En raison de limitations techniques, la typographie souhaitable du titre, « Théorie des groupes : Caractères irréductibles de quelques groupes Théorie des groupes/Caractères irréductibles de quelques groupes », n'a pu être restituée correctement ci-dessus.
Comme les -caractères irréductibles d'un groupe fini G ont été définis à partir des -représentations irréductibles de G, on pourrait croire que pour connaître explicitement les -caractères irréductibles de G, il « suffit » de connaître explicitement, à équivalence près, les -représentations irréductibles de G et de calculer leurs caractères. En réalité, il est souvent plus facile d'expliciter les -caractères irréductibles de G que de trouver un système complet de -représentations irréductibles deux à deux non équivalentes de G[1]. Cependant, même la détermination des caractères irréductibles ne se laisse pas décrire en quelques mots et des raisonnements adaptés à chaque cas sont souvent nécessaires[2].
On verra ici que certains théorèmes démontrés antérieurement (relations d'orthogonalité, théorèmes sur les degrés), joints au traitement relativement facile des caractères de degré 1, permettent, dans des cas simples, de déterminer tous les -caractères irréductibles d'un groupe fini donné.
En pratique, un groupe fini G étant donné, on procède à la détermination des -caractères irréductibles de G en construisant ce qu'on appelle la table des -caractères de G (mais qu'il serait plus exact d'appeler la table des -caractères irréductibles de G).
On choisit une numérotation des classes de conjugaison de G et une numérotation, habituellement , des -caractères irréductibles de G. (Le nombre h des classes de conjugaison est aussi le nombre de -caractères irréductibles, comme on l'a vu.)
On forme alors un tableau carré de h lignes et h colonnes, où le coefficient se trouvant dans la i-ième ligne et la j-ième colonne sera (une fois qu'on le connaîtra). Donc la i-ième ligne explicite le caractère . Nous dirons que ce tableau carré est la table des -caractères proprement dite de G (ce n'est pas une dénomination standard).
Habituellement, on prend pour la classe de conjugaison réduite à l'élément neutre du groupe et on prend pour le caractère trivial de degré 1 de G (dont toutes les valeurs sont égales à 1). Nous numéroterons les caractères de degré 1 avant les autres. On pourrait convenir qu'un caractère non réel (c'est-à-dire ne prenant pas partout des valeurs réelles) et son conjugué complexe seront affectés à des lignes consécutives, mais on verra dans les exemples que cela ne correspond généralement pas à la façon la plus naturelle de procéder.
À la table proprement dite, on peut ajouter trois lignes, que nous appellerons lignes de titre (dénomination non standard), formées comme suit : dans la première ligne de titre, on indique au-dessus de la j-ième colonne la classe de conjugaison ou un représentant de cette classe; dans la seconde ligne de titre, on ajoute au-dessus de la j-ième colonne le nombre d'éléments de la classe ; dans la troisième ligne de titre, toujours en j-ième position, on indique l'ordre du centralisateur de n'importe quel élément de . La seconde et la troisième ligne de titre facilitent l'usage des relations d'orthogonalité. À gauche de la i-ième ligne (i = 1, ... , h) de la table proprement dite, on écrit simplement « ». Quand nous parlerons d'une colonne de la table des caractères, il s'agira toujours d'une colonne de la table proprement dite. Quand nous parlerons d'une ligne de la table, sans préciser que c'est une ligne de titre, il s'agira d'une ligne de la table proprement dite.
On parle de « la » table des -caractères (irréductibles) de G, mais la table proprement dite dépend en fait de la numérotation et de la numérotation , donc elle n'est définie qu'à permutation près des lignes et des colonnes.
Soit Y un ensemble, soit Y' un ensemble contenant Y. Si f est une application d'un ensemble X dans Y, nous définirons ici l'extension de f à Y' comme l'application de X dans Y' qui a partout la même valeur que f. Si h est une application d'un ensemble X dans Y', si l'image de h est contenue dans Y, nous définirons ici la corestriction de h à Y comme l'application de X dans Y qui a partout la même valeur que h. Ces définitions ne sont pas standard.
