Théorie des groupes/Caractères irréductibles de quelques groupes

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Dans ce chapitre, on va déterminer les -caractères irréductibles de quelques groupes finis.

Caractères irréductibles de quelques groupes
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Chapitre no 44
Leçon : Théorie des groupes
Chap. préc. :Le théorème p-q de Burnside
Chap. suiv. :Groupes libres, premiers éléments

Exercices :

Caractères irréductibles de quelques groupes
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Comme les -caractères irréductibles d'un groupe fini G ont été définis à partir des -représentations irréductibles de G, on pourrait croire que pour connaître explicitement les -caractères irréductibles de G, il « suffit » de connaître explicitement, à équivalence près, les -représentations irréductibles de G et de calculer leurs caractères. En réalité, il est souvent plus facile d'expliciter les -caractères irréductibles de G que de trouver un système complet de -représentations irréductibles deux à deux non équivalentes de G[1]. Cependant, même la détermination des caractères irréductibles ne se laisse pas décrire en quelques mots et des raisonnements adaptés à chaque cas sont souvent nécessaires[2].

On verra ici que certains théorèmes démontrés antérieurement (relations d'orthogonalité, théorèmes sur les degrés), joints au traitement relativement facile des caractères de degré 1, permettent, dans des cas simples, de déterminer tous les -caractères irréductibles d'un groupe fini donné.

Table des caractères

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En pratique, un groupe fini G étant donné, on procède à la détermination des  -caractères irréductibles de G en construisant ce qu'on appelle la table des  -caractères de G (mais qu'il serait plus exact d'appeler la table des  -caractères irréductibles de G).

On choisit une numérotation   des classes de conjugaison de G et une numérotation, habituellement  , des  -caractères irréductibles de G. (Le nombre h des classes de conjugaison est aussi le nombre de  -caractères irréductibles, comme on l'a vu.)

On forme alors un tableau carré de h lignes et h colonnes, où le coefficient se trouvant dans la i-ième ligne et la j-ième colonne sera   (une fois qu'on le connaîtra). Donc la i-ième ligne explicite le caractère  . Nous dirons que ce tableau carré est la table des  -caractères proprement dite de G (ce n'est pas une dénomination standard).

Habituellement, on prend pour   la classe de conjugaison réduite à l'élément neutre du groupe et on prend pour   le caractère trivial de degré 1 de G (dont toutes les valeurs sont égales à 1). Nous numéroterons les caractères de degré 1 avant les autres. On pourrait convenir qu'un caractère   non réel (c'est-à-dire ne prenant pas partout des valeurs réelles) et son conjugué complexe   seront affectés à des lignes consécutives, mais on verra dans les exemples que cela ne correspond généralement pas à la façon la plus naturelle de procéder.

À la table proprement dite, on peut ajouter trois lignes, que nous appellerons lignes de titre (dénomination non standard), formées comme suit : dans la première ligne de titre, on indique au-dessus de la j-ième colonne la classe de conjugaison   ou un représentant de cette classe; dans la seconde ligne de titre, on ajoute au-dessus de la j-ième colonne le nombre d'éléments de la classe  ; dans la troisième ligne de titre, toujours en j-ième position, on indique l'ordre   du centralisateur de n'importe quel élément de  . La seconde et la troisième ligne de titre facilitent l'usage des relations d'orthogonalité. À gauche de la i-ième ligne (i = 1, ... , h) de la table proprement dite, on écrit simplement «   ». Quand nous parlerons d'une colonne de la table des caractères, il s'agira toujours d'une colonne de la table proprement dite. Quand nous parlerons d'une ligne de la table, sans préciser que c'est une ligne de titre, il s'agira d'une ligne de la table proprement dite.

On parle de « la » table des  -caractères (irréductibles) de G, mais la table proprement dite dépend en fait de la numérotation   et de la numérotation  , donc elle n'est définie qu'à permutation près des lignes et des colonnes.

