Théorie des groupes/Exercices/Groupes, premières notions
Problème 1 (très facile)
modifierMontrer que et ne sont pas des groupes.
Si était un groupe alors, en notant son élément neutre et le symétrique de , on trouverait : donc , ce qui est absurde.
Même raisonnement pour .
Problème 2 (très facile)
modifierOn définit une loi sur :
- forme t-il un groupe ?
Cette loi n’est pas associative, car par exemple a - (0 - b) est égal à a + b et (a - 0) - b est égal à a - b, et parce que a + b et a - b sont distincts si b n’est pas nul.
Problème 3
modifier(Ce problème suppose la connaissance des propriétés de corps ordonné de l’ensemble des nombres réels.)
Soit S l'intervalle réel . On définit une loi sur :
- Montrer que est un groupe
Prouvons d’abord que cette loi est correctement définie, c'est-à-dire que si x et y appartiennent à S, alors 1 + xy n’est pas nul. Dans le cas contraire, nous aurions xy = –1, d'où donc un au moins des nombres et serait ≥ 1, ce qui est impossible, puisque x et y appartiennent tous deux à S et que S est l’ensemble des nombres réels dont la valeur absolue est < 1. La contradiction obtenue prouve que la loi est correctement définie.
Prouvons maintenant que cette loi est bien une loi de composition interne. L'ensemble S étant l’ensemble des nombres réels x tels que , il s'agit de prouver que si x, y sont deux nombres réels tels que et , alors ce qui équivaut à ou encore à Puisque les deux membres de cette inéglité sont positifs, elle équivaut à l'inégalité obtenue en élevant les deux membres au carré, donc notre thèse (1) revient à
- x2 + 2xy + y2 < 1 + 2 xy + x2y2,
ce qui équivaut à
- y2(1 – x2) < 1 – x2.
Cette dernière relation est vraie, car l'inégalité stricte y2 < 1 (qui provient de ce que y appartient à S) peut être multipliée par le nombre strictement positif 1 – x2 (ce nombre est strictement positif parce que x appartient à S). Nous avons donc prouvé que la loi est une loi de composition interne.
Elle est associative, car le calcul montre que si x, y et z sont trois éléments de S, et sont tous deux égaux à Il est clair que 0 est neutre pour la loi et que tout élément x de S admet -x pour symétrique selon cette loi, qui est donc bien une loi de groupe (évidemment commutatif).
L'application tangente hyperbolique est une bijection de dans et vérifie : .
Problème 4 (Sous-groupe réunion de deux sous-groupes ?)
modifierOn a vu dans la théorie que la réunion de deux sous-groupes d'un groupe G n’est pas forcément un sous-groupe de G.
- Prouver que si G est un groupe, si H et K sont deux sous-groupes de G, alors est un sous-groupe de G (si et) seulement si ou . (H. Kurzweil et B. Stellmacher, The Theory of Finite Groups, New York, 2004, 1.1, exerc. 4, p. 9.)
- Prouver que si G est un groupe et une suite de sous-groupes de G croissante pour l'inclusion, ou plus généralement une famille non vide de sous-groupes de G sur laquelle l'inclusion est un ordre filtrant à droite, alors la réunion est un sous-groupe de G.
- Soient H et K deux sous-groupes de G tels que H ∪ K soit un sous-groupe de G. Nous devons prouver qu'un des deux sous-groupes H, K est contenu dans l'autre. Supposons que H ne soit pas contenu dans K et prouvons que K est contenu dans H. Soit k un élément de K. Il s'agit de prouver que k appartient à H.
Puisque H n’est pas contenu dans K, il existe h ∈ H tel que h ∉ K. Puisque H ∪ K est un sous-groupe de G, nous avons
.
D'autre part, puisque h ∉ K et k ∈ K, nous avons hk ∉ K, donc, d’après (1), hk ∈ H, d'où k ∈ H. Comme nous l'avons vu, ceci prouve l'énoncé. - H est non vide car il contient le neutre de G. Soient , montrons que . Il existe tels que et . Soit tel que on a alors donc .
Problème 5 (Quand tous les carrés sont égaux à 1.)
modifierSoit G un groupe, noté multiplicativement, tel que, pour tout élément x de G, x2 = 1. Prouver que G est commutatif.
Soient x et y des éléments de G. Il s'agit de prouver que x y = y x. Par hypothèse, (x y)2 = 1, autrement dit x y x y = 1. En multipliant à gauche par x et à droite par y, nous trouvons x2y x y2 = x y. Par hypothèse, x2 et y2 peuvent être remplacés par 1, d'où y x = x y.
