Théorie des groupes/Groupes diédraux
Les groupes diédraux comme produits semi-directs
modifierSoient n un nombre naturel ≥ 1, A un groupe cyclique d'ordre n et B un groupe d'ordre 2. Ces deux groupes seront notés multiplicativement. Puisque A est commutatif, la permutation x ↦ x-1 de A est un automorphisme de A. Si nous désignons cet automorphisme par inv, nous avons inv2 = 1 (où 1 désigne l'automorphisme identique de A). On en tire facilement qu’il existe un et un seul homomorphisme de B dans Aut(A) (groupe des automorphismes de A) qui applique l'élément non neutre de B sur inv. Cet homomorphisme de B dans Aut(A), que nous désignerons par τ, peut être considéré comme une opération de B sur A par automorphismes (voir chapitre Produit semi-direct). L'application correspondante de B × A dans A est définie par si b = 1 et si b est l'élément de B distinct du neutre.
Supposons maintenant que A1 et A2 soient deux groupes cycliques d'ordre n et B1 et B2 deux groupes d'ordre 2. Soient τ1 et τ2 respectivement les homomorphismes de B1 dans Aut(A1) et de B2 dans Aut(A2) définis comme ci-dessus. Il existe un unique isomorphisme de B1 sur B2, que nous désignerons par σ. De plus, il existe au moins un isomorphisme de A1 sur A2 (voir le chapitre sur les groupes monogènes). Choisissons un tel isomorphisme, soit f.
Montrons que f et σ constituent un isomorphisme de l'opération τ1 sur l'opération τ2 (selon la terminologie introduite au chapitre produit semi-direct). Il s'agit de prouver que, pour tout élément a de A1 et tout élément b de B1,
Si b est l'élément neutre de B1, est égal à a et (puisque σ(b) est l'élément neutre de B2) est égal à f(a). Donc, si b est l'élément neutre de B1, les deux membres de (1) sont tous deux égaux à f(a), donc (1) est vraie dans ce cas.
Si maintenant b est l'élément de B1 distinct du neutre, est égal à a-1 et (puisque σ(b) est l'élément de B2 distinct du neutre) est égal à f(a)-1 ; ainsi, (1) revient à f(a-1) = f(a)-1 et est donc encore vraie.
Nous avons donc prouvé, comme annoncé, que f et σ constituent un isomorphisme de l'opération τ1 sur l'opération τ2. Il en résulte (voir le chapitre Produit semi-direct) que l’application (a, b) ↦ (f(a), σ(b)) est un isomorphisme de groupes du produit semi-direct (externe) sur le produit semi-direct (externe) . (On pourrait évidemment le vérifier plus directement.) Ceci montre que, dans les notations et hypothèses ci-dessus, la structure de groupe de est identique quel que soit le choix du groupe cyclique A d'ordre n et quel que soit le choix du groupe B d'ordre 2.
Soit n un nombre naturel non nul. Tout groupe isomorphe au produit semi-direct , où A est un groupe cyclique d'ordre n, B un groupe d'ordre 2 et τ l'homomorphisme de B dans Aut(A) qui applique l'élément non neutre de B sur l'automorphisme x ↦ x-1 de A, est appelé un groupe diédral d'ordre 2n.
D'après ce qui précède, les groupes diédraux d'ordre 2n sont tous isomorphes entre eux. Pour ce motif, on dit couramment « le » groupe diédral d'ordre 2n, sans choisir explicitement un représentant particulier. « Le » groupe diédral d'ordre 2n se note D2n. (Certains auteurs[1] le notent Dn).
Remarque. Selon les définitions de certains auteurs[2], les groupes d'ordre 2 ne sont pas des groupes diédraux. Bourbaki[3] ne fait pas cette restriction.
Soit n un nombre naturel non nul, soit G un groupe engendré par un élément a d'ordre n et un élément b d'ordre 2 n'appartenant pas à <a> et tel que
- bab-1 (= bab) = a-1.
Soit H un groupe, soient x, y des éléments de H tels que xn = 1, y2 = 1 et
- yxy-1 (= yxy) = x-1.