Caractères complexes de degré 1

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Soit Y un ensemble, soit Y' un ensemble contenant Y. Si f est une application d'un ensemble X dans Y, nous définirons ici l'extension de f à Y' comme l'application de X dans Y' qui a partout la même valeur que f. Si h est une application d'un ensemble X dans Y', si l'image de h est contenue dans Y, nous définirons ici la corestriction de h à Y comme l'application de X dans Y qui a partout la même valeur que h. Ces définitions ne sont pas standard.

Soit G un groupe fini. Il est clair que tout caractère de degré 1 de G est irréductible.
Notons   l'ensemble des homomorphismes de G dans le groupe multiplicatif   des nombres complexes non nuls.

Début d’un théorème
Fin du théorème

Démonstration. On a vu au chapitre Caractères complexes des groupes finis, 1 : relations d'orthogonalité (exemple 3° avant le théorème 5) que si f est un homomorphisme de G dans  , l'application   (extension de f à l'ensemble   tout entier) est un caractère de degré 1 de G. Notons ici   ce caractère. Puisque f est la corestriction de   à  , l'application   de   dans l'ensemble des caractères de degré 1 de G est injective.
Prouvons qu'elle est surjective. Soit   un caractère de degré 1 de G; il s'agit de prouver qu'

(thèse 1) il existe un homomorphisme f de G dans   tel que

f et   aient le même graphe. Puisque   est un caractère de degré 1 de G, il existe une représentation matricielle   de degré 1 de G dont   est le caractère. Autrement dit, il existe un homomorphisme   de G dans   tel que, pour tout élément x de G,

(2)  .

Puisque   est un homomorphisme de G dans  , il existe un (et un seul) homomorphisme f de G dans   tel que, pour tout x dans G,  , où (f(x)) désigne la matrice carrée de taille 1 dont l'unique coefficient est f(x). La trace de cette matrice est f(x), donc d'après (2),

 ,

ce qui prouve la thèse (1).

Comme il y a peu de différence entre une application de G dans   et l'extension de cette application à  , on dit volontiers que les caractères complexes de degré 1 de G sont assimilables aux homomorphismes de G dans  , ou même que les caractères complexes de degré 1 de G sont les homomorphismes de G dans  .

En raison de ce fait, les caractères de degré 1 de G sont aussi appelés les caractères linéaires de G.

Début d’un théorème
Fin du théorème

Démonstration. C'est une conséquence immédiate de l'énoncé précédent.

Rappelons le théorème suivant (chapitre Caractères complexes des groupes finis, 2 : théorèmes sur les degrés, théorème 35) :

Soit G un groupe fini; G est abélien si et seulement si tout  -caractère irréductible de G est de degré 1.

Soit G un groupe fini, non forcément abélien. Compte tenu de l'énoncé 1 (selon lequel les caractères de degré 1 de G sont assimilables aux homomorphismes de G dans  ), les résultats du chapitre Homomorphismes d'un groupe fini dans le groupe multiplicatif du corps des nombres complexes permettent de déterminer les caractères de degré 1 de G.

Table des caractères d'un groupe fini abélien

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Soit G un groupe fini abélien. D'après ce qui précède, les caractères de G sont les homomorphismes de G dans  , donc la table des caractères de G se construit facilement à l'aide des résultats du chapitre Homomorphismes d'un groupe fini dans le groupe multiplicatif du corps des nombres complexes.