Remarque. L'énoncé devient faux si on y remplace 2 par un nombre premier p distinct de 2. Le contre-exemple qui suit suppose connues quelques notions d'algèbre linéaire, ainsi que la structure d'anneau de
Soit
une matrice 3 × 3 unitriangulaire supérieure à coefficients dans un anneau quelconque. On prouve par récurrence sur n que, pour tout nombre naturel n,
Si p est un nombre premier distinct de 2, p(p-1)/2 est divisible par p. Il en résulte que pour toute matrice M unitriangulaire supérieure 3 × 3 à coefficients dans le corps Z/pZ, Mp est la matrice unité. Donc dans le groupe multiplicatif des matrices unitriangulaires supérieures 3 × 3 à coefficients dans le corps Z/pZ, la p-ième puissance de tout élément est égale à 1. Pourtant, ce groupe n’est pas commutatif, car, par exemple, les matrices
et
ne commutent pas.
Problème 6 (Passage à l'inverse et homomorphisme)
modifierSoit G un groupe. On note f l'involution x ↦ x–1 de G.
a) Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes :
- G est abélien
- f est un endomorphisme (et donc un automorphisme)
- pour .
1 ⇔ 2 : f est un endomorphisme de G si et seulement si (xy)–1 = x–1y–1 pour tous éléments x, y de G. Cette condition s'écrit encore y–1x–1 = x–1y–1 pour tous éléments x, y de G. Comme les inverses d'éléments de G sont exactement les éléments de G, cette condition revient à ce que G soit commutatif.
3 ⇔ 1 car x(yx)y = x(xy)y ⇔ yx=xy.
1 ⇒ 4 par récurrence.
4 ⇒ 5 est immédiat.
5 ⇒ 1 car si pour alors donc et de même, si pour alors , or si commute à et à , il commute à .
b) Déduire du 1 ⇔ 2 du point a) une nouvelle preuve du fait que si x2 = 1 pour tout élément x de G, G est commutatif.
Si x2 = 1 pour tout élément x de G, tout élément de G est son propre inverse, donc f est la permutation identique et est donc un endomorphisme. D'après le 1 ⇔ 2 du point a), il en résulte que G est commutatif.
c) Démontrer que si |G| > 2, G admet un automorphisme non trivial (c'est-à-dire différent de idG).
- Si G est non abélien, il suffit de prendre l'automorphisme de conjugaison par un élément de G qui ne commute pas avec tous les autres.
- Si G est abélien, l'involution est un (auto-)morphisme d'après la question a), et est non trivial dès que G a au moins un élément x tel que x2 ≠ 1.
- Si tout élément x de G vérifie x2 = 1, G est isomorphe à un (ℤ/2ℤ)-espace vectoriel de dimension ≥ 2 et ses automorphismes de groupe sont ses automorphismes d'espace vectoriel. Pour en construire un non trivial, on peut par exemple choisir une base et prendre l'endomorphisme qui échange les deux premiers vecteurs de base et fixe tous les autres.
d) Soit h un endomorphisme de G dont 1 est le seul point fixe.
- On pose . Vérifier que est injective
- On suppose de plus que G est fini et que h est une involution. En déduire que h = f (donc d'après le 2 ⇒ 1 de (a), G est abélien).
- .
- est surjective, donc , d'où .
Problème 7. Monoïdes réguliers finis
modifiera) Appelons monoïde régulier un monoïde dont tout élément est régulier (simplifiable). Prouver que tout monoïde régulier fini est un groupe. (Indication : pour un élément x d'un monoïde régulier fini M, considérer l’application de M dans lui-même.)
Soient M un monoïde régulier fini et x un élément de M. Il s'agit de prouver que x est inversible. Par hypothèse, x est simplifiable, et en particulier simplifiable à gauche, donc l’application de M dans lui-même est injective. Une application injective d'un ensemble fini dans lui-même est surjective, donc est surjective. En particulier, il existe un élément y de M tel que , où 1 désigne l'élément neutre de M. Autrement dit, il existe y dans M tel que , donc x admet un inverse à droite.
En faisant le même raisonnement avec à la place de , on voit que la surjectivité de implique l'existence de dans tel que . Comme , on a d'où, puisque , et donc . On a ainsi montré que et , ce qui prouve que est inversible (d'inverse ).