Soit G un groupe fini. Il est clair que tout caractère de degré 1 de G est irréductible.
Notons l'ensemble des homomorphismes de G dans le groupe multiplicatif des nombres complexes non nuls.
Début d’un théorème
Énoncé 1
Soit G un groupe fini. Pour chaque homorphisme f de G dans , l'extension de f à est un caractère complexe de degré 1 de G. L'application de dans l'ensemble des caractères complexes de G qui envoie l'homomorphisme f sur son extension à est une bijection. (La bijection réciproque applique évidemment chaque caractère de degré 1 sur sa corestriction à .)
Fin du théorème
Démonstration. On a vu au chapitre Caractères complexes des groupes finis, 1 : relations d'orthogonalité (exemple 3° avant le théorème 5) que si f est un homomorphisme de G dans , l'application (extension de f à l'ensemble tout entier) est un caractère de degré 1 de G. Notons ici ce caractère. Puisque f est la corestriction de à , l'application de dans l'ensemble des caractères de degré 1 de G est injective.
Prouvons qu'elle est surjective. Soit un caractère de degré 1 de G; il s'agit de prouver qu'
(thèse 1) il existe un homomorphisme f de G dans tel que
f et aient le même graphe.
Puisque est un caractère de degré 1 de G, il existe une représentation matricielle de degré 1 de G dont est le caractère. Autrement dit, il existe un homomorphisme de G dans tel que, pour tout élément x de G,
(2) .
Puisque est un homomorphisme de G dans , il existe un (et un seul) homomorphisme f de G dans tel que, pour tout x dans G, , où (f(x)) désigne la matrice carrée de taille 1 dont l'unique coefficient est f(x). La trace de cette matrice est f(x), donc d'après (2),
,
ce qui prouve la thèse (1).
Comme il y a peu de différence entre une application de G dans et l'extension de cette application à , on dit volontiers que les caractères complexes de degré 1 de G sont assimilables aux homomorphismes de G dans , ou même que les caractères complexes de degré 1 de G sont les homomorphismes de G dans .
En raison de ce fait, les caractères de degré 1 de G sont aussi appelés les caractères linéaires de G.
Début d’un théorème
Énoncé 2
Soit G un groupe fini. Les caractères de degré 1 de G ne prennent pas la valeur nulle.
Fin du théorème
Démonstration. C'est une conséquence immédiate de l'énoncé précédent.
Prenons d'abord pour G un groupe cyclique d'ordre n. Choisissons un générateur a de G, c'est-à-dire un élément d'ordre n de G. Choisissons aussi une racine primitive n-ième de l'unité, c'est-à-dire un élément d'ordre n de , soit . On peut numéroter C1, ... , Cn les classes de conjugaison de G, avec, pour tout j, . Pour chaque i dans {1, ... , n}, il existe un et un seul homomorphisme de G dans qui applique a sur et ce sont là tous les homomorphismes de G dans , autrement dit tous les caractères de G. Si on dresse la table des caractères de G à partir de cette numérotation des classes de conjugaison et des caractères, le coefficient qui se trouve sur la i-ième ligne et la j-ième colonne est , où l'exposant (i-1) (j-1) peut évidemment être remplacé par son reste par n.
Par exemple (cas n = 4), la table des caractères d'un groupe cyclique d'ordre 4 ayant un générateur a peut être présentée comme suit :
,
où Cl() désigne la classe de conjugaison et où est une des deux racines primitives quatrièmes de l'unité, autrement dit une des deux racines de . (On voit que et sont conjugués complexes, ce qui montre que, dans la façon la plus naturelle de procéder, deux caractères complexes conjugués ne sont généralement pas sur des lignes consécutives.)
Prenons maintenant pour G un groupe fini abélien non cyclique, par exemple un produit direct interne de deux groupes d'ordre 3. On peut donc trouver deux éléments a et b d'ordre 3 de G tels que . Pour chacun des 9 couples de nombres complexes tels que , il existe un et un seul homomorphisme de G dans qui applique sur et sur . Choisissons une des deux racines primitives troisièmes de l'unité, autrement dit une des deux racines de dans . Les couples sont alors et la table des caractères de G peut être présentée comme suit :
Nous venons de voir que la construction de la table des caractères d'un groupe fini abélien est une tâche assez triviale.