Prenons d'abord pour G un groupe cyclique d'ordre n. Choisissons un générateur a de G, c'est-à-dire un élément d'ordre n de G. Choisissons aussi une racine primitive n-ième de l'unité, c'est-à-dire un élément d'ordre n de  , soit  . On peut numéroter C1, ... , Cn les classes de conjugaison de G, avec, pour tout j,  . Pour chaque i dans {1, ... , n}, il existe un et un seul homomorphisme   de G dans   qui applique a sur   et ce sont là tous les homomorphismes de G dans  , autrement dit tous les caractères de G. Si on dresse la table des caractères de G à partir de cette numérotation des classes de conjugaison et des caractères, le coefficient qui se trouve sur la i-ième ligne et la j-ième colonne est  , où l'exposant (i-1) (j-1) peut évidemment être remplacé par son reste par n.
Par exemple (cas n = 4), la table des caractères d'un groupe cyclique d'ordre 4 ayant un générateur a peut être présentée comme suit :

 ,

où Cl() désigne la classe de conjugaison et où   est une des deux racines primitives quatrièmes de l'unité, autrement dit une des deux racines de  . (On voit que   et   sont conjugués complexes, ce qui montre que, dans la façon la plus naturelle de procéder, deux caractères complexes conjugués ne sont généralement pas sur des lignes consécutives.)

Prenons maintenant pour G un groupe fini abélien non cyclique, par exemple un produit direct interne de deux groupes d'ordre 3. On peut donc trouver deux éléments a et b d'ordre 3 de G tels que  . Pour chacun des 9 couples   de nombres complexes tels que  , il existe un et un seul homomorphisme de G dans   qui applique   sur   et   sur  . Choisissons une des deux racines primitives troisièmes de l'unité, autrement dit une des deux racines de   dans  . Les couples   sont alors   et la table des caractères de G peut être présentée comme suit :

 ,

  pourrait évidemment être écrit  .

Table des caractères du groupe alterné A4

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Nous venons de voir que la construction de la table des caractères d'un groupe fini abélien est une tâche assez triviale.
Nous construirons la table des caractères des groupes diédraux dans la suite du présent chapitre et la table des groupes dicycliques dans les exercices. Parmi les groupes finis qui ne sont ni abéliens, ni diédraux ni dicycliques, occupons-nous de celui qui a le plus petit ordre, c'est-à-dire le groupe alterné A4.
On désignera par 14 l'élément neutre de A4, c'est-à-dire la permutation identique de {1, 2, 3, 4}.
Nous avons vu dans les exercices de la série Groupes alternés que le groupe A4 a exactement 4 classes de conjugaison, représentées respectivement par les éléments 14, (1 2 3), (1 3 2) et (1 2) (3 4), les cardinaux respectifs de ces classes étant 1, 4, 4 et 3. La table, encore à compléter, se présentera donc comme suit :
 .

D'après le chapitre Groupes alternés, A4 est d'ordre 12 et d'après un exercice de la série Commutateurs, groupe dérivé, son dérivé est le groupe de Klein V = {14, (1 2) (3 4), (1 3) (2 4), (1 4) (2 3)}. Le groupe quotient A4/D(A4) est donc d'ordre 3. Comme (1 2 3) est un élément d'ordre 3 de A4 et n'appartient pas à D(A)4 = V, il est clair que (1 2 3) V est un élément d'ordre 3 de A4/V. Autrement dit, A4/D(A4) est un groupe cyclique d'ordre 3 admettant (1 2 3) V pour générateur. D'après le chapitre Homomorphismes d'un groupe fini dans le groupe multiplicatif du corps des nombres complexes, les homomorphismes de A4 dans   prennent la valeur neutre en chaque élément de V et s'obtiennent de la façon suivante : pour chacune des trois racines cubiques   de l'unité dans  , il existe un et un seul homomorphisme de A4 dans   qui applique (1 2 3) sur   et ce sont là les trois seuls homomorphismes de A4 dans  . Puisque (1 2) (3 4) appartient à V, les trois homomorphismes considérés prennent la valeur 1 en (1 2) (3 4). D'autre part, la valeur d'un de ces homomorphisme en (1 3 2) est l'inverse de sa valeur en (1 2 3). Cela nous fournit les trois caractères de degré 1 de A4 et nous pouvons donc préciser la deuxième et la troisième ligne de la table :
 ,
  est choisie parmi les deux racines primitives cubiques de l'unité dans  .
Il nous reste à déterminer le caractère  , le seul qui n'est pas de degré 1. Si nous désignons par d le degré de  , nous avons (Caractères complexes des groupes finis, 2 : théorèmes sur les degrés)
 