Alors
- (i) Il existe un et un seul homomorphisme de G dans H qui applique a sur x et b sur y ;
- (ii) si x est d'ordre n et y d'ordre 2, si y n'appartient pas à <x>, alors l'homomorphisme en question est injectif.
De l'hypothèse et du fait que définit un automorphisme de G, on tire que
- (1) pour tout a' dans <a>,
d'où , donc b normalise <a>.
Puisque a et b sont supposés engendrer G, <a> est donc un sous-groupe normal de G et G = <a> <b>.
Par hypothèse, b n'appartient pas à <a>, donc, puisque b est d'ordre 2, . Donc G est produit semi-direct interne de <a> par <b>.
D'autre part, d'après un théorème du chapitre Groupes monogènes, ordre d'un élément, il existe un (et un seul) homomorphisme de <a> dans H qui applique a sur x et il existe un (et un seul) homomorphisme de <b> dans H qui applique b sur y.
Pour tout a' dans <a> et tout b' dans <b>, nous avons, d'après (1),
D'autre part,
Puisque a' est une puissance de a, est une puissance de , donc, comme on a tiré (1) de l'hypothèse , on tire de l'hypothèse que
En portant ceci dans (3) et en comparant alors (2) et (3), on trouve que
pour tout a' dans <a> et tout b' dans <b>.
Puisque G est produit semi-direct interne de <a> par <b>, il résulte donc du point (i) d'un théorème (« Homomorphismes partant d'un produit semi-direct interne ») du chapitre Produit semi-direct qu'il existe un et un seul homomorphisme de G dans H qui coïncide avec sur <a> et avec sur <b>. Puisque a et b engendrent G, cela revient à dire que est le seul homomorphisme de G dans H qui applique a sur et b sur .
Nous avons donc démontré le point (i) de l'énoncé.
Si x est d'ordre n et y d'ordre 2, les homomorphismes et sont injectifs ; si de plus y n'appartient pas à <x>, alors, puisque y est d'ordre 2, nous avons autrement dit , donc, d'après le point (ii) du théorème « Homomorphismes partant d'un produit semi-direct interne » du chapitre Produit semi-direct, est injectif, ce qui démontre le point (ii) de l'énoncé.
Remarques.
- On pourrait tirer le point (ii) du point (i), en notant que sous les hypothèses du point (ii), les hypothèses générales sur G, a, b, H, x, y sont satisfaites par <x, y>, x, y, G, a, b, de sorte que, d'après (i), il existe un homomorphisme de <x, y> dans G qui applique xsur a et y sur b. Si désigne la corestriction de à <x, y>, alors fixe a et fixe b, donc, puisque a et b engendrent G, , donc est injectif, donc est injectif.
- Si nous connaissions déjà les premiers éléments sur les présentations de groupes, nous pourrions montrer que, sous les hypothèses générales du théorème, le groupe G admet la présentation ; le point (i) de l'énoncé s'obtient alors par application immédiate d'un théorème sur les présentations, le théorème de von Dyck[4].
- Nous déterminerons la structure du groupe Aut(D2n) (groupe des automorphismes de D2n) dans un exercice de la série Holomorphe d'un groupe.
- Le titre « Homomorphismes partant d'un groupe diédral » donné au théorème qui précède s'explique par le corollaire qui suit.
- Les automorphismes de D2n seront identifiés dans un problème du chapitre suivant, « Holomorphe d'un groupe ».
Soit n un nombre naturel ≥ 1, soit G un groupe. Les deux conditions suivantes sont équivalentes :
- a) G est un groupe diédral d'ordre 2n ;
- b) G est engendré par un élément a d'ordre n et un élément b d'ordre 2 n'appartenant pas à <a> et tel que bab-1 (= bab) = a-1.
Supposons d’abord la condition a) satisfaite et prouvons b).
