Théorie des groupes/Simplicité des groupes linéaires spéciaux projectifs
L'objet de ce chapitre est de prouver que si V est un espace vectoriel de dimension finie n au moins égale à 2 sur un corps commutatif K, le groupe linéaire spécial projectif PSL(V) (qu'on définira) est simple, sauf dans le cas où n est égal à 2 et le cardinal de K à 2 ou à 3.
On trouvera dans Marc Hindry, Université Paris 7, Cours d’algèbre au magistère de Cachan, en ligne, une démonstration un peu différente de celle qui suit.
Conventions et rappels sur les matrices
modifierVoir le chapitre Groupes linéaires.
Généralités sur les groupes linéaires, linéaires spéciaux et linéaires spéciaux projectifs
modifierV étant un espace vectoriel sur un corps commutatif K, nous appellerons automorphisme de V toute permutation K-linéaire de V.
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K. Le groupe des automorphismes de V (la loi de groupe étant la composition des applications) est appelé le groupe linéaire général de V et noté GL(V).
Soient n un entier naturel et K un corps commutatif. Le groupe (multiplicatif) des matrices non singulières à coefficients dans K est noté GL(n, K).
Si V est un espace vectoriel de dimension finie n sur un corps commutatif K et B une base de V, l’application qui fait correspondre à un automorphisme de V sa matrice dans la base B est un isomorphisme de GL(V) sur GL(n, K).
Démonstration : c'est un résultat classique d'algèbre linéaire, déjà rappelé au chapitre Groupes linéaires.
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K. Le sous-groupe de GL(V) formé par les automorphismes de déterminant 1 est appelé le groupe linéaire spécial de V et noté SL(V).
Il est clair que SL(V) est le noyau de l'homomorphisme de GL(V) dans K - {0} et est donc un sous-groupe normal de GL(V).
Soient n un entier naturel et K un corps commutatif. Le groupe (multiplicatif) des matrices unimodulaires (c'est-à-dire de déterminant égal à 1) à coefficients dans K est noté SL(n, K).
Si V est un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K et B une base de V, l’application qui fait correspondre à un élément de SL(V) (automorphisme de déterminant 1) sa matrice dans la base B est un isomorphisme de SL(V) sur SL(n, K).
Démonstration. Notions classiques sur les déterminants.
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K. Un élément f de GL(V) est appelé une homothétie de V s'il existe un scalaire (non nul) tel que , autrement dit tel que pour tout élément x de V, Les homothéties de V forment clairement un sous-groupe de GL(V). Ce sous-groupe est noté Z(V).
Remarque. Nous adoptons ici une terminologie selon laquelle, par définition, une homothétie d'un espace vectoriel non nul est non nulle. Selon une autre terminologie, l'endomorphisme nul est lui aussi une homothétie.
On vérifie facilement que si V n’est pas nul, le scalaire est défini de manière unique à partir de f et que définit un isomorphisme du groupe multiplicatif K - {0} sur Z(V). Le scalaire est appelé le rapport de l'homothétie f et f est appelée l'homothétie de rapport . On vérifie facilement que tout automorphisme d'un espace vectoriel de dimension 1 est une homothétie.
Les homothéties dont le déterminant est égal à 1 forment le sous-groupe Z(V)∩SL(V) de GL(V). Ce sous-groupe est noté SZ(V).
Soient V un espace vectoriel sur un corps commutatif K et f un automorphisme de V. Pour que f soit une homothétie, (il faut et) il suffit que pour tout élément x de V, il existe un scalaire a tel que f(x) = ax.
Démonstration. Voir Application linéaire/Exercices/Application directe#Applications linéaires proportionnelles.
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K.
Le centralisateur de SL(V) dans GL(V) est Z(V).
Le centre de GL(V) est Z(V) et le centre de SL(V) est SZ(V).
Soient a un scalaire non nul et f un élément de GL(V). La relation f(ax) = a f(x), vraie pour tout élément x de V, montre que donc toute homothétie commute avec tout élément de GL(V) et, en particulier, avec tout élément de SL(V).
