Théorie des groupes/Simplicité des groupes linéaires spéciaux projectifs

Début de la boite de navigation du chapitre

L'objet de ce chapitre est de prouver que si V est un espace vectoriel de dimension finie n au moins égale à 2 sur un corps commutatif K, le groupe linéaire spécial projectif PSL(V) (qu'on définira) est simple, sauf dans le cas où n est égal à 2 et le cardinal de K à 2 ou à 3.

Simplicité des groupes linéaires spéciaux projectifs
Icône de la faculté
Chapitre no 34
Leçon : Théorie des groupes
Chap. préc. :Opérations transitives, plusieurs fois transitives et primitives
Chap. suiv. :Intermède : groupes simples d'ordre 168

Exercices :

Simplicité des groupes linéaires spéciaux projectifs
fin de la boite de navigation du chapitre
En raison de limitations techniques, la typographie souhaitable du titre, « Théorie des groupes : Simplicité des groupes linéaires spéciaux projectifs
Théorie des groupes/Simplicité des groupes linéaires spéciaux projectifs
 », n'a pu être restituée correctement ci-dessus.

On trouvera dans Marc Hindry, Université Paris 7, Cours d’algèbre au magistère de Cachan, en ligne, une démonstration un peu différente de celle qui suit.

Conventions et rappels sur les matrices

modifier

Voir le chapitre Groupes linéaires.

Généralités sur les groupes linéaires, linéaires spéciaux et linéaires spéciaux projectifs

modifier

V étant un espace vectoriel sur un corps commutatif K, nous appellerons automorphisme de V toute permutation K-linéaire de V.



Démonstration : c'est un résultat classique d'algèbre linéaire, déjà rappelé au chapitre Groupes linéaires.


Il est clair que SL(V) est le noyau de l'homomorphisme   de GL(V) dans K - {0} et est donc un sous-groupe normal de GL(V).


Démonstration. Notions classiques sur les déterminants.


Remarque. Nous adoptons ici une terminologie selon laquelle, par définition, une homothétie d'un espace vectoriel non nul est non nulle. Selon une autre terminologie, l'endomorphisme nul est lui aussi une homothétie.

On vérifie facilement que si V n’est pas nul, le scalaire   est défini de manière unique à partir de f et que   définit un isomorphisme du groupe multiplicatif K - {0} sur Z(V). Le scalaire   est appelé le rapport de l'homothétie f et f est appelée l'homothétie de rapport  . On vérifie facilement que tout automorphisme d'un espace vectoriel de dimension 1 est une homothétie.


Démonstration. Voir Application linéaire/Exercices/Application directe#Applications linéaires proportionnelles.

Au lieu de « groupe linéaire spécial projectif », on rencontre aussi « groupe projectif spécial linéaire » et « groupe projectif unimodulaire[1] ».

Définition et caractérisations des transvections

modifier
Début d'un lemme
Fin du lemme

Il est clair que si V admet au moins une transvection, sa dimension n est au moins égale à 2. D'autre part, pour un endomorphisme de V distinct de l'identité, le sous-espace des vecteurs fixes est de dimension < n. Il en résulte que l'hyperplan dont il est question dans la définition d'une transvection est unique : c'est l'ensemble des vecteurs qu'elle fixe.

Démonstration. Cela résulte du lemme 6. ◻

(Si  ,   est donc la matrice identité.)


L'expression « matrice élémentaire de transvection » est justifiée par le théorème qui suit.

Début d’un théorème
Fin du théorème


Démonstration. Cela résulte de l'énoncé précédent, puisque les matrices d'un élément de GL(V) dans diverses bases sont toujours semblables dans GL(n, K). ◻

Début d’un théorème
Fin du théorème

Démonstration. Soient f et g deux transvections de V et B une base de V. D'après l'énoncé 9, les matrices de f et g dans B sont semblables dans GL(n, K), donc f et g sont conjuguées dans GL(V). ◻

Remarque. Si la dimension de V est au moins égale à 3, on peut même prouver (voir les exercices[2]) que les transvections de V sont toutes conjuguées dans SL(V), mais cela ne nous servira pas.


Si la forme   et le vecteur h sont non nuls, il résulte du théorème 8 que   est une transvection.

Notons que si f est une transvection, la forme non nulle   et le vecteur non nul   du noyau de   tels que   ne sont pas définis de manière unique, mais seulement à un facteur scalaire de proportionnalité près, comme le montre le point iii) du lemme suivant.

Début d'un lemme
Fin du lemme

Démonstration. Les deux assertions du point (i) et le point (ii) se démontrent par un calcul facile.

Remarque. Le point (ii) peut se déduire du point (iv). On note d’abord que si   est nul, les deux membres de (ii) sont égaux à l'identité. Dans le cas où   n’est pas nul, on pose   dans (iv) et on y remplace   par  .

Engendrement de SL(V) par les transvections

modifier

Démonstration. Calcul facile.

Démonstration. Calcul facile.

Début d’un théorème
Fin du théorème

Démonstration. Soient n la dimension de V et K son corps de base. Choisissons une base   de V. Si f est un élément de SL(V), la matrice M(f) de f dans la base   est un élément de SL(n, K) et   définit un isomorphisme   de SL(V) sur SL(n, K). D'après le lemme 15, les matrices élémentaires de transvection engendrent SL(n, K), donc les images de ces matrices par   engendrent SL(V). D'après le théorème 8, ces images sont des transvections de V, d'où la thèse.

