Théorie des groupes/Groupes caractéristiquement simples, sous-groupes normaux minimaux
Notions essentielles
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Remarques. 1. Les auteurs n'imposent pas tous[1] à G d’être non réduit à l'élément neutre.
2. On montre facilement que tout groupe isomorphe à un groupe caractéristiquement simple est caractéristiquement simple.
3. On montre facilement que si V est un groupe de Klein (produit direct de deux groupes d'ordre 2), les trois sous-groupes d'ordre 2 de V sont images l'un de l'autre par des automorphismes de V et ne sont donc pas des sous-groupes caractéristiques de V. Il en résulte que V est caractéristiquement simple. Nous déterminerons plus loin la structure de tous les groupes caractéristiquement simples finis.
Remarque. On a vu qu'un groupe de Klein est caractéristiquement simple. Comme un groupe de Klein n'est évidemment pas simple, ceci montre qu'un groupe caractéristiquement simple n’est pas forcément simple.
Remarques.
- Ce lemme nous servira dans la démonstration du théorème de Schur-Zassenhaus.
- Nous verrons plus loin une description des groupes caractéristiquement simples finis qui fournira, dans le cas fini, un résultat beaucoup plus précis que le présent lemme.
En d'autres termes, un sous-groupe normal minimal de G est un sous-groupe normal de G tel que les seuls sous-groupes normaux de G contenus dans N soient 1 et N.
Remarque. L'expression « sous-groupe normal minimal » est quelque peu abusive, puisque, en toute rigueur, le sous-groupe réduit à l'élément neutre est le seul sous-groupe normal minimal pour la relation d'inclusion. Cet abus est cependant quasi[2] universel.
Exemple. On a vu au chapitre Groupes alternés que les sous-groupes normaux du groupe alterné A4 sont 1, V et A4, où V désigne le sous-groupe de Klein de A4. Donc V est un sous-groupe normal minimal de A4.
Démonstration facile, laissée au lecteur.
Remarques. 1° On a vu que le sous-groupe de Klein V de A4 est un sous-groupe normal minimal de A4. Donc le théorème qui précède fournit une nouvelle démonstration du fait qu'un groupe de Klein est caractéristiquement simple.
2° On verra dans les exercices que tout groupe caractéristiquement simple (et non réduit à l'élément neutre) peut être plongé dans un groupe dont il est sous-groupe normal minimal. C'est une réciproque du théorème qui précède.
Prouvons que M est égal à G tout entier. Puisque M contient H, il n’est pas réduit à l'élément neutre. Puisque G est caractéristiquement simple, il suffit donc, pour prouver que M = G, de prouver que M est caractéristique dans G. Soit un automorphisme de G. Pour prouver que M est caractéristique dans G, il suffit de prouver que est contenu dans M. Par choix de M, M est produit direct H1 × H2 × ... × Hn, où H1 = H et où, pour chaque i (1 ≤ i n), Hi est de la forme , où est un automorphisme de G. Pour prouver que est contenu dans M, il suffit de prouver que, pour chaque i,
Puisque H est un sous-groupe normal de G, chaque , autrement dit chaque , est un sous-groupe normal de G. Donc M, qui est engendré par les Hi, est un sous-groupe normal de G. Supposons que, par absurde, il y ait un i tel que ne soit pas contenu dans M. D'après le lemme 2, est un sous-groupe normal minimal de G, donc, dans notre hypothèse où il n’est pas contenu dans M, il résulte du lemme 1 que Puisque M et sont tous deux des sous-groupes normaux de G, il en résulte (voir chapitre Produit de groupes) que le sous-groupe de G qu’ils engendrent est produit direct Ceci contredit clairement la maximalité de l’ordre de M. Cette contradiction prouve notre thèse (1). Comme nous l'avons vu, il en résulte que M est caractéristique dans G et, comme nous l'avons vu aussi, ceci entraîne que M est égal à G tout entier. Donc G est produit direct de H et d'une famille de sous-groupes de G tous isomorphes à H, ce qui démontre la seconde partie de l'énoncé.
Prouvons maintenant que le groupe H est simple. D'après ce que nous venons de démontrer, H est facteur direct de G. Puisque, par hypothèse, H est sous-groupe normal minimal de G, il résulte d'un des théorèmes ci-dessus que H est simple.Remarques.