Prouvons maintenant que si un élément f de GL(V) commute avec tout élément de SL(V), c’est une homothétie. Il revient au même de prouver que si f n’est pas une homothétie, il ne commute pas avec tout élément de SL(V). D'après l'énoncé 3, il existe un élément x de V tel que x et f(x) soient linéairement indépendants. Complétons (x, f(x)) en une base B = (x, f(x), x3, ... , xn) de V. Soit g l'endomorphisme de V tel que
- pour tout
Le déterminant de g est égal à 1 (par exemple parce que la matrice de g dans la base B est une matrice triangulaire supérieure dont tous les coefficients diagonaux sont égaux à 1), donc g appartient à SL(V). Enfin, f et g ne commutent pas car, par définition de g, g(f(x)) = x + f(x) et, d’autre part, f(g(x)) = f(x).
Nous avons donc prouvé que toute homothétie commute avec tout élément de GL(V) et que si un élément de GL(V) commute avec tout élément de SL(V), c’est une homothétie. Il en résulte clairement que le groupe Z(V) des homothéties est le centralisateur de SL(V) dans GL(V) et est aussi le centre de GL(V). Le centre de SL(V) est donc SL(V)∩Z(V), c'est-à-dire SZ(V).
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif. Le groupe quotient de SL(V) par son centre SZ(V) est appelé le groupe linéaire spécial projectif de V et noté PSL(V).
Au lieu de « groupe linéaire spécial projectif », on rencontre aussi « groupe projectif spécial linéaire » et « groupe projectif unimodulaire[1] ».
Soit V un espace vectoriel non nul de dimension finie n sur un corps (commutatif) fini K à q éléments. (D'après un résultat classique d'algèbre, q est alors une puissance de nombre premier.) Alors
La première relation de l'énoncé a été démontrée dans le chapitre Groupes linéaires.
Puisque V est supposé non nul, l'homomorphisme est surjectif. Comme SL(V) est le noyau de cet homomorphisme, le premier théorème d'isomorphisme donne
d'où la valeur de donnée dans l'énoncé.
Si a est un scalaire non nul, le déterminant de l'homothétie a idV est an, donc (puisque définit un isomorphisme du groupe multiplicatif K - {0} sur Z(V)), est le nombre d'éléments a de K - {0} tels que an = 1. On sait (chapitre Automorphismes d'un groupe cyclique) que le groupe multiplicatif K - {0} est un groupe cyclique d'ordre q - 1, donc, d’après le chapitre Groupes monogènes, ordre d'un élément, le nombre d'éléments a de K - {0} tels que an = 1 est pgcd(n, q - 1), d'où la valeur de donnée dans l'énoncé.
Puisque PSL(V) = SL(V)/SZ(V), la quatrième assertion de l'énoncé résulte de la seconde et de la troisième.
Définition et caractérisations des transvections
modifierSoient V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K, H un hyperplan de V et f un endomorphisme de V fixant chaque vecteur de H. Si désigne le déterminant de f alors, pour tout vecteur de V,
De plus, est le seul scalaire possédant cette propriété.
Choisissons une base de H et un vecteur de V - H. Alors forment une base de V.
Soit où les sont des scalaires. Alors, la matrice de f dans la base de V est
On a donc :
- (mineurs de la dernière ligne) ;
- (forme de la matrice ) autrement dit, pour tout vecteur , .
Si est un scalaire possédant la même propriété, on a en particulier d'où (puisque ) .
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif. Un endomorphisme de V est appelé une transvection de V s'il est distinct de l'identité, qu’il a pour déterminant 1 et qu’il existe un hyperplan dont il fixe chaque vecteur.
Il est clair que si V admet au moins une transvection, sa dimension n est au moins égale à 2. D'autre part, pour un endomorphisme de V distinct de l'identité, le sous-espace des vecteurs fixes est de dimension < n. Il en résulte que l'hyperplan dont il est question dans la définition d'une transvection est unique : c'est l'ensemble des vecteurs qu'elle fixe.