donc le degré de   est égal à 3. La table se présente donc comme suit :
 ,
x, y et z sont des nombres complexes à déterminer. (En fait, nous savons déjà que ce sont des nombres réels, puisqu'il n'y a qu'un caractère irréductible de degré 3.)
Pour trouver les valeurs de x, y et z, nous allons utiliser la seconde relation d'orthogonalité ( Caractères complexes des groupes finis, 1 : relations d'orthogonalité). Rappelons que cette relation s'énonce comme suit :

Soit G un groupe fini, soient   les différents  -caractères de G, soient K, K' des classes de conjugaison d'éléments de G. Alors

 

Cela peut encore s'écrire

 

  est le symbole de Kronecker.

La seconde relation d'orthogonalité peut donc être considérée comme liant deux à deux les colonnes de la table des caractères. Dans le cas qui nous occupe (G = A4), prenons d'abord pour K la classe correspondant à la 2-ième colonne et pour K' la classe correspondant à la 1-ière colonne. Nous trouvons ainsi

 

d'où (puisque  )

x = 0.

En prenant maintenant pour K la classe correspondant à la 3-ième colonne et en prenant toujours pour K' la classe correspondant à la 1-ière colonne, nous trouvons

 

d'où, de même,

y = 0.

En prenant maintenant pour K la classe correspondant à la 4-ième colonne et en prenant toujours pour K' la classe correspondant à la 1-ière colonne, nous trouvons

1 + 1 + 1 + 3z = 0,

d'où z = - 1. Nous pouvons donc achever la table comme suit :

 .

Au lieu de la seconde relation d'orthogonalité, nous aurions pu utiliser la première (qui peut être considérée comme liant deux à deux les lignes de la table). Si, pour tout j dans {1, 2, 3, 4},   désigne la classe de conjugaison correspondant à la j-ième colonne de la table, si pour tout i dans {1, 2, 3, 4},   désigne le caractère correspondant à la i-ième ligne de la table, la première relation d'orthogonalité (chapitre Caractères complexes des groupes finis, 1 : relations d'orthogonalité) peut s'écrire

 

pour tous i, i' dans {1, 2, ... , h},   désignant le symbole de Kronecker dans  . En faisant i = 4 et, successivement, i' = 1, i' = 2, i' = 3, on obtient un système de trois équations linéaires en x, y et z dont l'unique solution est x = y = 0, z = -1. Il se fait que, dans le cas particulier du groupe A4, la seconde relation d'orthogonalité est d'un usage un peu plus rapide que la première.

Caractères irréductibles des groupes diédraux

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On va maintenant déterminer les  -caractères irréductibles du groupe diédral D2n d'ordre 2n, pour tout nombre naturel n non nul. Nous allons cette fois déterminer d'abord un système de  -représentations irréductibles deux à deux non équivalentes et nous calculerons leurs caractères. (Comme signalé plus haut, ce n'est généralement pas la façon la plus simple de déterminer les  -caractères irréductibles d'un groupe fini donné.)

Pour déterminer les  -caractères de degré 1 de D2n, ce qui revient à déterminer les homomorphismes de D2n dans  , on pourrait utiliser un énoncé du chapitre Groupes diédraux intitulé « Homomorphismes partant d'un groupe diédral », mais on va suivre la méthode plus générale indiquée dans une précédente section du présent chapitre.