- Nous avons en fait démontré qu'on peut prendre les Hi de l'énoncé tels que, pour chaque i, il existe un automorphisme de G qui applique H sur Hi. Cela peut sembler plus fort que de dire seulement, comme dans l'énoncé, que les Hi sont tous isomorphes à H, mais cela ne l'est pas vraiment. Par exemple, du fait que H1 est isomorphe à H2 et que on tire, à l'aide d'un corollaire de la propriété universelle de la somme restreinte, qu’il existe un automorphisme de G qui applique H1 sur H2.
- Dans le précédent théorème, l'hypothèse selon laquelle G est fini peut être levée, à condition d'énoncer le théorème comme suit : « Soient G un groupe caractéristiquement simple et H un sous-groupe normal minimal de G. Le groupe H est simple et G est somme restreinte d'une famille (non forcément finie) de sous-groupes simples tous isomorphes à H, H étant égal à l'un d'eux. » (Voir W.R. Scott, Group Theory, 1964, repr. Dover, 1987, p. 73.)
En fait, les groupes simples dont question dans le corollaire 2 peuvent être pris non seulement isomorphes entre eux mais conjugués dans G. Nous allons le prouver en copiant presque la démonstration du théorème précédent.
Prouvons que M est égal à N tout entier. Puisque M contient H, il n’est pas réduit à l'élément neutre. Puisque N est un sous-groupe normal minimal de G, il suffit donc, pour prouver que M = N, de prouver que M est normal dans G. Soit x un élément de G. Pour prouver que M est normal dans G, il suffit de prouver que x M x-1 est contenu dans M. Par choix de M, M est produit direct H1 × H2 × ... × Hn, où H1 = H et où, pour chaque i (1 ≤ i n), Hi est un conjugué de H dans G Pour prouver que x M x-1 est contenu dans M, il suffit de prouver que, pour chaque i,
Puisque H est un sous-groupe normal de N, toute image de H par un automorphisme de N est un sous-groupe normal de N. En particulier, tout conjugué de H dans G est un sous-groupe normal de N (puisque, N étant normal dans G, la conjugaison par un élément de G induit un automorphisme de N). Donc chaque est un sous-groupe normal de N, donc M, qui est engendré par les Hi, est un sous-groupe normal de N. Supposons que, par absurde, il y ait un i tel que x Hi x-1 ne soit pas contenu dans M. D'après le lemme 2, x Hi x-1 est un sous-groupe normal minimal de N, donc, dans notre hypothèse où il n’est pas contenu dans M, il résulte du lemme 1 que Puisque M et sont tous deux des sous-groupes normaux de N, il en résulte (voir chapitre Produit de groupes) que le sous-groupe de N qu’ils engendrent est produit direct Ceci contredit clairement la maximalité de l’ordre de M. Cette contradiction prouve notre thèse (1). Comme nous l'avons vu, il en résulte que M est normal dans G et, comme nous l'avons vu aussi, ceci entraîne que M est égal à N tout entier. Donc N est produit direct de H et d'une famille de sous-groupes de N tous conjugués à H dans G.
D'après le précédent théorème, tout sous-groupe normal minimal d'un groupe caractéristiquement simple est simple. Or N est caractéristiquement simple (car nous avons vu que tout sous-groupe normal minimal est caractéristiquement simple), donc H est simple, ce qui achève de démontrer l'énoncé.
Rappelons une définition qui a été donnée au chapitre Groupes commutatifs finis, 1 :
On a vu au même chapitre Groupes commutatifs finis, 1 qu'un p-groupe abélien élémentaire (fini ou infini) est le groupe additif d'un espace vectoriel sur le corps à p éléments et est donc la somme directe d'une famille de groupes d'ordre p.
Compléments
modifierOn a prouvé dans la première partie du chapitre que tout groupe fini caractéristiquement simple est produit direct de groupes simples isomorphes entre eux. On va maintenant prouver une réciproque forte de ce théorème, à savoir que tout groupe qui est somme restreinte d'une famille (finie ou infinie) de groupes simples tous isomorphes entre eux est caractéristiquement simple. Cette réciproque est moins importante que le théorème direct[3], donc la présente section peut être omise en première lecture.
On désignera la somme restreinte de deux sous-groupes par le symbole et la somme restreinte d'une famille de sous-groupes par le symbole .