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K. Un endomorphisme f de V est une transvection si et seulement si est un hyperplan et contient .
Démonstration. Cela résulte du lemme 6. ◻
Pour i et j distincts dans {1, 2, ... , n} et pour scalaire, nous noterons la matrice à n lignes et n colonnes dont le coefficient de la i-ème ligne et de la j-ème colonne est égal à et dont tout autre coefficient est égal au coefficient correspondant de la matrice identité. (Le nombre n est sous-entendu dans la notation.)
(Si , est donc la matrice identité.)
Soient K un corps commutatif et n un nombre naturel. Une matrice élémentaire de transvection est une matrice de la forme
- avec
(et i, j distincts dans {1, 2, ... , n}).
L'expression « matrice élémentaire de transvection » est justifiée par le théorème qui suit.
Soient V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K et f un endomorphisme de V. Les conditions suivantes sont équivalentes :
i) f est une transvection ;
ii) il existe une forme linéaire non nulle sur V et un vecteur non nul tels que pour tout vecteur de V, ;
iii) il existe une base de V dans laquelle f a pour matrice
iv) il existe une base de V dans laquelle la matrice de f est une matrice élémentaire de transvection.
i) ⇒ ii) Si f est une transvection, d'après le lemme 7, a pour noyau un hyperplan, c'est-à-dire le noyau d'une forme linéaire surjective . Soit tel que . Toujours d'après le lemme 7, le vecteur appartient à H. Par linéarité, on a pour tout .
ii) ⇒ iii) S'il existe une forme linéaire et un vecteur de l'hyperplan tels que , complétons en une base de H et choisissons un vecteur tel que . Alors, est une base de V dans laquelle f a pour matrice .
iii) ⇒ iv) Immédiat.
iv) ⇒ i) S'il existe une base de V dans laquelle f a pour matrice , avec et , alors est l'hyperplan et . D'après le lemme 7, est donc une transvection.
Soient V un espace vectoriel de dimension finie n sur un corps commutatif K, f une transvection de V et B une base de V. La matrice de f dans B est semblable dans GL(n, K) à la matrice élémentaire de transvection .
Démonstration. Cela résulte de l'énoncé précédent, puisque les matrices d'un élément de GL(V) dans diverses bases sont toujours semblables dans GL(n, K). ◻
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K. Toutes les transvections de V sont conjuguées dans GL(V).
Démonstration. Soient f et g deux transvections de V et B une base de V. D'après l'énoncé 9, les matrices de f et g dans B sont semblables dans GL(n, K), donc f et g sont conjuguées dans GL(V). ◻
Remarque. Si la dimension de V est au moins égale à 3, on peut même prouver (voir les exercices[2]) que les transvections de V sont toutes conjuguées dans SL(V), mais cela ne nous servira pas.
Soient V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K, une forme linéaire sur V et un vecteur appartenant au noyau de ; on notera l'endomorphisme de V.
Si la forme et le vecteur h sont non nuls, il résulte du théorème 8 que est une transvection.
Notons que si f est une transvection, la forme non nulle et le vecteur non nul du noyau de tels que ne sont pas définis de manière unique, mais seulement à un facteur scalaire de proportionnalité près, comme le montre le point iii) du lemme suivant.
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K.
(i) Si est une forme linéaire sur V, si h, k sont des vecteurs du noyau de , alors
Si et sont des formes linéaires sur V, si h est un vecteur des noyaux de et de , alors
(ii) Si est une forme linéaire sur V et un vecteur de alors, pour tout scalaire ,
(iii) Si et sont des formes linéaires sur V, si h (resp. k) est un vecteur du noyau de (resp. ) et si et h sont non nuls, alors la condition équivaut à ce qu’il existe un scalaire tel que
- et
(iv) Si est une forme linéaire sur V et h un vecteur de , si f est un élément de GL(V), alors
Démonstration. Les deux assertions du point (i) et le point (ii) se démontrent par un calcul facile.
