Introduction à la théorie des nombres/Géométrie des nombres
Théorème de Minkowski pour un convexe symétrique
modifierPrésentation de l'énoncé
modifier- Un réseau de l'espace euclidien est un sous-groupe (discret) engendré par une base de .
- Le domaine fondamental de associé à la base est le pavé .
- Le covolume de est le volume du domaine fondamental associé à l'une de ses bases.
Le volume du pavé est la valeur absolue du déterminant de la base de dans une base orthonormée arbitraire , c'est-à-dire du déterminant de la matrice de passage de à :
- .
Si est une autre base de telle que alors la matrice de passage est à coefficients entiers (puisque ), de même que son inverse :
- donc .
On conclut à l'aide de la formule de changement de base :
- .
Faites ces exercices : Mesurabilité des convexes. |
Soit C un convexe de .
- C est Lebesgue-mesurable.
- S'il est de volume fini non nul alors il est borné (donc compact s'il est de plus fermé).
- S'il est compact, il est symétrique par rapport à l'origine et de volume non nul si et seulement si sa jauge est une norme. Il est alors égal à la boule unité fermée pour cette norme. (Cette propriété ne sera pas utilisée dans ce chapitre.)
Soient, dans , un réseau de covolume V et un convexe C symétrique par rapport à .
- Si le volume de C est strictement supérieur à 2nV, alors C contient au moins un vecteur non nul du réseau (donc deux, opposés).
- Si C est fermé et de volume égal à 2nV, on a la même conclusion.
Faites ces exercices : Applications du théorème : exercices 6-4 à 6-6.1. |
Faites ces exercices : Exercices 6-1 et 6-2. |
- La convexité et la symétrie de C sont indispensables (cf. exercice 6-1).
- Ce résultat concernant un réseau Λ quelconque est équivalent (par simple changement de variables) au cas particulier Λ = ℤn : si vol(C) > 2n (ou si vol(C) = 2n et C est fermé) alors C contient au moins un vecteur non nul à coordonnées entières.
- 2n = vol(]–1, 1[n) est la meilleure constante possible.
- Chacun des deux points du théorème se déduit facilement de l'autre (cf. exercice 6-2).
Démonstration
modifierD'après les remarques ci-dessus, il suffit de démontrer le premier point du théorème dans le cas particulier Λ = ℤn. La preuve repose sur le lemme de Blichfeldt[1], qui sera généralisé en exercice.
Faites ces exercices : Exercice 6-3 : principe des tiroirs pour les mesures et théorème de Blichfeldt. |
Pour toute partie Lebesgue-mesurable de volume , il existe deux points distincts tels que .
Les translatés du domaine fondamental par les vecteurs forment une partition de , donc les forment une partition (dénombrable) de . De plus, la mesure de Lebesgue est invariante par translation. Par conséquent,
- .
Or les sont tous inclus dans . Donc ils ne sont pas deux à deux disjoints. Il existe avec . Les deux points sont alors distincts, et .
Soit un convexe symétrique par rapport à et de volume . Soit (l'image de par l'homothétie vectorielle de rapport ). Son volume est donc (d'après le lemme) . Alors, donc (par symétrie) et appartiennent à , donc (par convexité) leur milieu, , appartient aussi à . Ainsi, est un élément non nul de .
Théorème de Minkowski pour des formes linéaires
modifier
Soient et . On définit les formes linéaires sur par
- .
- Si , il existe tel que .
- Si , il existe tel que et .
- Si , appliquons le théorème de Minkowski précédent au convexe ( -symétrique) et au réseau , de covolume . On a bien
donc il existe un point du réseau, avec , tel que (donc ), et , c'est-à-dire . C'est le résultat annoncé car (par définition) . - Si , pour tout , il existe, d'après le point précédent, un vecteur non nul tel que et . La suite , discrète et bornée, prend une infinité de fois la même valeur , qui vérifie donc les inégalités annoncées.
Faites ces exercices : Application du théorème : exercice 6-7. |
On applique le second point du théorème à
- , (triangulaire, de déterminant ), et .
En notant , les formes sont ( ) et ( ).
On trouve donc un vecteur non nul tel que , et (pour ) .
Comme , les ne sont pas tous nuls, sinon les entiers le seraient aussi car on aurait .
- De même, pour tout réel , il existe un vecteur non nul tel que
- .
- Remarquons les deux cas particuliers :
- : ;
- : .
- Le cas est le théorème de Dirichlet sur l'approximation diophantienne simultanée de réels . Comme dans le cas particulier d'un seul réel vu au chapitre 2, on en déduit que si au moins l'un des est irrationnel, il existe même une infinité d'entiers tels que .
Faites ces exercices : Approximation diophantienne simultanée de réels : exercice 6-8. |
- L'exposant est le meilleur possible. Pour , cela se déduit, grâce au point précédent et au principe de transfert de Khintchine[2],[3], de la propriété suivante[4] : pour tout nombre algébrique de degré , il existe une constante telle que pour tout -uplet non nul d'entiers , . (Pour , on reconnaît un résultat vu au chapitre 2 : la mesure d'irrationalité d'un irrationnel est supérieure ou égale à 2.)
Faites ces exercices : Application du cas m = 1 : exercice 6-6.2. |
Deuxième théorème de Minkowski pour un convexe symétrique
modifierSignalons seulement ce renforcement du premier théorème. Il concerne les minima successifs du réseau Γ par rapport au convexe symétrique C.
Soit C un convexe de , symétrique par rapport à , compact et de volume non nul.
Les n minima successifs λ1 ≤ λ2 ≤ … ≤ λn relativement à C d'un réseau Γ sont définis par :
λj est le plus petit réel λ pour lequel λC contient j vecteurs de Γ linéairement indépendants.
Avec cette définition, le premier théorème de Minkowski pour un convexe C compact (et symétrique) se reformule en :
Pour tout réseau de covolume V, le premier minimum relativement à C vérifie : .
Soient, dans , un réseau Γ de covolume V et un convexe C symétrique par rapport à , compact et de volume non nul.
Les minima successifs de Γ relativement à C vérifient[5] :
- .
Notes et références
modifier- ↑ Hans Blichfeldt (1873-1945), mathématicien danois-américain.
- ↑ W. M. Schmidt, Diophantine Approximation, Springer, coll. « Lecture Notes in Mathematics » (no 785), 1996 [lire en ligne], p. 42 et 98.
- ↑ J. W. S. Cassels, An Introduction to Diophantine Approximation, coll. « Cambridge Tracts in Mathematics and Mathrmatical Physics » (no 45), 1965 [lire en ligne], chap.V (« Transference theorems »).
- ↑ Baker, p. 58.
- ↑ La preuve de Minkowski a été éclaircie par Martin Henk, « Successive Minima and Lattice Points », sur arXiv, .