Alors Puisque N contient , on en tire facilement Pour prouver l'énoncé, il suffit donc de prouver que
- (thèse 1)
Soit k' un élément de K. Par définition de K, le sous-groupe simple Gk' de G n'est pas contenu dans le sous-groupe normal N de G, donc Gk' ⋂ N = 1. (En effet, de façon générale, si N est un sous-groupe normal d'un groupe G, si S est un sous-groupe simple de G, alors N ⋂ S est un sous-groupe normal du groupe simple S et est donc égal à 1 ou à S, le second cas ne se produisant que si S est contenu dans N.)
Puisque Gk' et N sont tous deux normaux dans G, notre résultat Gk' ⋂ N = 1 entraîne que N centralise Gk'. (En effet, de façon générale, si deux sous-groupes normaux d'un même groupe ont une intersection réduite à l'élément neutre, ces deux sous-groupes se centralisent l'un l'autre; voir un problème de la série Sous-groupe distingué, groupe quotient.)
A fortiori,
- (2) pour tout élément k' de K, centralise Gk'.
D'autre part, est contenu dans et, puisque G est par hypothèse somme restreinte centralise Gj pour tout élément j de J. Donc
- (3) pour tout élément j de J, centralise Gj
De (2) et (3), il résulte que centralise G tout entier, c'est-à-dire que
- (4) est contenu dans le centre de G.
Mais puisque les Gi (pour i dans I) sont simples et non abéliens, leurs centres sont réduits à l'élément neutre; comme le centre d'une somme restreinte est la somme restreinte des centres (voir un problème de la série Produit de groupes), le centre de G est réduit à l'élément neutre, donc (4) signifie que
Remarque. Si on ne suppose pas que les groupes simples Gi sont non abéliens, le théorème devient faux. Par exemple, soient p un nombre premier et H un groupe (cyclique) d'ordre p. Le produit direct externe est abélien, donc tous ses sous-groupes sont normaux. En particulier, si nous choisissons un générateur a de H, le sous-groupe de engendré par l'élément (a, a) de est un sous-groupe normal de . Pourtant, il n'est égal ni à {1}, ni à , ni à ni à .
Puisque 0 < H, nous pouvons choisir un élément non nul a dans H. Puisque H est < V, nous pouvons choisir un élément b de G hors de H. Alors b est évidemment non nul, donc, d’après la théorie des espaces vectoriels, il existe un automorphisme (permutation linéaire) f de l'espace vectoriel V qui applique a sur b. (Choisir une base A comprenant a, une base B comprenant b et une bijection de A sur B. Cette bijection se prolonge en un automorphisme d'espace vectoriel.) Alors f est un automorphisme du groupe V, + et f(H) comprend l'élément f(a) = b, qui n'appartient pas à H, donc f(H) est distinct de H, donc H n’est pas caractéristique dans G. Comme nous l'avons vu, cela prouve que G est caractéristiquement simple.
Premier cas : les Gi sont tous commutatifs.
Dans ce cas, nous noterons G additivement.
Puisque les seuls groupes simples commutatifs sont les groupes d'ordre premier et que les Gi sont supposés isomorphes entre eux, il existe un nombre premier p tel que chaque Gi soit un groupe d'ordre p. Donc G est un groupe abélien tel que, pour tout élément x de G, px = 0. Comme noté dans un problème de la série Produit de groupes, G est donc le groupe additif d'un espace vectoriel sur le corps Fp à p éléments. D'après le lemme qui précède, G est donc caractéristiquement simple. L'énoncé est donc démontré dans le premier cas (où les Gi sont commutatifs).
Second cas : les Gi sont tous non commutatifs.
Soit H un sous-groupe normal de G tel que 1 < H < G. Il s'agit de prouver que H n’est pas caractéristique dans G. D'après le théorème précédent, il existe une partie J de I telle que
- .
Notes et références
modifier- ↑ J. Calais, Éléments de théorie des groupes, Paris, 1984, p. 257, suppose G non réduit à l'élément neutre. W.R. Scott, Group theory, repr. Dover, 1984, p. 73, ne le suppose pas.
- ↑ W.R. Scott, Group Theory, 1964, réimpr. Dover, 1987, p. 74, écrit « minimal, normal non-E subgroup », où E désigne le sous-groupe réduit à l'élément neutre.
- ↑ J. J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, 4e éd., tirage 1999, p. 106, démontre le théorème direct, mais non la réciproque.