Introduction à la théorie des nombres/Séries et produits infinis formels
Problème général de la théorie additive des nombres : on se donne un ensemble d'entiers >0 et l'on cherche, pour tout entier naturel , le nombre de parties de (ou de multiensembles) (éventuellement de cardinal prescrit) dont est la somme — ou seulement, si c'est trop difficile : quels sont les pour lesquels une telle partie existe. Exemples : les nombres premiers, les carrés parfaits, les cubes parfaits, etc. (cf. conjecture de Goldbach, formules de Jacobi, problème de Waring…).
Partitions d'un entier
modifierOn considère ici le cas le plus simple : , et l'on compte les multiensembles d'entiers plutôt que les ensembles, c'est-à-dire que dans la somme égale à , un même entier peut apparaître plusieurs fois. Ceci donne naissance à ce qu'on appelle les partitions non restreintes d'un entier :
Une partition d'un entier est une suite décroissante d'entiers strictement positifs de somme . On note le nombre de partitions de .
- Remarque
- Une telle suite est nécessairement finie. En la complétant par une suite infinie de zéros, on peut l'identifier à une suite infinie décroissante d'entiers positifs ou nuls de somme .
- car les partitions de 4 sont (par ordre lexicographique décroissant) :
- .
- Pour , .
- car il n'y a qu'une partition de 0 : la suite finie vide (de longueur 0), qui s'identifie à la suite infinie nulle.
On peut représenter une partition de par un diagramme de Ferrers[1] : cases disposées régulièrement sur colonnes, avec cases sur la première colonne, cases sur la deuxième, etc. (on peut aussi convenir de les disposer sur lignes, avec cases sur la première ligne, cases sur la deuxième, etc.).
En inversant lignes et colonnes (c'est-à-dire en prenant le symétrique du diagramme par rapport à la diagonale principale), on obtient une représentation de la partition conjuguée (ou « duale »). Par exemple, les deux partitions représentées ci-contre sont duales l'une de l'autre. Les deux remarques suivantes sont des applications immédiates :
Série génératrice
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La série génératrice de la suite est égale au produit infini suivant de séries (formelles) géométriques :
- .
Dans le produit , le coefficient du terme de degré est le nombre de suites d'entiers naturels telles que . Une telle suite correspond à la partition de dans laquelle chaque entier apparaît (consécutivement) fois.
Estimation asymptotique
modifierPar des méthodes élaborées d'analyse complexe, Godfrey Harold Hardy et Srinivasa Ramanujan ont calculé, en 1918, un développement asymptotique de la suite , dont le premier terme est l'équivalent suivant :
(Rappelons que .)
En 1937, en affinant leur méthode, Hans Rademacher a donné une expression exacte de sous la forme d'une série convergente.
Nous nous contenterons ici de démontrer une majoration élémentaire (qui sera un peu affinée en exercice) :
(Apostol, p. 316-318.)
Jusqu'à présent, nos produits infinis étaient formels comme nos séries, et avaient un sens parce que dans nos cas particuliers, le coefficient de dans le produit ne dépendait que d'un nombre fini de (coefficients des) facteurs. On considère à présent des produits infinis au sens de l'analyse. On dit qu'un produit infini de nombres complexes converge si la suite des produits finis converge vers un complexe non nul. Dans ce cas, donc est (à partir d'un certain rang) déterminé de façon univoque et pas seulement modulo (par la série entière du logarithme au voisinage de 1), converge, et son exponentielle est .
Considérons, pour , , et fixons (car pour , le résultat est immédiat).
donc .
Nous allons majorer strictement la fonction par une fonction dont l'inf sera plus facile à calculer, et l'exprimer plus commodément en fonction de , qui parcourt quand parcourt .
On a d'une part :
et d'autre part :
- .
Par conséquent, . L'inf est atteint quand les deux termes sont égaux, c'est-à-dire , et vaut donc .
Faites ces exercices : Exercice 3-8. |
Théorème des nombres pentagonaux
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Un nombre pentagonal est un entier de la forme avec (pour l'explication de ce nom, voir Introduction aux suites numériques/Exercices/Suites arithmétiques#Nombres polygonaux).
Le théorème suivant explicite la fonction d'Euler, inverse de la série génératrice de . Nous en verrons en exercice deux démonstrations : l'une — à l'aide des diagrammes de Ferrers — via sa formulation combinatoire, l'autre — à l'aide du théorème du triple produit de Jacobi (voir infra) — via sa formulation algébrique.
- Le nombre de partitions de en un nombre pair de parties distinctes moins le nombre de partitions de en un nombre impair de parties distinctes est nul, sauf si , auquel cas cette différence vaut .
Faites ces exercices : Exercices 3-4 et 3-5. |
Ou, ce qui est équivalent :
- .
D'une part, le coefficient de dans est égal à , qui est le nombre de partitions de en un nombre pair de parties distinctes moins le nombre de partitions de en un nombre impair de parties distinctes.
D'autre part, puisque ,
- .
Grâce à ce théorème, on obtient une méthode de calcul de bien plus efficace que de calculer récursivement les nombres de partitions de en parties puis d'en déduire :
où et pour les autres valeurs de ; en identifiant le coefficient de pour , on obtient : .
Triple produit de Jacobi et identités d'Euler
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- .
(au sens formel, mais avec convergence si et sont deux nombres complexes tels que et ).
Avant de le démontrer, introduisons les notations plus compactes de Pochhammer[2].
- ,
dont des cas particuliers sont les deux identités d'Euler :
- .
(Voir aussi H&W, preuve des théorèmes 346 et 349.)
Si l'on développait le produit infini
- ,
on obtiendrait une série formelle en , s'écrivant donc
avec série formelle en et , à calculer pour la comparer à .
Pour éviter ce lourd calcul, on remarque que :
- donc vérifie l'équation fonctionnelle
- .
- Par conséquent,
- c'est-à-dire, en identifiant, pour tout , le coefficient de :
- donc
- .
Par récurrence, on en déduit , ce qui achève la preuve du théorème -binomial.
En remplaçant, dans ce théorème, par , on obtient .
D'autre part, en remplaçant par et par , on obtient :
- ,
dont on déduit, en remplaçant ensuite par :
- ,
qui n'est autre que .
(Celle-ci est due à George Andrews[3], mais reformulée plus commodément avec les -symboles.) Il s'agit de prouver que
- .
On utilise pour cela les deux identités d'Euler :
Notes
modifier- ↑ Norman Macleod Ferrers, 1829-1903, mathématicien britannique.
- ↑ Leo August Pochhammer, 1841-1920, mathématicien prussien.
- ↑ George E. Andrews, « A simple proof of Jacobi's triple product identity », Proc. Amer. Math. Soc., vol. 16, 1965 [texte intégral]. Voir aussi H&W, th. 352.