Fonctions convexes/Applications de l'inégalité de Jensen
L’inégalité de Jensen est une généralisation de l’inégalité de convexité à plusieurs nombres. Elle permet de démontrer des inégalités portant sur des expressions faisant intervenir plusieurs nombres, comme la comparaison entre la moyenne arithmétique et la moyenne géométrique de plusieurs nombres. La plupart de ces inégalités seraient délicates à démontrer autrement.
Préliminaire
modifierRappelons le théorème démontré au premier chapitre et connu sous le nom d’inégalité de Jensen.
Soit f une fonction convexe définie sur un intervalle I de ℝ. Alors, pour tout (x1, x2, … , xn) ∈ In et pour toute famille (λ1, λ2, … , λn) ∈ (ℝ+)n telle que λ1 + λ2 + … + λn = 1, on a :
.
Nous avons aussi le corollaire immédiat suivant :
Soit f une fonction convexe définie sur un intervalle I de ℝ. Alors, pour tout (x1, x2, … , xn) ∈ In, on a :
.
Il suffit de poser λ1 = λ2 = … = λn = 1/n dans le théorème de Jensen.
Nous allons voir plusieurs applications de l’inégalité de Jensen.
Application 1 : Comparaison entre moyenne géométrique et moyenne arithmétique
modifierSoient , réels strictement positifs.
On a :
Autrement dit la moyenne géométrique est toujours inférieure à la moyenne arithmétique.
Application 2 : Comparaison entre moyenne arithmétique et moyenne quadratique
modifierConsidérons la fonction définie par :
On a alors :
.
Par conséquent, est convexe.
En appliquant le corollaire, on obtient :
et en élevant les deux membres à la puissance 1/p, on obtient :
.
Si l’on pose dans la formule précédente, on obtient
.
Le second membre représente la moyenne quadratique des . Par conséquent, compte tenu de l’application 1, on peut dire que la moyenne arithmétique est toujours comprise entre la moyenne géométrique et la moyenne quadratique. C’est-à-dire que :
.
Application 3 : démonstration de l'inégalité de Hölder
modifierL'inégalité de Young ci-dessous — donc aussi de celle de Hölder, qui s'en déduit — n'est pas une application de celle de Jensen mais une application directe de l'inégalité de convexité (début du chap.1).
En appliquant l’inégalité de convexité à , , et , on obtient :
qui équivaut à la formule annoncée.
Sans perte de généralité, on peut supposer que les deux facteurs de droite sont non nuls et finis et même (par homogénéité) égaux à .
En appliquant l'inégalité de YoungApplication 4 : forme intégrale de l'inégalité de Jensen
modifierSoient
- un espace mesuré tel que ,
- une fonction -intégrable à valeurs dans un intervalle réel et
- une fonction convexe de dans .
Alors,
l'intégrale de droite pouvant être égale à .
La forme discrète de l’inégalité de Jensen (voir supra) correspond au cas particulier où ne prend qu'un ensemble fini ou dénombrable de valeurs. Inversement, la forme intégrale peut se déduire de la forme discrète par des arguments de densité (à comparer avec l'exercice 1.4). Mais on peut aussi en donner une preuve directe :
Notons l'intégrale de . Alors, .
Si est une extrémité de , la fonction est constante presque partout et le résultat est immédiat.
Supposons donc que est intérieur à . Dans ce cas (propriété 10 du chap.1) il existe une minorante affine de qui coïncide avec au point :
Composer cette minoration par , qui est intégrable et à valeurs dans , permet non seulement de montrer que l'intégrale de est bien définie dans (celle de sa partie négative étant finie), mais aussi d'établir l'inégalité désirée par simple intégration :
On déduit entre autres de ce théorème une forme intégrale de l'inégalité de Hölder qui, de même, généralise l'inégalité de Hölder discrète ci-dessus : cf. Exercice 1-5.