S'il existe un scalaire tel que et nous avons, d’après (ii),
Réciproquement, soient des formes linéaires sur V, h un vecteur non nul de et k un vecteur de tels que
Pour tout vecteur de V, nous avons donc
d'où
Puisque est non nulle, il existe un vecteur v de V tel que , et même un vecteur w (à savoir ) tel que . En posant on obtient : .
Par conséquent, k est (comme h) non nul ( aussi, d'ailleurs) et pour tout vecteur de V,
donc (donc ).
Pour tout , en notant on trouve :
et
- .
Remarque. Le point (ii) peut se déduire du point (iv). On note d’abord que si est nul, les deux membres de (ii) sont égaux à l'identité. Dans le cas où n’est pas nul, on pose dans (iv) et on y remplace par .
Engendrement de SL(V) par les transvections
modifierSoient K un corps commutatif, un élément de K, n un nombre naturel, i et j deux indices distincts dans {1, 2, ..., n} et M une matrice à coefficients dans K. La matrice est la matrice qu'on obtient en ajoutant fois la j-ème ligne de M à sa i-ème ligne.
Démonstration. Calcul facile.
Soient K un corps commutatif, n un nombre naturel, i et j deux indices distincts dans {1, 2, ..., n}. Pour tous scalaires
En particulier, l'inverse de la matrice est la matrice donc l'inverse d'une matrice élémentaire de transvection est une matrice élémentaire de transvection.
Démonstration. Calcul facile.
Soient K un corps commutatif et n un nombre naturel. Le groupe SL(n, K) est engendré par les matrices élémentaires de transvection.
Nous allons raisonner par récurrence sur n. Pour n = 1, le groupe SL(n, K) est réduit à l'élément neutre et l’ensemble des matrices élémentaires de transvection est vide, donc l'énoncé est banalement vrai. Soit ; supposons que l'énoncé soit vrai pour n – 1 au lieu de n et prouvons-le pour n. D'après les deux énoncés précédents, il suffit de prouver que si M est une matrice appartenant à SL(n, K), on peut obtenir la matrice identité à partir de M par des applications répétées de l'opération suivante : ajouter à une ligne de la matrice le produit d'une autre ligne par un scalaire.
Cette opération ne modifie pas le déterminant (par exemple parce qu'elle revient à multiplier à gauche par une matrice de transvection élémentaire), donc toutes les matrices que nous obtiendrons ainsi à partir de M appartiendront à SL(n, K).
Soit Puisque et en particulier la première colonne de M n’est pas nulle. Si sont tous nuls, alors ne l'est pas et en ajoutant la première ligne à la seconde, on obtient une matrice où le second coefficient de la première colonne est non nul. Cela montre que, dans tous les cas, on peut obtenir à partir de M, par une ou par zéro opérations du type considéré, une matrice où au moins un des coefficients , soit (avec ), est non nul. En ajoutant à la première ligne un multiple convenable de la i-ème ligne, nous obtenons une matrice dont le coefficient supérieur gauche est égal à 1. En ajoutant à la seconde, à la troisième, ..., à la n-ième ligne un multiple convenable de la première, nous obtenons une matrice de la forme
Désignons par N la matrice
Puisque , il est clair que det(N) = 1 (voir les mineurs de la première colonne de ). Par hypothèse de récurrence, des opérations du type considéré transforment la matrice
en la matrice : il en résulte clairement que des opérations du type considéré transforment la matrice en la matrice
Ajouter fois la seconde ligne à la première remplace par 0 et ne change pas les autres coefficients. Ensuite, ajouter fois la troisième ligne à la première remplace par 0 et ne change pas les autres coefficients. En poursuivant, on obtiendra la matrice identité, comme annoncé.
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif. Les transvections de V engendrent SL(V).
Démonstration. Soient n la dimension de V et K son corps de base. Choisissons une base de V. Si f est un élément de SL(V), la matrice M(f) de f dans la base est un élément de SL(n, K) et définit un isomorphisme de SL(V) sur SL(n, K). D'après le lemme 15, les matrices élémentaires de transvection engendrent SL(n, K), donc les images de ces matrices par engendrent SL(V). D'après le théorème 8, ces images sont des transvections de V, d'où la thèse.
