions à décroissance rapide. C'est donc un sous-espace vectoriel de . L'application de dérivation, , est linéaire, et .
Espace des fonctions sommables
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Une fonction physique sera dite "sommable sur ℝ" si son intégrale de -∞ à +∞ converge.
L'ensemble des fonctions physiques sommables sur ℝ forme un sous-espace vectoriel de l'espace ℘ des fonctions physiques.
La stabilité de la loi interne et de la loi externe proviennent de la linéarité de l'intégration sur un segment et de celle du passage à la limite (en -∞ et +∞).
Toute fonction physique à décroissance rapide — en particulier toute fonction de Schwartz — est évidemment absolument sommable.
Espace des fonctions indéfiniment dérivables et à support compact
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Une fonction est dite "à support compact" s'il existe un intervalle réel borné tel que :
.
Une fonction est dite "indéfiniment dérivable à support compact" si elle est de classe C∞ et à support compact.
L’ensemble des fonctions indéfiniment dérivables à support compact est noté .
L'ensemble des fonctions indéfiniment dérivables à support compact est un sous-espace vectoriel de .
L'ensemble des fonctions à support compact est un sous-espace vectoriel de ℱ, comme union d'une suite croissante de sous-espaces vectoriels : les espaces de fonctions définies sur et complétés par 0 en dehors.
est l'intersection de ce sous-espace et de . C'est donc également un sous-espace vectoriel de ℱ. De plus, .
Nous montrerons en exercice que cet espace vectoriel n'est pas réduit à la fonction nulle.