Par définition d'un groupe diédral, il existe un groupe cyclique A d'ordre n et un groupe B d'ordre 2 tel que G soit isomorphe au produit semi-direct externe , où τ est l'unique homomorphisme de B dans Aut(A) qui applique l'élément de B distinct du neutre sur l'automorphisme t ↦ t-1 de A. Puisque la condition b) de l'énoncé subsiste par passage à un groupe isomorphe, nous pouvons nous contenter de la démontrer dans le cas où G est égal à . Choisissons un générateur a0 de A et désignons par b0 l'élément de B distinct du neutre. Désignons par a et b respectivement les éléments (a0, 1) et (1, b0) de G = . Tout élément de G = est de la forme (a0r, b0s) pour certains nombres naturels r et s, autrement dit, vu la définition de la loi de composition dans le produit semi-direct externe, est de la forme ar bs, ce qui montre que a et b engendrent G = . Puisque la première inclusion canonique de A dans A × B induit un isomorphisme de A sur le sous-groupe A × {1} de , l'image a de a0 par cette inclusion est d'ordre n. De même, puisque la seconde inclusion canonique de B dans A × B induit un isomorphisme de B sur le sous-groupe {1} × B de , b est un élément d'ordre 2 de G. Comme noté dans le chapitre Produit semi-direct, énoncé intitulé « Produit semi-direct externe comme produit semi-direct interne »,
- ,
autrement dit
- ,
- ,
- .
Enfin, puisque la seconde composante de b n’est pas égale à 1, b n'appartient pas à <a>. Nous avons donc prouvé que a) entraîne b).
Supposons maintenant b) satisfaite et prouvons a).
Le plus simple serait sans doute de montrer, comme dans la démonstration du théorème précédent, que G est produit semi-direct interne de <a> par <b> et d'appliquer le théorème « Isomorphisme entre produit semi-direct interne et produit semi-direct externe » du chapitre Produit semi-direct, mais voici une démonstration qui repose sur le théorème précédent.
Nous avons vu dans la première partie de la démonstration que si A désigne un groupe cyclique d'ordre n et un générateur de A, si B désigne un groupe d'ordre 2 et l'élément non neutre de B, si est l'homomorphisme ainsi désigné plus haut, alors l'élément est d'ordre n dans , l'élément est d'ordre 2 dans , y n'appartient pas au sous-groupe <x> de , et est engendré par x et y.
Donc, d'après le théorème précédent (« Homomorphismes partant d'un groupe diédral »), il existe un homomorphisme de G dans qui applique a sur x et b sur y et il existe un homomorphisme de dans G qui applique x sur a et y sur b. Ces deux homomorphismes sont clairement réciproques, donc G est isomorphe à , ce qui prouve que la condition a) de l'énoncé est satisfaite.
Remarque. Si n ≥ 3, l'hypothèse selon laquelle b n'appartient pas à <a> est entraînée par l'hypothèse bab = a-1. En effet, si b appartenait à <a>, il commuterait avec a, donc on aurait bab = bab-1 = a, d'où, d’après l'hypothèse bab = a-1, a-1 = a, d'où a2 = 1, ce qui est impossible puisque a est d'ordre n ≥ 3.
Soit n un nombre naturel ≥ 1, soit G un groupe. Les deux conditions suivantes sont équivalentes :
- a) G est un groupe diédral d'ordre 2n ;
- b) G est un groupe d'ordre 2n qui comprend un élément a d'ordre n et un élément b d'ordre 2 n'appartenant pas à <a> et tel que bab = a-1.
L'implication a) b) résulte immédiatement du théorème précédent. Si b) est satisfaite, <a> est un sous-groupe d'ordre n et <b> un sous-groupe d'ordre 2 tels que <a> ⋂ <b> = 1. L'ensemble <a> <b> compte donc 2n éléments (formule du produit, démontrée dans le chapitre Classes modulo un sous-groupe) et est donc égal à G tout entier, donc a et b engendrent G et on peut appliquer le corollaire précédent.