Remarque. On pourrait abréger la démonstration en tenant compte du fait (prouvé dans un problème de la page Monoïde/Exercices/Lois de composition internes, monoïdes) que si, dans un monoïde, tout élément admet un symétrique à gauche, alors tout élément de ce monoïde admet un symétrique (et, bien sûr, la même chose est vraie avec « à droite » au lieu de « à gauche »).
b) Soit S un sous-monoïde fini d'un groupe G. Prouver que S est un groupe.
Puisque le monoïde S est sous-monoïde d'un groupe et que tout groupe est un monoïde régulier, S est régulier. Puisque, de plus, S est fini par hypothèse, c’est un monoïde régulier fini, donc, d’après le point a), c’est un groupe.
c) Soit S une partie stable finie non vide d'un groupe G. Prouver que S est un groupe.
Soit . L'ensemble est inclus dans S donc fini. Il existe donc des entiers tels que , ce qui, en notant 1 le neutre de G, équivaut à pour donc prouve que . D'après la question précédente, S est donc un groupe, mais on peut le redémontrer directement : cf. question suivante.
d) Généraliser c) en remplaçant l'hypothèse « S est fini » par l'hypothèse « tout élément de S est d'ordre fini » (c'est-à-dire engendre un sous-groupe fini).
Soit et son ordre (l'ordre du sous-groupe qu'il engendre). Alors, .
Problème 8
modifierSoient A et B des sous-groupes d'un groupe G. Prouver qu'AB est un sous-groupe de G si et seulement si AB = BA.
Supposons d’abord que AB = BA. Alors (AB)(AB) = A(BA)B = A(AB)B = (AA)(BB) = AB; d’autre part, puisque A-1 = A et B-1 = B, nous avons (AB)-1 = B-1A-1= BA = AB. Ainsi, (AB)(AB) = AB et (AB)-1 = AB. Comme AB comprend évidemment 1, AB est donc un sous-groupe de G.
Réciproquement, supposons que AB soit un sous-groupe de G. Alors (AB)-1 = AB, c'est-à-dire B-1A-1 = AB, autrement dit BA = AB.
Référence : Josette Calais, Éléments de théorie des groupes, Paris, P.U.F., énoncé 1.47, p. 37.
Problème 9
modifierPar « ensemble dénombrable », on entendra ici un ensemble fini ou équipotent à l'ensemble des nombres naturels. Prouver que tout groupe admettant une partie génératrice dénombrable est dénombrable. (Indication : utiliser la « description constructive du sous-groupe engendré ». On rappelle que le lecteur est supposé connaître les propriétés les plus classiques des cardinaux infinis.)
Soit G un groupe, soit T une partie génératrice dénombrable de G; il s'agit de prouver que G est dénombrable.
D'après la « description constructive du sous-groupe engendré », tout élément de G peut s'écrire
avec pour tout i dans {1, ... , n} et pour tout i dans {1, ... , n}.
Donc, si pour tout nombre naturel n, nous désignons par l'ensemble des avec pour tout i dans {1, ... , n} et pour tout i dans {1, ... , n}, nous avons
Puisque la réunion d'une famille dénombrable d'ensembles dénombrables est dénombrable, il suffit donc de prouver que, pour tout n, est dénombrable.
Si désigne la n-ième puissance cartésienne de l'ensemble , l'application
est surjective. Or l'ensemble de départ de cette application f est dénombrable (car est dénombrable, donc sa n-ième puissance cartésienne est dénombrable), donc l'ensemble d'arrivée de f est dénombrable, ce qu'il fallait démontrer.
Problème 10 (Cardinal d'une partie génératrice infinie)
modifierSoient G un groupe et T une partie génératrice infinie de G. Prouver que . (Indication. Utiliser la « description constructive du sous-groupe engendré ». On rappelle que le lecteur est supposé connaître les propriétés les plus classiques des cardinaux infinis.)
Puisque T est une partie de G, nous avons ; tout revient donc à prouver que
- .
D'après la « description constructive du sous-groupe engendré », tout élément de G peut s'écrire
avec pour tout i dans {1, ... , n} et pour tout i dans {1, ... , n}.
Posons . On a donc une surjection de l'ensemble des suites finies d'éléments de S dans l'ensemble G, donc
or (puisque T est infinie)
- ,
si bien que
- .
Si pour tout nombre naturel n, nous désignons par l'ensemble des avec pour tout i dans {1, ... , n} et pour tout i dans {1, ... , n}, nous avons
- ,
d'où
- (1) .