Action de SL(V) sur l'espace projectif P(V)
modifierSoit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K. L'ensemble des classes de la relation d'équivalence Kv = Kw entre éléments v, w de V - {0} est appelé l'espace projectif (associé à V) et noté P(V).
La relation d'équivalence en question (la colinéarité) revient à dire que v et w sont des vecteurs non nuls de V et qu’il existe un scalaire (non nul) tel que
Nous noterons [v] la classe d'un vecteur de V - {0} selon cette relation d'équivalence. Cette classe est évidemment égale à Kv - {0}.
Soit f un élément de GL(V). Si v et w sont des vecteurs de V - {0} tels que [v] = [w], alors [f(v)] = [f(w)]. (En effet, il existe un scalaire tel que d'où .) Ceci montre que la relation d'équivalence considérée dans V - {0} est « compatible » avec l'opération naturelle de GL(V) sur V - {0}. On en tire facilement qu’il existe une et une seule opération de GL(V) sur P(V) telle que, pour tout élément f de GL(V) et tout vecteur x de V - {0},
Puisque SL(V) est un sous-groupe de GL(V), cette opération de GL(V) sur P(V) induit une opération de SL(V) sur P(V). Quand nous parlerons de l'opération de SL(V) sur P(V), il s'agira toujours de l'opération qui vient d’être définie.
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif. Le noyau de l'opération de SL(V) sur P(V) est SZ(V).
Il suffit clairement de prouver que le noyau de l'opération de GL(V) sur P(V) est le groupe Z(V) des homothéties de V.
Un élément f de GL(V) appartient au noyau de cette opération si et seulement si, pour tout vecteur non nul v de V, [f(v)] = [v]. Autrement dit, un élément f de GL(V) appartient au noyau de l'opération de GL(V) sur P(V) si et seulement si, pour tout vecteur non nul v de V, il existe un scalaire tel que Or, d’après l'énoncé 3, un élément f de GL(V) possède cette propriété si et seulement si c’est une homothétie.
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K, soient deux vecteurs linéairement indépendants dans V, soient de même deux vecteurs linéairement indépendants dans V. Il existe (au moins) un élément f de SL(V) tel que et que soit colinéaire à .
Classiquement, il existe telle que et : prolonger (resp. ) en une base (resp. ) de V et prendre pour g par exemple l'automorphisme de V qui, pour tout , applique sur .
Soit le déterminant de g. Désignons par h l'automorphisme de V qui applique sur et qui fixe pour tout , et posons Ainsi, , et
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif. Le groupe SL(V) agit transitivement sur V - {0}.
Soient et deux vecteurs de V - {0}. Puisque V est supposé de dimension nous pouvons choisir et dans V - {0} tels que et (resp. et ) soient linéairement indépendants. D'après l'énoncé 18, il existe un élément f de SL(V) tel que .
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif. Le groupe SL(V) agit de façon deux fois transitive sur P(V).
Puisque V est de dimension il est clair que P(V) compte au moins deux éléments. Il reste à prouver que si (resp. ) sont deux différents éléments de P(V), il existe un élément f de SL(V) tel que et .
Puisque les vecteurs sont linéairement indépendants. De même, les vecteurs sont linéairement indépendants. Donc, d’après l'énoncé 18, il existe un élément f de SL(V) tel que et que soit colinéaire à . Notre thèse en résulte.
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K. Le groupe SL(V) est parfait sauf dans le cas où dim(V) est égal à 2 et |K| à 2 ou à 3.
Démonstration. Prouvons que si ou alors SL(V) est parfait. Si SL(V) est réduit à l'élément neutre et est donc parfait. Nous pouvons donc supposer dim(V) > 1.
Puisque, d’après le théorème 16, SL(V) est engendré par les transvections, il suffit, pour prouver que SL(V) est parfait, de prouver que toute transvection de V est un commutateur d'éléments de SL(V).
Comme toutes les transvections de G sont conjuguées dans GL(V), il suffit même de prouver que l'une d'entre elles est un tel commutateur.