D'après les théorèmes précédents, D4 est un groupe d'ordre 4 et comprend au moins deux éléments d'ordre 2. Puisque tout groupe d'ordre 4 est ou bien un groupe cyclique ou bien un groupe de Klein et qu'un groupe cyclique d'ordre 4 n'a qu'un élément d'ordre 2, D4 est donc un groupe de Klein. Si n ≥ 3, D2n comprend un élément a d'ordre n et un élément b d'ordre 2 tels que bab-1 = bab = a-1. Si D2n était commutatif, on aurait bab-1 = a, d'où a-1 = a, d'où a2 = 1, ce qui est impossible puisque a est d'ordre n ≥ 3.
Soit G un groupe diédral d'ordre 2n, soit A un sous-groupe cyclique d'ordre n de G (on sait qu’il en existe au moins un). Soit t un élément de G - A. Alors t est d'ordre 2 et pour tout élément x de A, txt = x-1. Si n ≥ 3, G n'a qu'un sous-groupe cyclique d'ordre n.
Si n = 1, le théorème est banal. Si n = 2, on le déduit facilement du fait que G est alors un groupe de Klein. Supposons donc n ≥ 3. Il existe un sous-groupe cyclique A0 d'ordre n de G et un élément b d'ordre 2 de G - A0 satisfaisant à la condition : pour tout élément x de A0, bxb = x-1. (Pour le prouver, on peut par exemple utiliser un corollaire ci-dessus selon lequel G comprend un élément a d'ordre n et un élément b d'ordre 2 n'appartenant pas à et tel que bab = a-1 ; puisque définit un automorphisme (intérieur) de G, on a alors pour tout entier rationnel r, d'où l'assertion à justifier avec . On peut aussi se reporter à la façon dont on a défini le groupe diédral à l'aide d'un produit semi-direct externe au début du chapitre et utiliser la dernière assertion du théorème « Produit semi-direct externe comme produit semi-direct interne » du chapitre Produit semi-direct.) Commençons par démontrer les assertions de l'énoncé sur t dans le cas où A est égal à A0. Les éléments de la forme ab, où a parcourt A0, n'appartiennent pas à A0 et sont en quantité n, donc ils constituent G - A0 tout entier. Donc t est de la forme ab pour un certain élément a de A0. Prouvons que t est d'ordre 2. Puisque t n'appartient pas à A0 et est donc distinct de 1, il suffit de prouver que t2 = 1. Cela revient à prouver que, pour tout a dans A0, (ab)2 = 1. Or (ab)2 = abab = a(bab) = aa-1 = 1, donc t est bien d'ordre 2. En outre, si x est un élément de A0, nous avons txt = (ab)x(ab) = ab(xa)b. Comme xa appartient à A0, nous pouvons remplacer b(xa)b par (xa)-1 = a-1x-1, d'où txt = aa-1x-1 = x-1. Montrons maintenant que (dans notre hypothèse n ≥ 3) A0 est le seul sous-groupe cyclique d'ordre n de G. Un sous-groupe cyclique A d'ordre n de G est engendré par un élément c d'ordre n > 2. Nous avons vu que tout élément de G - A0 est d'ordre 2, donc c doit appartenir à A0, donc A est contenu dans A0. Puisque A et A0 ont le même ordre fini n, ils doivent être égaux. Ainsi, G n'a qu'un sous-groupe cyclique d'ordre n, ce qui prouve la dernière assertion de l'énoncé. Il en résulte aussi que ce que nous avons démontré pour A0 est vrai pour « tout » sous-groupe cyclique d'ordre n de G, ce qui achève la démonstration.
Soit G un groupe fini engendré par deux éléments a et b d'ordre 2. Il est clair que G est engendré par ab et b. Nous avons b(ab)b = ba. Puisque a et b sont d'ordre 2, ba est l'inverse de ab, donc l'égalité précédente peut s'écrire
Montrons que b n'appartient pas à <ab>. Supposons que, par l'absurde, b appartienne à <ab>. Alors b commute avec ab, donc la relation (3) entraîne ab = (ab)-1. Ainsi, ab est d'ordre 1 ou 2, donc <ab> = {1, ab}. Puisque b est supposé appartenir à <ab> et n’est pas égal à 1, on doit avoir b = ab, d'où a = 1, contradiction. Cette contradiction prouve que b n'appartient pas à <ab>.