Nous construirons la table des caractères des groupes diédraux dans la suite du présent chapitre et la table des groupes dicycliques dans les exercices. Parmi les groupes finis qui ne sont ni abéliens, ni diédraux ni dicycliques, occupons-nous de celui qui a le plus petit ordre, c'est-à-dire le groupe alterné A4.
On désignera par 14 l'élément neutre de A4, c'est-à-dire la permutation identique de {1, 2, 3, 4}.
Nous avons vu dans les exercices de la série Groupes alternés que le groupe A4 a exactement 4 classes de conjugaison, représentées respectivement par les éléments 14, (1 2 3), (1 3 2) et (1 2) (3 4), les cardinaux respectifs de ces classes étant 1, 4, 4 et 3. La table, encore à compléter, se présentera donc comme suit : .
D'après le chapitre Groupes alternés, A4 est d'ordre 12 et d'après un exercice de la série Commutateurs, groupe dérivé, son dérivé est le groupe de Klein V = {14, (1 2) (3 4), (1 3) (2 4), (1 4) (2 3)}. Le groupe quotient A4/D(A4) est donc d'ordre 3. Comme (1 2 3) est un élément d'ordre 3 de A4 et n'appartient pas à D(A)4 = V, il est clair que (1 2 3) V est un élément d'ordre 3 de A4/V. Autrement dit, A4/D(A4) est un groupe cyclique d'ordre 3 admettant (1 2 3) V pour générateur. D'après le chapitre Homomorphismes d'un groupe fini dans le groupe multiplicatif du corps des nombres complexes, les homomorphismes de A4 dans prennent la valeur neutre en chaque élément de V et s'obtiennent de la façon suivante : pour chacune des trois racines cubiques de l'unité dans , il existe un et un seul homomorphisme de A4 dans qui applique (1 2 3) sur et ce sont là les trois seuls homomorphismes de A4 dans . Puisque (1 2) (3 4) appartient à V, les trois homomorphismes considérés prennent la valeur 1 en (1 2) (3 4). D'autre part, la valeur d'un de ces homomorphisme en (1 3 2) est l'inverse de sa valeur en (1 2 3). Cela nous fournit les trois caractères de degré 1 de A4 et nous pouvons donc préciser la deuxième et la troisième ligne de la table : ,
où est choisie parmi les deux racines primitives cubiques de l'unité dans .
Il nous reste à déterminer le caractère , le seul qui n'est pas de degré 1. Si nous désignons par d le degré de , nous avons (Caractères complexes des groupes finis, 2 : théorèmes sur les degrés)
donc le degré de est égal à 3. La table se présente donc comme suit : ,
où x, y et z sont des nombres complexes à déterminer. (En fait, nous savons déjà que ce sont des nombres réels, puisqu'il n'y a qu'un caractère irréductible de degré 3.)
Pour trouver les valeurs de x, y et z, nous allons utiliser la seconde relation d'orthogonalité ( Caractères complexes des groupes finis, 1 : relations d'orthogonalité). Rappelons que cette relation s'énonce comme suit :
Soit G un groupe fini, soient les différents -caractères de G, soient K, K' des classes de conjugaison d'éléments de G. Alors
Cela peut encore s'écrire
où est le symbole de Kronecker.
La seconde relation d'orthogonalité peut donc être considérée comme liant deux à deux les colonnes de la table des caractères. Dans le cas qui nous occupe (G = A4), prenons d'abord pour K la classe correspondant à la 2-ième colonne et pour K' la classe correspondant à la 1-ière colonne. Nous trouvons ainsi
d'où (puisque )
x = 0.
En prenant maintenant pour K la classe correspondant à la 3-ième colonne et en prenant toujours pour K' la classe correspondant à la 1-ière colonne, nous trouvons
d'où, de même,
y = 0.