Supposons d'abord n impair.
D'après les exercices sur les groupes diédraux, le dérive D'2n de D2n est l'unique sous-groupe cyclique d'ordre n de D2n et est donc d'indice 2 dans D2n. D'après la section « Caractères complexes de degré 1 » ci-dessus et le chapitre Homomorphismes d'un groupe fini dans le groupe multiplicatif du corps des nombres complexes, les  -caractères de degré 1 de D2n sont les homomorphismes composés

 ,

  désigne l'homomorphisme canonique de D2n sur D2n/D'2n et où g parcourt les homomorphismes de D2n/D'2n dans  .
Puisque D2n/D'2n est d'ordre 2, il y a exactement deux homomorphismes de D2n/D'2n dans  , à savoir l'homomorphisme constant de valeur 1 et l'homomorphisme qui applique (l'élément neutre de D2n/D'2n sur 1 et) l'élément non neutre de D2n/D'2n sur -1. Le groupe D2n a donc exactement deux  -caractères de degré 1, tout d'abord le caractère   constant de valeur 1, puis le caractère  , qui applique tout élément de D'2n sur 1 et tout élément de   sur -1.
Choisissons un générateur a du groupe cyclique D'2n et un élément b de  . Donc (chapitre Groupes diédraux) a est d'ordre n, b est d'ordre 2, b n'appartient pas à <a> et b a b-1 (= b a b) = a-1.
D'après un exercice de la série Groupes diédraux, les classes de conjugaison de D2n sont en nombre   et peuvent être numérotées  , où

  et   pour  .

Le nombre des  -représentations irréductibles de D2n deux à deux non équivalentes est donc  , ce qui revient à dire que les  -caractères irréductibles de D2n sont en nombre  .
Les  -caractères irréductibles de D2n peuvent donc être numérotés  , où   et   sont les deux caractères de degré 1 déjà décrits et où   sont de degrés  .
Pour tout i dans  , désignons par   le degré de  . Nous avons donc   et   pour tout  .
Si, pour un  , nous avions   , nous aurions

 ,

c'est-à-dire

 ,

ce qui contredit un théorème du chapitre Caractères complexes des groupes finis, 2 : théorèmes sur les degrés. Nous avons donc

  pour tout  

(ce qui, cette fois, concorde avec le théorème en question).
Puisque nous avons déjà trouvé les deux  -caractères de degré 1 de D2n et que ces caractères peuvent être assimilés aux représentations de degré 1 auxquelles ils correspondent (en assimilant une matrice carrée de taille 1 à son unique coefficient), il nous reste à trouver    -représentations irréductibles de degré 2, deux à deux non équivalentes, de D2n.
Posons

 

(où   dans  ).
Donc   est une racine primitive n-ième de l'unité, c'est-à-dire un élément d'ordre n du groupe multiplicatif  , et engendre le sous-groupe de   formé par les n racines n-ièmes de l'unité.
Désignons par A la matrice

 

et par B la matrice

 .

D'après les propriétés des matrices diagonales, nous avons, pour tout j dans  ,

  et  .

Le calcul montre que

 

(d'ailleurs, étant donné une base d'un  -espace vectoriel de dimension 2, B est la matrice dans cette base de l'automorphisme qui permute les deux vecteurs de la base).
De plus,

 .

Donc, d'après le chapitre Groupes diédraux, énoncé intitulé « Homomorphismes partant d'un groupe diédral », il existe, pour chaque j dans  , un et un seul homomorphisme Tj de D2n dans   qui applique a sur Aj et b sur B. Cet homomorphisme Tj est une  -représentation matricielle de degré 2 de D2n.
Prouvons que si j parcourt les nombres  , les représentations Tj sont irréductibles et deux à deux non équivalentes.
Prouvons d'abord qu'elles sont irréductibles.
Soit V un  -espace vectoriel de dimension 2, soit   une base de V. Notons   la  -représentation vectorielle de   dans V correspondant à   via la base  . Il s'agit de prouver que   est irréductible.
Soit  , avec  , un vecteur de V tel que le sous-espace   de V soit invariant par le groupe linéaire  . Il s'agit de prouver que v est nul.
Tout d'abord,   est invariant par l'automorphisme de V ayant   pour matrice dans la base   de V, autrement dit par l'automorphisme de V qui applique   sur   et   sur  , donc le vecteur   et le vecteur   sont proportionnels, donc

 ,
 ,
 

Puisque  ,   et   ne sont pas congrus modulo  , donc  , donc   est nul, donc

  ou   est nul.

