Fonctions d'une variable réelle/Exercices/Théorème de Darboux
Cette série d'exercices propose essentiellement deux démonstrations du théorème suivant :
Soit une fonction dérivable.
Alors sa dérivée vérifie la propriété des valeurs intermédiaires :
La première est due à Darboux, dans son mémoire de 1875 et la seconde à Lebesgue, dans son mémoire de 1904. L'argument principal de la seconde (dont on verra des variantes) permettra en outre de formuler « une réciproque » du théorème des accroissements finis.
- Remarque
- Il existe des fonctions dérivables dont la dérivée n'est pas continue. D'après le théorème de Darboux, leurs dérivées sont des fonctions non continues qui vérifient pourtant la propriété des valeurs intermédiaires. Darboux donne l'exemple (prolongée par ), dont la dérivée n'est pas continue en , et à l'aide de laquelle il construit même des fonctions dérivables dont la dérivée n'est continue en aucun rationnel.
Notations
modifierOn suppose dérivable et, sans perte de généralité, . Il s'agit de montrer que est un nombre dérivé de .
On note et . L'ensemble des taux de variation de est donc .
Les démonstrations feront aussi intervenir la fonction auxiliaire (dérivable) .
Démonstration de Darboux
modifier- Démontrer qu'il existe tels que .
- Montrer que pour de tels et on a et .
- En déduire que a un minimum en un point .
- Conclure.
- Résulte de l'hypothèse et de la définition de et comme limites de taux de variation.
- Immédiat.
- D'après le théorème des bornes, admet un minimum en un point . D'après la question précédente, .
- D'après le théorème de Fermat sur les extrema locaux, , c'est-à-dire .
Démonstration de Lebesgue
modifier- Démontrer que , de trois façons :
- (Adaptation de la démonstration de Lebesgue.) En montrant d'abord que est un intervalle, puis en utilisant la question 1 de la démonstration de Darboux.
- (Démonstration de Lars Olsen (2004).) En considérant
- En remarquant d'abord que n'est pas monotone, d'après la question 2 de la démonstration de Darboux.
- Conclure.
-
- Soit un réel compris entre deux taux de variations et . Alors, est lui-même un taux de variation car d'après le théorème des valeurs intermédiaires, la valeur est atteinte par la fonction , où et . On a donc montré que est un intervalle.
Remarque : on a utilisé la connexité par arcs de , qui est même convexe. La connexité de aurait suffi (l'image continue d'un connexe est connexe et les parties connexes de sont les intervalles). - D'après la question 1 de la démonstration de Darboux, est compris entre deux valeurs de cet intervalle, donc il appartient à l'intervalle.
Remarque : en notant les extrémités (éventuellement infinies) de l'intervalle , cet argument peut se reformuler en : donc .
- Soit un réel compris entre deux taux de variations et . Alors, est lui-même un taux de variation car d'après le théorème des valeurs intermédiaires, la valeur est atteinte par la fonction , où et . On a donc montré que est un intervalle.
- La fonction est continue et . D'après le théorème des valeurs intermédiaires, elle atteint donc la valeur . Remarque : cette méthode optimise la précédente en profitant d'une propriété plus forte de , due à sa convexité : on peut relier, par un chemin dans , non seulement deux points quelconques de , mais même deux points de son adhérence (« chemin dans » signifiant ici : chemin continu dont tous les points, sauf éventuellement les extrémités, sont dans ). Mais il est important d'avoir choisi un chemin vertical ou horizontal au voisinage des extrémités, car on n'a pas nécessairement (ni l'analogue en ).
- D'après la question 2 de la démonstration de Darboux, n'est pas monotone. Elle n'est donc pas injective (car toute injection continue de dans est monotone), c'est-à-dire qu'il existe et distincts tels que , ce qui signifie exactement que .
- D'après le théorème des accroissements finis, tout taux de variation de est un nombre dérivé de .
Une réciproque du théorème des accroissements finis
modifierInspiré de Cristinel Mortici, « A converse of the mean value theorem made easy », International Journal of Mathematical Education, vol. 42, no 1, 2011, p. 89-91, lui-même inspiré de Jingcheng Tong et Peter A. Braza, « A converse of the mean value theorem », Amer. Math. Monthly, vol. 104, no 10, 1997, p. 939-942.
Soient une fonction dérivable sur un intervalle , et une valeur non extrémale de , alors :
- il existe deux réels tels que et ;
- si la valeur (non extrémale) n'est atteinte par qu'en un point , alors .
- Trouver une fonction dérivable et injective telle que , et en déduire que la condition « non extrémale » est indispensable.
- Déduire le point 1 du théorème du point 1 de la démonstration de Lebesgue.
- Démontrer le point 2.
- En déduire que si n'est pas un extremum local et si, au voisinage du point , cette valeur n'est atteinte qu'en , il existe encore vérifiant les propriétés 1 et 2.
- convient, et n'est alors pas un taux de variation de .
- Puisque n'est pas une valeur extrémale, elle est strictement comprise entre deux valeurs et . On peut alors appliquer le point 1 de la démonstration de Lebesgue à la restriction de à l'intervalle fermé d'extrémités .
- Soient, d'après la question précédente, deux réels tels que et . D'après le théorème des accroissements finis, il existe alors tel que . Si est l'unique point tel que , on en déduit que , ce qui prouve que .
- Immédiat, par restriction.
- Remarque
- Tong et Braza ont baptisé le point 1 du théorème « forme faible » (d'une réciproque du TAF) et ont appelé « forme forte » le résultat de la question 4. Ils supposaient inutilement que les bornes de sont finies et distinctes de et que admet une limite finie en ces deux points (probablement pour que la formulation de leur théorème ressemble plus à une réciproque du TAF). Mortici a fait de même.
Voir aussi
modifierDenis Feldmann, « Une preuve particulièrement simple du théorème de Darboux »,