Soit f une transvection de V de la forme avec g, h dans SL(V), soit une transvection quelconque de V. D'après le théorème 10, et sont des éléments conjugués de GL(V). Donc si, pour tous éléments s, t de GL(V), nous posons , il existe un élément u de GL(V) tel que
Ceci peut s'écrire
Puisque g et h appartiennent à SL(V), et appartiennent eux aussi à SL(V) (car, comme noté plus haut, SL(V) est normal dans GL(V)), donc est un commutateur d'éléments de SL(V).
Nous avons donc prouvé que s'il existe une transvection de V qui est un commutateur d'éléments de SL(V), alors toute transvection de V est un commutateur d'éléments de SL(V). Il nous suffit donc, comme annoncé, de prouver qu’il existe une transvection de V qui est un commutateur d'éléments de SL(V).
Soit n la dimension de V.
Supposons d’abord
Démontrons plus généralement que si i, j, k sont trois indices distincts dans {1, 2, ..., n} alors, pour tous scalaires a, b,
(c'est la deuxième relation de Steinberg).
Écrivons , où 1 désigne la matrice identité et Ei,j la matrice dont tous les coefficients sont nuls sauf celui de la i-ème ligne et de la j-ème colonne, qui est égal à 1.
Comme déjà noté, l'inverse de Bi,j(a) est Bi,j(-a) = 1 - aEi,j.
En développant le premier membre de (1), on obtient une somme où tous les produits Er,sEt,u autres que Ei,jEj,k = Ei,k sont nuls.
Soient A une base de V et t, f, g les endomorphismes de V de matrices respectives dans A (ce sont des transvections, d'après le théorème 8). D'après ce qui précède, . Ainsi, la transvection t est un commutateur d'éléments de SL(V), ce qui démontre notre thèse dans le cas où .
Reste le cas où et
Il existe alors un scalaire tel que et
Soient A une base de V et t, f, g les endomorphismes de V de matrices respectives dans A.
donc
- .
Ainsi, là encore, la transvection t est un commutateur d'éléments de SL(V), ce qui achève de prouver que si dim(V) est différent de 2 ou |K| au moins égal à 4, alors SL(V) est parfait.
- Première méthode. D’après l'énoncé 5, SL(V) est d'ordre égal à 6 ou à 24. D'après un exercice du chapitre Premiers résultats sur les groupes simples, tout groupe d'ordre < 60 est résoluble, donc SL(V) est résoluble. Il est clair qu'un groupe résoluble non réduit à l'élément neutre n’est pas parfait (car on a vu au chapitre Groupes résolubles qu'un groupe résoluble non réduit à l'élément neutre est distinct de son dérivé), donc SL(V) n’est pas parfait.
- Deuxième méthode. SL(2, 2) = GL(2, 2) est isomorphe au groupe symétrique S3 et SL(2, 3) est un produit semi-direct . Les sous-groupes dérivés sont respectivement inclus dans (en fait égaux à) A3 et Q8.
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K. Le groupe PSL(V) est simple sauf dans le cas où n est égal à 2 et |K| égal à 2 ou à 3.
Démonstration. Supposons que ou et prouvons que PSL(V) est simple. Nous allons appliquer le critère d'Iwasawa.
Désignons par G le groupe SL(V). D'après le théorème 20, l'opération de G sur P(V) est deux fois transitive et donc primitive.
Choisissons un élément h de V - {0} et posons
où désigne l’ensemble des formes K-linéaires sur V.
H est donc formé de la permutation identique de V et de certaines transvections de V.
Tout élément de H fixe h et fixe donc [h], donc H est contenu dans le stabilisateur
On tire facilement du lemme 12, seconde assertion du point (i), que H est un sous-groupe de et que ce sous-groupe est commutatif.
Prouvons que H est normal dans .
Soit f un élément de . Il s'agit de prouver que si est une forme linéaire sur V telle que alors
D'après le lemme 12, (iv),
Puisque f appartient à f(h) est de la forme pour un certain scalaire non nul, donc, d’après le lemme 12, (ii), notre relation (2) peut s'écrire
ce qui prouve notre thèse (1).