Dès lors, nos résultats montrent, compte tenu d'un précédent théorème, que G est un groupe diédral d'ordre 2n, où n est l’ordre de ab.
Version géométrique des groupes diédraux
modifierSoit n un nombre naturel ≥ 2, soit P un polygone régulier à n sommets. On admet que deux points distincts forment un polygone régulier à 2 sommets, bien que ce cas soit exceptionnel : par exemple un tel polygone n'a pas le même nombre de sommets (deux) et de côtés (un seul), contrairement aux polygones réguliers d'au moins trois sommets.
Si n = 2, nous appellerons centre du polygone P le milieu du segment de droite joignant les deux sommets. Si n ≥ 3, nous appellerons centre du polygone P l'unique point du plan qui est équidistant de tous les sommets. Nous désignerons ce centre par c.
Nous pouvons numéroter les sommets a0, ..., an-1, de sorte que, pour une rotation ϱ d'angle 2π/n autour du centre c de P, on ait ak+1 = ϱ(ak) pour tout k et donc ak = ϱk(a0) pour tout k. Nous pouvons étendre les indices à Z tout entier en posant, pour tout entier rationnel s, as = ar, où r désigne le reste de s par n.
Nous utiliserons le fait suivant :
Soient ϱ une rotation du plan autour d'un point c et σ une symétrie axiale par rapport à une droite passant par ce point. Alors σ ϱ σ = ϱ-1.
Puisque ϱ est une rotation autour du point c, elle est le produit de deux symétries axiales par rapport à des droites passant par c[5], donc ϱ σ est le produit de trois telles symétries. Comme le produit d'un nombre impair de symétries axiales par rapport à des droites passant par c est une symétrie axiale par rapport à une droite passant par c[6], ϱ σ est donc une symétrie axiale (par rapport à une droite passant par c). Comme une symétrie axiale est d'ordre 2, nous avons donc
- ϱ σ ϱ σ = 1.
En multipliant à gauche par ϱ-1, nous trouvons σ ϱ σ = ϱ-1, comme annoncé.
Soient n un nombre naturel ≥ 2 et P un polygone régulier à n sommets. Les isométries du plan qui transforment en lui-même l’ensemble des sommets de P forment (pour la composition) un groupe diédral d'ordre 2n.
Il est clair que les isométries du plan qui transforment en lui-même l’ensemble des sommets de P forment un sous-groupe du groupe des isométries du plan. Soit G ce sous-groupe. Prouvons que G est un groupe diédral d'ordre 2n.
Le groupe G contient un sous-groupe cyclique d'ordre n, à savoir le sous-groupe engendré par la rotation ϱ d'angle 2π/n considérée plus haut.
Il est clair que G opère de façon naturelle sur l’ensemble des n sommets de P. Cette opération est transitive, car l'opération de <ϱ> est déjà transitive, comme le montre la relation notée plus haut : ak = ϱk(a0), vraie pour tout k.
Déterminons le stabilisateur du sommet a0. Soit f un élément de ce stabilisateur. Puisque f est une isométrie du plan, f fixe le centre c de P. (Si n = 2, noter qu'une isométrie conserve le milieu. Si n ≥ 3, noter que c est le seul point du plan équidistant des sommets.) Donc f a au moins deux points fixes, à savoir c et a0. Une isométrie du plan qui admet au moins deux points fixes est l'identité ou la symétrie axiale autour de la droite joignant ces deux points[7], donc f est égale à l'identité ou à la symétrie axiale par rapport à la droite ca0. Il est clair que l'identité appartient bien au stabilisateur de a0.
Prouvons que la symétrie axiale par rapport à ca0, que nous désignerons par f, appartient elle aussi à ce stabilisateur. Comme f fixe a0, il suffit de prouver qu'elle appartient à G, c'est-à-dire qu'elle transforme tout sommet de P en un sommet de P. Pour cela, prouvons que, pour tout nombre naturel k ≥ 0, f(ak) est un sommet de P. Nous avons f(ak) = f(ϱk(a0)). D'après le précédent lemme, f ϱk = ϱ-k f, donc notre résultat peut s'écrire f(ak) = ϱ-k(f(a0)). Puisque f fixe a0, ceci peut encore s'écrire f(ak) = ϱ-k(a0), donc f(ak) est bien un sommet de P, donc f appartient à G et appartient donc au stabilisateur de a0.