Si désigne la n-ième puissance cartésienne de l'ensemble , l'application
est surjective, donc
- ,
d'où (puisque )
- .
Puisque le cardinal est infini, ceci entraîne
- pour tout n,
donc (1) donne
- .
Puisque est infini, le second membre est égal à , donc
- ,
ce qui, comme on l'a vu, achève la démonstration.
Remarque. L'énoncé de ce problème servira dans une démonstration de l'équipotence des bases d'un groupe libre.
Problème 11
modifiera) Soient G un groupe et deux familles de parties de G telles que pour tout indice i, .
Prouver que .
Notons et .
Pour tout indice j, nous avons
- .
Puisque H est un sous-groupe de G, il en résulte, par hypothèse sur et par minimalité de , que
- .
En prenant la réunion sur , on obtient
- .
Toujours parce que H est un sous-groupe de G, on en déduit, par minimalité de K :
- .
b) Soient G un groupe et une famille de sous-groupes de G. Soit une famille telle que, pour tout i dans I, Zi soit une partie génératrice de Hi (ce qui revient à dire que Hi est le sous-groupe ⟨Zi⟩ de G engendré par Zi).
Déduire du point a) que est une partie génératrice du sous-groupe de G engendré par les Hi.
(En particulier, si H et K sont des sous-groupes de G, si X est une partie génératrice de H et Y une partie génératrice de K, X∪Y est une partie génératrice de ⟨H, K⟩.)
Notons .
D'après le point a) appliqué à et , nous avons
- .
D'après le point a) appliqué à et , nous avons
- .
Cette double inclusion démontre l'égalité voulue.
Remarque. Il résulte du point b) que le sous-groupe engendré par une famille finie de sous-groupes de type fini d'un groupe G est lui-même un sous-groupe de type fini de G. Ce fait nous servira dans un chapitre ultérieur sur le théorème de Howson.
Problème 12. Les homomorphismes injectifs de groupes comme monomorphismes
modifierSoient G, H des groupes, soit un homomorphisme de G dans H. Prouver que les deux conditions suivantes sont équivalentes :
- (i) est injectif;
- (ii) pour tout groupe K et pour tous homomorphismes et de K dans G, l'égalité entraîne
Indication : pour prouver que (ii) entraîne (i), on peut prendre pour K un certain sous-groupe de G dont une propriété détermine si est injectif ou non.
Prouvons que (i) entraîne (ii). Pour cela, supposons que est injectif et que et sont des homomorphismes d'un groupe K dans G tels que ; il s'agit de prouver que Soit un élément de K; d'après l'hypothèse , nous avons , d'où, puisque nous supposons injectif, ; ceci étant vrai pour tout élément de K, nous avons donc , ce qui, comme noté, prouve que la condition (i) de l'énoncé entraîne la condition (ii).
Réciproquement, prouvons que la condition (ii) entraîne la condition (i). Supposons que la condition (ii) est satisfaite, c'est-à-dire que
- (hyp. 1) pour tout groupe K et tous homomorphismes et de K dans G, l'égalité entraîne ;
il s'agit de prouver que
- (thèse 2) est injectif.
Dans notre hypothèse (1), prenons pour K le groupe Ker(f), pour l'homomorphisme inclusion de K = Ker (f) dans G et pour l'homomorphisme trivial de K = Ker(f) dans G. Alors les homomorphismes et sont tous deux égaux à l'homomorphisme trivial de K = Ker(f) dans H, donc, d'après notre hypothèse (1), , ce qui revient à dire que pour tout élément de Ker(f), , ce qui revient encore à dire que Ker(f) est trivial. D'après le chapitre théorique, il en résulte que est injectif , ce qui prouve notre thèse (2) et achève donc la démonstration de l'énoncé.
Remarques. L'énoncé du problème revient à dire que, dans la catégorie des groupes, les monomorphismes sont exactement les homomorphismes injectifs de groupes. Si le groupe G de l'énoncé est abélien, le groupe K que nous avons utilisé dans la démonstration est lui aussi abélien (puisque c'est un sous-groupe de G), donc la démonstration qui précède s'étend immédiatement à la catégorie des groupes abéliens. Même chose pour la catégorie des groupes finis et pour la catégorie des groupes abéliens finis.
Lien externe
modifier« Groupes, sous-groupes, ordre (35 exercices corrigés) », sur exo7