Prouvons maintenant que les conjugués de H dans G = SL(V) engendrent G = SL(V).
D'après le théorème 16, SL(V) est engendré par les transvections de V, donc il suffit de prouver que toute transvection de V est conjuguée dans SL(V) d'une transvection appartenant à H, c'est-à-dire d'une transvection de la forme , où h est le vecteur que nous avons choisi et une forme linéaire non nulle sur V telle que Soit donc une transvection de V, où est une forme linéaire non nulle et k un vecteur non nul tel que Il s'agit de prouver que est conjuguée dans SL(V) d'une transvection de la forme Nous avons vu (corollaire 19) que SL(V) opère transitivement sur V - {0}, donc il existe un élément f de SL(V) tel que f(h) = k. Posons Alors h appartient au noyau de donc est une transvection et, d’après le lemme 12, (iv),
ce qui prouve bien que toute transvection de V est conjuguée dans SL(V) d'une transvection appartenant à H.
Ainsi, H est un sous-groupe commutatif de et les conjugués de H dans G = SL(V) engendrent SL(V). De plus, d’après le théorème 21, le groupe G = SL(V) est parfait. Toutes les hypothèses du critère d'Iwasawa (partie b)) sont donc satisfaites. Dès lors, si nous désignons par N le noyau de l'opération de SL(V) sur P(V), le groupe quotient SL(V)/N est simple. Nous avons vu (théorème 17) que N est le groupe SZ(V) des homothéties de déterminant 1, donc SL(V)/N = PSL(V), donc PSL(V) est simple dans nos hypothèses.
- Première méthode. Si n est égal à 2 et |K| à 2 ou à 3 alors, d’après l'énoncé 5, l’ordre de PSL(V) est égal à 6 ou à 12. Par exemple parce qu'aucun groupe fini d'ordre < 60 et non premier n'est simple (voir un exercice du chapitre Premiers résultats sur les groupes simples).
- Deuxième méthode. PSL(2, 2) = GL(2, 2) est isomorphe au groupe symétrique S3 et PSL(2, 3) est isomorphe à A4. Ces deux groupes ne sont pas simples.
Remarque. Le lecteur peut vérifier que la partie a) du critère d'Iwasawa, utilisée comme on a utilisé la partie b) de ce critère dans la démonstration du théorème qui précède, permet d'énoncer le théorème suivant (dont le théorème 22 est un conséquence immédiate) :
Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K. On suppose qu'on n'a pas à la fois n = 2 et Si H est un sous-groupe normal de SL(V) non contenu dans le centre SZ(V) de SL(V), H est égal à SL(V) tout entier.
Notation numérique PSL(n, q)
modifierOn démontre en algèbre que
- 1° tout corps fini est commutatif ;
- 2° deux corps finis de même cardinal sont toujours isomorphes ;
- 3° tout corps fini a pour cardinal une puissance de nombre premier, avec premier et ;
- 4° pour tout nombre premier et tout nombre naturel , il existe des corps de cardinal (tous isomorphes d'après le point 2°).
D'autre part, on vérifie facilement que si K et L sont deux corps isomorphes, alors, pour tout nombre naturel , pour tout K-espace vectoriel V de dimension , pour tout L-espace vectoriel W de dimension , le groupe PSL(V) et le groupe PSL(W) sont isomorphes. Donc, étant donné un nombre naturel n et un nombre de la forme , avec premier et , on peut définir, à isomorphisme près, un groupe , dont on se contente de savoir qu'il est isomorphe à PSL(V) pour n'importe quel espace vectoriel V de dimension sur n'importe quel corps K de cardinal .
Notes et références
modifier- ↑ E. Artin, Algèbre géométrique, tr. fr. M. Lazard, Gauthier-Villars, 1962, réimpr. J. Gabay, 1996, p. 167.
- ↑ Ou encore J. J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, 4e éd., tirage de 1999, p. 231.