En raison de limitations techniques, la typographie souhaitable du titre, « Introduction à la théorie des nombres : Approximation diophantienne et fractions continues Introduction à la théorie des nombres/Approximation diophantienne et fractions continues », n'a pu être restituée correctement ci-dessus.
On cherche à approcher par des rationnels « raisonnables » (de dénominateur et numérateur « pas trop grands »). Comme est dense dans , plus on s'autorise grand, plus on peut se rapprocher du réel . La taille nécessaire pour en fonction de l'erreur tolérée dépend de , mais pour tous les réels on a déjà :
La suite des réduites associées à une suite est définie récursivement par :
.
La preuve de la propriété suivante est laissée en exercice.
Propriété
.
Remarques
En particulier, , ce qui fournit une définition récursive équivalente à la précédente.
On n'a pas imposé pour l'instant que les soient des entiers, ni pris la précaution de supposer non nulles les quantités qu'on inverse. Cette définition est donc à prendre au sens formel, c'est-à-dire en considérant les comme des indéterminées et en se plaçant dans leur corps de fractions rationnelles. Par exemple :
.
Les deux fractions continues (finies) d'un rationnel
Pour tout rationnel , l'algorithme d'Euclide fournit un développement de en fraction continue finie « simple », c'est-à-dire avec et pour .
Détail de l'algorithme
Si , on pose puis, tant que n'est pas nul, on définit les entiers et par
et .
Autrement dit :
et est une suite strictement décroissante d'entiers positifs.
L'algorithme d'Euclide finit par s'arrêter. Si et alors donc
.
Le développement obtenu ainsi a la particularité que les pour sont même strictement supérieurs à . On en déduit un second développement de en fraction continue simple, qui n'a plus cette particularité : .
Dans l'algorithme d'Euclide ci-dessus, si l'on note (en particulier ), était la partie entière de et sa partie fractionnaire. Pour tout irrationnel , le même algorithme donne une fraction continue simple infinie :
.
Ainsi, et l'algorithme ne s'arrête évidemment jamais. L'irrationnel ( si ) et sa partie entière sont appelés le quotient complet et le quotient partiel de d'indice .
On a déjà observé que les réduites associées à une suite s'expriment rationnellement en fonction des . On peut systématiser l'exemple qui l'illustrait :
Définition
Les suites et des numérateurs et dénominateurs des réduites associées à une suite sont définies par :
Comme dans la définition des réduites (voir supra), ces formules sont à prendre au sens formel, les étant des indéterminées et les des polynômes en ces indéterminées. On peut donc y remplacer à volonté les indéterminées par des entiers ou même des réels, tant que cela ne remplace pas les dénominateurs par .
En particulier, pour une fraction continue simple infinie :
pour tout : et ;
;
la suite d'entiers est strictement croissante[2] donc tend vers l'infini.
Bijection entre irrationnels et fractions continues infinies
Les résultats de cette section sont centraux dans la théorie des fractions continues : ils établissent une bijection entre l'ensemble des fractions continues infinies simples et l'ensemble des irrationnels[3], et montrent au passage que les réduites d'un irrationnel en constituent une « bonne approximation », en un sens qui sera précisé dans la section suivante.
Proposition : convergence d'une fraction continue infinie vers un irrationnel
La suite des réduites d'une fraction continue infinie simple converge.
La majoration résulte du point précédent, et la minoration de
.
ne peut pas être égal à un rationnel , car l'encadrement de l'erreur donnerait alors , or et .
Corollaire
Soit la limite des réduites d'une fraction continue simple infinie.
Pour tout , l'irrationnel vérifie :
Démonstration
Pour tout , en remplaçant par dans les formules génériques sur les numérateurs et dénominateurs des réduites (voir supra), on obtient :
;
.
On conclut en passant aux limites quand .
Début d’un théorème
Théorème : bijection entre irrationnels et fractions continues infinies
L'application est une bijection de l'ensemble des fractions continues infinies simples dans l'ensemble des irrationnels ; la bijection réciproque est l'application qui associe à chaque irrationnel sa fraction continue.
Fin du théorème
Démonstration
Notons l'application et l'application qui à tout irrationnel associe sa fraction continue.
est l'identité : soient et . Par définition de , on a avec , donc est constamment compris entre deux termes consécutifs de la suite des réduites, qui converge vers . Par conséquent, .
Une meilleure approximation d'un irrationnel est un couple vérifiant :
pour tout couple d'entiers tel que et .
Remarque
La fraction approche alors mieux , au sens ordinaire (plus faible que celui de la définition), que toute autre fraction de dénominateur plus petit, car
si et alors .
Début d’un théorème
Théorème
Les meilleures approximations d'un irrationnel sont ses réduites[4].
Fin du théorème
Démonstration
Soient les réduites d'un irrationnel . Excluons le cas litigieux signalé en note, donc considérons une fraction telle que et montrons que si alors . Cela prouvera que est une meilleure approximation de si et seulement si .
Les deux entiers
vérifient :
.
D'après la seconde équation, et .
Si alors , avec nécessairement , donc .
Si alors et sont non nuls et de même signe. Comme leur somme vaut , on a bien .
↑La mesure d'irrationalité d'un irrationnel algébrique est en fait exactement égale à 2 : c'est le théorème de Thue-Siegel-Roth (Axel Thue (1909), Carl Ludwig Siegel (1921), Freeman Dyson (1947), et enfin Klaus Roth (1955), médaille Fields en 1958), plus précis que celui de Liouville. Par ailleurs, d'après un théorème de Khinchine de 1924, la mesure d'irrationalité de presque tout réel est égale à 2.
↑La croissance stricte n'est garantie qu'à partir de , car si .
↑Ceci fournit une preuve explicite du fait que l'ensemble des irrationnels a la puissance du continu. C'est d'ailleurs cette méthode qui permit à Cantor, en 1878, de démontrer directement que est équipotent à , au lieu d'utiliser que et que (via une bijection canonique) .
↑Avec une licence pour le numérateur de la première réduite , puisque l'entier qui minimise peut être .
↑À ne pas confondre avec la notion de conjugué d'un nombre complexe.