En prenant maintenant pour K la classe correspondant à la 4-ième colonne et en prenant toujours pour K' la classe correspondant à la 1-ière colonne, nous trouvons
1 + 1 + 1 + 3z = 0,
d'où z = - 1. Nous pouvons donc achever la table comme suit :
.
Au lieu de la seconde relation d'orthogonalité, nous aurions pu utiliser la première (qui peut être considérée comme liant deux à deux les lignes de la table). Si, pour tout j dans {1, 2, 3, 4}, désigne la classe de conjugaison correspondant à la j-ième colonne de la table, si pour tout i dans {1, 2, 3, 4}, désigne le caractère correspondant à la i-ième ligne de la table, la première relation d'orthogonalité (chapitre Caractères complexes des groupes finis, 1 : relations d'orthogonalité) peut s'écrire
pour tous i, i' dans {1, 2, ... , h}, désignant le symbole de Kronecker dans . En faisant i = 4 et, successivement, i' = 1, i' = 2, i' = 3, on obtient un système de trois équations linéaires en x, y et z dont l'unique solution est x = y = 0, z = -1. Il se fait que, dans le cas particulier du groupe A4, la seconde relation d'orthogonalité est d'un usage un peu plus rapide que la première.
On va maintenant déterminer les -caractères irréductibles du groupe diédral D2n d'ordre 2n, pour tout nombre naturel n non nul. Nous allons cette fois déterminer d'abord un système de -représentations irréductibles deux à deux non équivalentes et nous calculerons leurs caractères. (Comme signalé plus haut, ce n'est généralement pas la façon la plus simple de déterminer les -caractères irréductibles d'un groupe fini donné.)
Pour déterminer les -caractères de degré 1 de D2n, ce qui revient à déterminer les homomorphismes de D2n dans , on pourrait utiliser un énoncé du chapitre Groupes diédraux intitulé « Homomorphismes partant d'un groupe diédral », mais on va suivre la méthode plus générale indiquée dans une précédente section du présent chapitre.
où désigne l'homomorphisme canonique de D2n sur D2n/D'2n et où g parcourt les homomorphismes de D2n/D'2n dans .
Puisque D2n/D'2n est d'ordre 2, il y a exactement deux homomorphismes de D2n/D'2n dans , à savoir l'homomorphisme constant de valeur 1 et l'homomorphisme qui applique (l'élément neutre de D2n/D'2n sur 1 et) l'élément non neutre de D2n/D'2n sur -1. Le groupe D2n a donc exactement deux -caractères de degré 1, tout d'abord le caractère constant de valeur 1, puis le caractère , qui applique tout élément de D'2n sur 1 et tout élément de sur -1.
Choisissons un générateur a du groupe cyclique D'2n et un élément b de . Donc (chapitre Groupes diédraux) a est d'ordre n, b est d'ordre 2, b n'appartient pas à <a> et b a b-1 (= b a b) = a-1.
D'après un exercice de la série Groupes diédraux, les classes de conjugaison de D2n sont en nombre et peuvent être numérotées , où
et pour .
Le nombre des -représentations irréductibles de D2n deux à deux non équivalentes est donc , ce qui revient à dire que les -caractères irréductibles de D2n sont en nombre .
Les -caractères irréductibles de D2n peuvent donc être numérotés , où et sont les deux caractères de degré 1 déjà décrits et où sont de degrés .
Pour tout i dans , désignons par le degré de . Nous avons donc et pour tout .
Si, pour un , nous avions , nous aurions
(ce qui, cette fois, concorde avec le théorème en question).
Puisque nous avons déjà trouvé les deux -caractères de degré 1 de D2n et que ces caractères peuvent être assimilés aux représentations de degré 1 auxquelles ils correspondent (en assimilant une matrice carrée de taille 1 à son unique coefficient), il nous reste à trouver -représentations irréductibles de degré 2, deux à deux non équivalentes, de D2n.
Posons
(où dans ).
Donc est une racine primitive n-ième de l'unité, c'est-à-dire un élément d'ordre n du groupe multiplicatif , et engendre le sous-groupe de formé par les n racines n-ièmes de l'unité.
Désignons par A la matrice
et par B la matrice
.