Ensuite,   est invariant par l'automorphisme de V ayant B pour matrice dans la base   de V, autrement dit par l'automorphisme de V qui applique   sur   et   sur  , donc le vecteur   et le vecteur   sont proportionnels, donc

 ,
 .

Puisqu'on a vu qu'un au moins des nombres   est nul, ceci entraîne qu'ils le sont tous les deux, donc v est nul, ce qui prouve que la représentation   est irréductible.
Prouvons maintenant que si   et   sont distincts dans  , alors   et   ne sont pas équivalentes.
Il suffit de prouver qu'elles n'ont pas le même caractère et pour cela, il suffit de prouver que leurs caractères diffèrent en a. Autrement dit, il suffit de prouver que   c'est-à-dire

 .

On a noté que   (et de même pour j'), donc il s'agit de prouver que

 .

Puisque  , la thèse peut s'écrire

 
 
 ,

ce qui est bien vrai, car deux nombres réels ont le même cosinus si et seulement si leur somme ou leur différence appartient à  , ce qui n'est pas le cas des deux nombres réels   et   (puisque   et  ).

Voici une seconde démonstration, plus purement algébrique, reposant seulement sur le fait que   est une racine primitive n-ième de l'unité (et non forcément la racine  ).
Supposons qu'on ait

 .

Alors  , donc

  est l'opposé de son nombre complexe conjugué,
donc   est un nombre purement imaginaire,

ce qui revient à dire que   et   ont la même partie réelle. On a donc

  et  

pour certains nombres réels a, b et c.
Puisque   et   sont tous deux de valeur absolue 1, il faut  , d'où  ,  , donc   et   sont égaux ou conjugués, ce qui revient à dire que   est égal à   ou à  . Donc   ou   est divisible par n, ce qui est incompatible avec les hypothèses sur   et  .

On a donc prouvé que   sont    -représentations irréductibles de degré 2 de D2n, deux à deux non équivalentes. Comme on l'a noté, il en résulte que ces représentations, jointes aux deux représentations de degré 1, forment un système complet de représentantes des classes de  -représentations irréductibles de D2n.
Les    -caractères irréductibles de D2n sont donc les caractères de ces   représentations. La table des caractères de D2n peut donc être présentée comme suit (dans le cas n impair):

 

On notera que les valeurs de la table sont toutes réelles. En particulier, on trouve en faisant n = 3 que la tables des caractères d'un groupe diédral d'ordre 6 (par exemple  ) peut se présenter comme suit :

 .

(Pour la valeur  , on peut noter que si   est une racine primitive cubique de 1, alors  . On peut aussi utiliser la relation classique  .)

Passons au cas où n est pair. Choisissons de nouveau dans D2n un élément a d'ordre n et un élément b d'ordre 2 tels que b n'appartienne pas à   et que  .
D'après les exercices sur les groupes diédraux, problème intitulé « Dérivé et suite centrale d'un groupe diédral », le dérivé   de   est le sous-groupe  , qui est d'ordre n/2.
On en tire que le groupe quotient   (abélianisé de  ) est un groupe de Klein, produit direct des deux sous-groupes (d'ordre 2)   et  , où la barre désigne la classe modulo  . Les quatre éléments de   sont  .
D'après des résultats rappelés plus haut, il en résulte qu'il y a exactement quatre homomorphismes de   dans  , à savoir les applications   définies par

 ;
 ;
 ;
 .

Donc (section Caractères de degré 1),   a exactement quatre caractères de degré 1, à savoir   et   définis comme suit :

  est la constante 1;
  pour   pour  ;
  pour   et pour   pour   et pour  ;
  pour   et pour   pour   et pour  .