Action de SL(V) sur l'espace projectif P(V)

modifier


La relation d'équivalence en question (la colinéarité) revient à dire que v et w sont des vecteurs non nuls de V et qu’il existe un scalaire (non nul)   tel que  

Nous noterons [v] la classe d'un vecteur de V - {0} selon cette relation d'équivalence. Cette classe est évidemment égale à Kv - {0}.

Soit f un élément de GL(V). Si v et w sont des vecteurs de V - {0} tels que [v] = [w], alors [f(v)] = [f(w)]. (En effet, il existe un scalaire   tel que   d'où  .) Ceci montre que la relation d'équivalence considérée dans V - {0} est « compatible » avec l'opération naturelle de GL(V) sur V - {0}. On en tire facilement qu’il existe une et une seule opération   de GL(V) sur P(V) telle que, pour tout élément f de GL(V) et tout vecteur x de V - {0},

 

Puisque SL(V) est un sous-groupe de GL(V), cette opération de GL(V) sur P(V) induit une opération de SL(V) sur P(V). Quand nous parlerons de l'opération de SL(V) sur P(V), il s'agira toujours de l'opération qui vient d’être définie.

Début d’un théorème
Fin du théorème
Début d’un théorème
Fin du théorème


 
Avertissement :
Rappelons qu'un groupe est dit parfait s'il est égal à son dérivé.
Début d’un théorème
Fin du théorème

Démonstration. Prouvons que si   ou   alors SL(V) est parfait. Si   SL(V) est réduit à l'élément neutre et est donc parfait. Nous pouvons donc supposer dim(V) > 1.

Puisque, d’après le théorème 16, SL(V) est engendré par les transvections, il suffit, pour prouver que SL(V) est parfait, de prouver que toute transvection de V est un commutateur d'éléments de SL(V).

Comme toutes les transvections de G sont conjuguées dans GL(V), il suffit même de prouver que l'une d'entre elles est un tel commutateur.

Soit n la dimension de V.

Supposons d’abord  

Soient A une base de V et t, f, g les endomorphismes de V de matrices respectives   dans A (ce sont des transvections, d'après le théorème 8). D'après ce qui précède,  . Ainsi, la transvection t est un commutateur d'éléments de SL(V), ce qui démontre notre thèse dans le cas où  .

Reste le cas où   et  

Il existe alors un scalaire   tel que   et  

Soient A une base de V et t, f, g les endomorphismes de V de matrices respectives   dans A.

 

donc

 .

Ainsi, là encore, la transvection t est un commutateur d'éléments de SL(V), ce qui achève de prouver que si dim(V) est différent de 2 ou |K| au moins égal à 4, alors SL(V) est parfait.

Début d’un théorème
Fin du théorème

Démonstration. Supposons que   ou   et prouvons que PSL(V) est simple. Nous allons appliquer le critère d'Iwasawa.

Désignons par G le groupe SL(V). D'après le théorème 20, l'opération de G sur P(V) est deux fois transitive et donc primitive.

Choisissons un élément h de V - {0} et posons

 

  désigne l’ensemble des formes K-linéaires sur V.

H est donc formé de la permutation identique de V et de certaines transvections de V.

Tout élément de H fixe h et fixe donc [h], donc H est contenu dans le stabilisateur  

On tire facilement du lemme 12, seconde assertion du point (i), que H est un sous-groupe de   et que ce sous-groupe est commutatif.

Prouvons que H est normal dans  .

Prouvons maintenant que les conjugués de H dans G = SL(V) engendrent G = SL(V).

Ainsi, H est un sous-groupe commutatif de   et les conjugués de H dans G = SL(V) engendrent SL(V). De plus, d’après le théorème 21, le groupe G = SL(V) est parfait. Toutes les hypothèses du critère d'Iwasawa (partie b)) sont donc satisfaites. Dès lors, si nous désignons par N le noyau de l'opération de SL(V) sur P(V), le groupe quotient SL(V)/N est simple. Nous avons vu (théorème 17) que N est le groupe SZ(V) des homothéties de déterminant 1, donc SL(V)/N = PSL(V), donc PSL(V) est simple dans nos hypothèses.

Remarque. Le lecteur peut vérifier que la partie a) du critère d'Iwasawa, utilisée comme on a utilisé la partie b) de ce critère dans la démonstration du théorème qui précède, permet d'énoncer le théorème suivant (dont le théorème 22 est un conséquence immédiate) :

Début d’un théorème
Fin du théorème


Notation numérique PSL(n, q)

modifier

On démontre en algèbre que

1° tout corps fini est commutatif ;
2° deux corps finis de même cardinal sont toujours isomorphes ;
3° tout corps fini a pour cardinal une puissance   de nombre premier, avec   premier et   ;
4° pour tout nombre premier   et tout nombre naturel  , il existe des corps de cardinal   (tous isomorphes d'après le point 2°).

D'autre part, on vérifie facilement que si K et L sont deux corps isomorphes, alors, pour tout nombre naturel  , pour tout K-espace vectoriel V de dimension  , pour tout L-espace vectoriel W de dimension  , le groupe PSL(V) et le groupe PSL(W) sont isomorphes. Donc, étant donné un nombre naturel n et un nombre de la forme  , avec   premier et  , on peut définir, à isomorphisme près, un groupe  , dont on se contente de savoir qu'il est isomorphe à PSL(V) pour n'importe quel espace vectoriel V de dimension   sur n'importe quel corps K de cardinal  .

Notes et références

modifier
  1. E. Artin, Algèbre géométrique, tr. fr. M. Lazard, Gauthier-Villars, 1962, réimpr. J. Gabay, 1996, p. 167.
  2. Ou encore J. J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, 4e éd., tirage de 1999, p. 231.