D'après les propriétés des matrices diagonales, nous avons, pour tout j dans ,
et .
Le calcul montre que
(d'ailleurs, étant donné une base d'un -espace vectoriel de dimension 2, B est la matrice dans cette base de l'automorphisme qui permute les deux vecteurs de la base).
De plus,
.
Donc, d'après le chapitre Groupes diédraux, énoncé intitulé « Homomorphismes partant d'un groupe diédral », il existe, pour chaque j dans , un et un seul homomorphisme Tj de D2n dans qui applique a sur Aj et b sur B. Cet homomorphisme Tj est une -représentation matricielle de degré 2 de D2n.
Prouvons que si j parcourt les nombres , les représentations Tj sont irréductibles et deux à deux non équivalentes.
Prouvons d'abord qu'elles sont irréductibles.
Soit V un -espace vectoriel de dimension 2, soit une base de V. Notons la -représentation vectorielle de dans V correspondant à via la base . Il s'agit de prouver que est irréductible.
Soit , avec , un vecteur de V tel que le sous-espace de V soit invariant par le groupe linéaire . Il s'agit de prouver que v est nul.
Tout d'abord, est invariant par l'automorphisme de V ayant pour matrice dans la base de V, autrement dit par l'automorphisme de V qui applique sur et sur , donc le vecteur et le vecteur sont proportionnels, donc
,
,
Puisque , et ne sont pas congrus modulo , donc , donc est nul, donc
ou est nul.
Ensuite, est invariant par l'automorphisme de V ayant B pour matrice dans la base de V, autrement dit par l'automorphisme de V qui applique sur et sur , donc le vecteur et le vecteur sont proportionnels, donc
,
.
Puisqu'on a vu qu'un au moins des nombres est nul, ceci entraîne qu'ils le sont tous les deux, donc v est nul, ce qui prouve que la représentation est irréductible.
Prouvons maintenant que si et sont distincts dans , alors et ne sont pas équivalentes.
Il suffit de prouver qu'elles n'ont pas le même caractère et pour cela, il suffit de prouver que leurs caractères diffèrent en a. Autrement dit, il suffit de prouver que c'est-à-dire
.
On a noté que (et de même pour j'), donc il s'agit de prouver que
.
Puisque , la thèse peut s'écrire
,
ce qui est bien vrai, car deux nombres réels ont le même cosinus si et seulement si leur somme ou leur différence appartient à , ce qui n'est pas le cas des deux nombres réels et (puisque et ).
Voici une seconde démonstration, plus purement algébrique, reposant seulement sur le fait que est une racine primitive n-ième de l'unité (et non forcément la racine ).
Supposons qu'on ait
.
Alors , donc
est l'opposé de son nombre complexe conjugué,
donc est un nombre purement imaginaire,
ce qui revient à dire que et ont la même partie réelle. On a donc
et
pour certains nombres réels a, b et c.
Puisque et sont tous deux de valeur absolue 1, il faut , d'où , , donc et sont égaux ou conjugués, ce qui revient à dire que est égal à ou à . Donc ou est divisible par n, ce qui est incompatible avec les hypothèses sur et .
On a donc prouvé que sont -représentations irréductibles de degré 2 de D2n, deux à deux non équivalentes. Comme on l'a noté, il en résulte que ces représentations, jointes aux deux représentations de degré 1, forment un système complet de représentantes des classes de -représentations irréductibles de D2n.
Les -caractères irréductibles de D2n sont donc les caractères de ces représentations.
La table des caractères de D2n peut donc être présentée comme suit (dans le cas n impair):
On notera que les valeurs de la table sont toutes réelles. En particulier, on trouve en faisant n = 3 que la tables des caractères d'un groupe diédral d'ordre 6 (par exemple ) peut se présenter comme suit :
.
(Pour la valeur , on peut noter que si est une racine primitive cubique de 1, alors . On peut aussi utiliser la relation classique .)
Passons au cas où n est pair. Choisissons de nouveau dans D2n un élément a d'ordre n et un élément b d'ordre 2 tels que b n'appartienne pas à et que .