D'autre part, d'après les exercices sur les groupes diédraux, problème intitulé « Classes de conjugaison d'un groupe diédral », les différentes classes de conjugaison de D2n sont

 
 
 
et  

En particulier, le nombre des classes de conjugaison est n/2 + 3.

Puisque nous avons déjà trouvé les quatre  -caractères de degré 1 de D2n et que ces caractères peuvent être assimilés aux quatre  -représentations de degré 1 de D2n, il nous reste à trouver n/2 + 3 - 4 = n/2 - 1  -représentations irréductibles de degré > 1, deux à deux non équivalentes, de D2n.
Soient   les degrés de ces représentations. D'après un théorème du chapitre Caractères complexes des groupes finis, 2 : théorèmes sur les degrés,

 

avec   pour tout  .
Si un des   était > 2, on aurait

 ,

contradiction. Donc

  sont tous égaux à 2.

Il nous reste donc à trouver n/2 - 1  -représentations irréductibles de D2n, de degré 2 et deux à deux non équivalentes.
Comme dans la solution du cas n impair, posons

 

(où   dans  ),
désignons par A la matrice

 

et par B la matrice

 .

La même démonstration que dans le cas n impair prouve que, pour tout entier rationnel j, il existe un et un seul homomorphisme, soit  , de D2n dans   qui applique a sur   et b sur B. L'homomorphisme   est une  -représentation matricielle de degré 2 de D2n. Les   se réduisent évidemment à  .
Dans la démonstration du cas n impair, on a en fait prouvé que (quelle que soit la parité de n) si j est un nombre naturel tel que   et  , la représentation   est irréductible. Donc, dans le cas où n est pair,

les représentations   sont irréductibles.

Prouvons qu'elles sont deux à deux non équivalentes. Ici encore, il suffit de noter que, dans la démonstration du cas n impair, on a en fait prouvé (quelle que soit la parité de n) que si j, j' sont deux différents nombres naturels tels que   et  , les représentations   et   sont non équivalentes.
Nous avons donc trouvé n/2 - 1  -représentations irréductibles de degré 2, deux à deux non équivalentes, de D2n. Comme noté, elles forment avec les quatre  -représentations de degré 1 un système complet de  -représentations irréductibles deux à deux non équivalentes de D2n.

Numérotons les classes de conjugaison de la façon suivante :

 ,
  pour  
 
 
 

Nous avons déjà numéroté   les caractères de degré 1 de D2n. Pour  , désignons par  , et aussi par  , le caractère de la représentation   et calculons les valeurs de  .
Pour  , nous avons

 
 
 
 

De plus, toujours pour  ,

 
 
 

et

 
 
 
 

Donc, dans le cas n pair, la table des caractères de   peut se présenter comme suit :

 

Ici encore, on peut noter que toutes les valeurs de la table sont réelles. On trouvera dans les exercices une caractérisation des groupes finis possédant cette propriété.

En faisant n = 4 (et en tenant compte que, dans ce cas,   avec  , d'où   et  ), nous trouvons que la table des caractères de   est

 

On déterminera dans les exercices les caractères irréductibles des groupes dicycliques et on verra que le groupe dicyclique d'ordre 8 (groupe des quaternions) a la même table de  -caractères que celle qu'on vient de trouver pour le groupe diédral d'ordre 8 (abstraction faite de la première ligne de titre). Puisque ces deux groupes ne sont pas isomorphes (voir le chapitre Groupes dicycliques), il en résulte que deux groupes finis qui ont la même table de  -caractères ne sont pas forcément isomorphes.

Notes et références

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  1. I.M. Isaacs, Character Theory of Finite Groups, réimpr. Dover, 1994, p. 18.
  2. I.M. Isaacs, Character Theory of Finite Groups, réimpr. Dover, 1994, p. 18.