Ainsi, le stabilisateur de a0 comprend exactement deux éléments (l'identité et la symétrie par rapport à la droite ca0). Nous avons vu que l'action de G sur l’ensemble des sommets est transitive, autrement dit que l’ensemble des sommets tout entier est la seule orbite pour cette opération. Comme le cardinal d'une G-orbite est égal à l'indice dans G du stabilisateur d'un élément de cette orbite, le groupe G est donc d'ordre 2n. Nous avons vu qu’il comprend une rotation ϱ d'angle 2π/n autour de c telle que ϱ(aj) = aj+1 pour tout j. Nous avons vu aussi qu’il comprend la symétrie axiale f par rapport à la droite ca0 et que f ϱk f= ϱ-k pour tout nombre naturel k, en particulier pour k = 1. Enfin, puisqu'une symétrie axiale n’est pas une rotation, f n'appartient pas à < ϱ >. Il résulte donc d'un théorème ci-dessus que G est un groupe diédral d'ordre 2n.
Remarque. On peut montrer que si n est impair, les symétries axiales qui transforment en lui-même l’ensemble des sommets de P ont pour axes les n droites cs, où c est le centre de P et où s parcourt les sommets de P. Si n est pair, les symétries axiales qui transforment en lui-même l’ensemble des sommets de P ont pour axes tout d’abord les n/2 droites cs, où s parcourt les sommets de P (deux sommets opposés fournissant la même droite) et ensuite les n/2 droites cm, où m parcourt les milieux des côtés (deux côtés opposés fournissant la même droite).
Le groupe diédral d'ordre 2n comme groupe de permutations d'un ensemble à n éléments
modifierSoit n un nombre naturel ≥ 3. Considérons un polygone régulier P à n côtés. D'après la section précédente, les isométries du plan qui transforment en lui-même l’ensemble des sommets de P forment un groupe diédral d'ordre 2n, que nous désignerons par D2n. À toute isométrie appartenant à D2n, faisons correspondre sa birestriction à l’ensemble des sommets de P. Puisqu'une isométrie du plan est entièrement déterminée par ses valeurs en trois points non alignés, nous définissons ainsi un isomorphisme de D2n sur un groupe de permutations de l’ensemble des sommets de P (c'est-à-dire sur un sous-groupe du groupe des permutations de l’ensemble des sommets de P). Convenons de désigner ici par E2n ce groupe de permutations de l’ensemble des sommets de P. Si nous numérotons les sommets de 0 à n-1 « en tournant » dans le sens horlogique ou antihorlogique, nous définissons une bijection f de l’ensemble des sommets sur Z/nZ. D'après ce que nous avons vu au chapitre Groupes symétriques finis,
définit un isomorphisme du groupe E2n sur un groupe de permutations de Z/nZ. En composant les deux isomorphismes que nous avons construits, nous obtenons un isomorphisme σ de D2n sur un groupe de permutations de Z/nZ. Le lecteur courageux vérifiera que les images par σ des rotations appartenant à D2n sont les n translations de Z/nZ, c'est-à-dire les permutations de Z/nZ de la forme ta : x ↦ x + a, et que les images par σ des symétries axiales appartenant à D2n sont les permutations de Z/nZ de la forme sa : x ↦ a - x. Il en résulte que les ta et les sa forment un groupe de permutations de Z/nZ qui est un groupe diédral d'ordre 2n. Nous allons en donner une démonstration simple qui ne repose pas sur la version géométrique des groupes diédraux.
Soit n un nombre naturel ≥ 3. Les permutations de Z/nZ de la forme ta : x ↦ x + a (translations) et les permutations de Z/nZ de la forme sa : x ↦ a - x constituent un groupe de permutations de Z/nZ (c'est-à-dire un sous-groupe du groupe des permutations de Z/nZ) qui est un groupe diédral d'ordre 2n.