D'après les exercices sur les groupes diédraux, problème intitulé « Dérivé et suite centrale d'un groupe diédral », le dérivé de est le sous-groupe , qui est d'ordre n/2.
On en tire que le groupe quotient (abélianisé de ) est un groupe de Klein, produit direct des deux sous-groupes (d'ordre 2) et , où la barre désigne la classe modulo . Les quatre éléments de sont .
D'après des résultats rappelés plus haut, il en résulte qu'il y a exactement quatre homomorphismes de dans , à savoir les applications définies par
;
;
;
.
Donc (section Caractères de degré 1), a exactement quatre caractères de degré 1, à savoir et définis comme suit :
est la constante 1;
pour pour ;
pour et pour pour et pour ;
pour et pour pour et pour .
D'autre part, d'après les exercices sur les groupes diédraux, problème intitulé « Classes de conjugaison d'un groupe diédral », les différentes classes de conjugaison de D2n sont
et
En particulier, le nombre des classes de conjugaison est n/2 + 3.
Puisque nous avons déjà trouvé les quatre -caractères de degré 1 de D2n et que ces caractères peuvent être assimilés aux quatre -représentations de degré 1 de D2n, il nous reste à trouver n/2 + 3 - 4 = n/2 - 1 -représentations irréductibles de degré > 1, deux à deux non équivalentes, de D2n.
Soient les degrés de ces représentations. D'après un théorème du chapitre Caractères complexes des groupes finis, 2 : théorèmes sur les degrés,
avec pour tout .
Si un des était > 2, on aurait
,
contradiction. Donc
sont tous égaux à 2.
Il nous reste donc à trouver n/2 - 1 -représentations irréductibles de D2n, de degré 2 et deux à deux non équivalentes.
Comme dans la solution du cas n impair, posons
(où dans ),
désignons par A la matrice
et par B la matrice
.
La même démonstration que dans le cas n impair prouve que, pour tout entier rationnel j, il existe un et un seul homomorphisme, soit , de D2n dans qui applique a sur et b sur B. L'homomorphisme est une -représentation matricielle de degré 2 de D2n. Les se réduisent évidemment à .
Dans la démonstration du cas n impair, on a en fait prouvé que (quelle que soit la parité de n) si j est un nombre naturel tel que et , la représentation est irréductible. Donc, dans le cas où n est pair,
les représentations sont irréductibles.
Prouvons qu'elles sont deux à deux non équivalentes. Ici encore, il suffit de noter que, dans la démonstration du cas n impair, on a en fait prouvé (quelle que soit la parité de n) que si j, j' sont deux différents nombres naturels tels que et , les représentations et sont non équivalentes.
Nous avons donc trouvé n/2 - 1 -représentations irréductibles de degré 2, deux à deux non équivalentes, de D2n. Comme noté, elles forment avec les quatre -représentations de degré 1 un système complet de -représentations irréductibles deux à deux non équivalentes de D2n.
Numérotons les classes de conjugaison de la façon suivante :
,
pour
Nous avons déjà numéroté les caractères de degré 1 de D2n. Pour , désignons par , et aussi par , le caractère de la représentation et calculons les valeurs de .
Pour , nous avons
De plus, toujours pour ,
et
Donc, dans le cas n pair, la table des caractères de peut se présenter comme suit :
Ici encore, on peut noter que toutes les valeurs de la table sont réelles. On trouvera dans les exercices une caractérisation des groupes finis possédant cette propriété.
En faisant n = 4 (et en tenant compte que, dans ce cas, avec , d'où et ), nous trouvons que la table des caractères de est
On déterminera dans les exercices les caractères irréductibles des groupes dicycliques et on verra que le groupe dicyclique d'ordre 8 (groupe des quaternions) a la même table de -caractères que celle qu'on vient de trouver pour le groupe diédral d'ordre 8 (abstraction faite de la première ligne de titre). Puisque ces deux groupes ne sont pas isomorphes (voir le chapitre Groupes dicycliques), il en résulte que deux groupes finis qui ont la même table de -caractères ne sont pas forcément isomorphes.