L'ensembles des ta : x ↦ x + a et l’ensemble des sa : x ↦ a - x sont disjoints. En effet, s'il existait des éléments a et b de Z/nZ tels que ta = sb, alors on aurait, pour tout élément x de Z/nZ, x + a = b - x, autrement dit 2x = b - a, d'où 2 × 1 = 2 × 0, ce qui est impossible vu notre hypothèse n ≥ 3. Donc la réunion de ces deux ensembles de permutations est de cardinal 2n.
On vérifie facilement que la composée de deux permutations appartenant à cette réunion appartient elle aussi à cette réunion :
- .
De plus, l'inverse de ta est t-a et sa est sa propre inverse.
Les ta et les sa constituent donc bien un groupe de permutations de Z/nZ. Montrons que ce groupe est engendré par deux éléments d'ordre 2, par exemple s0 et s1. Nous avons
et il est clair que t1 engendre toutes les translations, donc s0 et s1 engendrent toutes les translations; en outre,
donc s0 et s1 engendrent toutes les sa.
Puisque le groupe formé par les ta et les sa est d'ordre 2n et est engendré par deux éléments d'ordre 2, il résulte d'un théorème de la première section que ce groupe est un groupe diédral d'ordre 2n.
Soit n un nombre naturel ≥ 3. Le groupe symétrique Sn contient un sous-groupe diédral d'ordre 2n.
Groupes diédraux généralisés
modifierSoit A un groupe abélien (fini ou infini), qu'on notera multiplicativement. Du fait que A est abélien, il résulte que la permutation de A est un automorphisme. Cet automorphisme a pour carré (dans le groupe Aut(A) ) l'automorphisme identique, donc il existe un et un seul homomorphisme du groupe dans le groupe Aut(A) qui applique l'unique élément d'ordre 2 de sur l'automorphisme de A.
Soit A un groupe abélien (fini ou infini), noté multiplicativement. Nous définirons le groupe diédral généralisé construit sur A comme le produit semi-direct de A par correspondant à l'unique homomorphisme de dans Aut(A) qui applique l'élément d'ordre 2 de sur l'automorphisme de A.
Le groupe diédral généralisé construit sur A se note Dih(A) (de l'anglais dihedral).
Si le carré de tout élément de A est égal à 1, ce qui, d'après le chapitre Groupes commutatifs finis, 1, revient à dire que A est un 2-groupe abélien élémentaire (autrement dit encore, une somme directe de groupes d'ordre 2), l'automorphisme de A est l'automorphisme identique, donc, dans ce cas, le groupe Dih(A) n'est autre que le produit direct de A par Certains auteurs[8] ne définissent Dih(A) que si A n'est pas un 2-groupe abélien élémentaire, mais nous ne les suivrons pas.
Si le groupe A est cyclique d'ordre n, Dih(A) est isomorphe (ou identique, selon les définitions) au groupe diédral d'ordre 2n.
On verra dans les exercices que certaines des propriétés des groupes diédraux démontrées plus haut s'étendent immédiatement aux groupes diédraux généralisés.
Notes et références
modifier- ↑ Par exemple J. Calais, Éléments de théorie des groupes, Paris, 1984, p. 121.
- ↑ Par exemple J. J. Rotman , An Introduction to the Theory of Groups, 4e éd., tirage de 1999, p. 68.
- ↑ N. Bourbaki, Algèbre, ch. I, § 6, exerc. 4, Paris, 1970, pp. 134-135.
- ↑ Voir J.J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, 4e édition, tirage de 1999, p. 346.
- ↑ G. Choquet, L'enseignement de la géométrie, Paris, 1971, p. 75.
- ↑ G. Choquet, L'enseignement de la géométrie, Paris, 1971, prop. 46.6, p. 77.
- ↑ G. Choquet, L'enseignement de la géométrie, Paris, 1971, prop. 45.3, p. 74.
- ↑ Par exemple W. R. Scott, Group Theory, réimpr. Dover, 1987, p. 215.