Topologie générale/Complétude
Diamètre d'une partie
modifierDans un espace métrique (E, d), le diamètre d'une partie non vide A est la borne supérieure (dans l'ensemble ordonné [0, +∞]) des distances entre deux points de A :
Ainsi, le diamètre d'une partie non vide est un réel positif si cette partie est bornée, et il vaut +∞ sinon.
Suite de Cauchy
modifierDéfinition
modifierUne suite dans un espace métrique est dite de Cauchy si
autrement dit si
ou encore si
Propriétés
modifierDans tout espace métrique :
- toute suite convergente est de Cauchy ;
- toute suite de Cauchy est bornée ;
- toute sous-suite d'une suite de Cauchy est elle-même de Cauchy ;
- une suite de Cauchy a au plus une valeur d'adhérence et si elle en a une, alors elle converge.
- Dans l'espace des suites bornées à valeurs dans un espace métrique E, muni de la distance uniforme, les suites de Cauchy forment un fermé ; si E est un espace vectoriel normé, ce fermé est un sous-espace vectoriel de l'espace des suites bornées ; si E est une algèbre normée, ce sous-espace est une sous-algèbre de l'algèbre des suites bornées.
- Supposons que , c'est-à-dire que pour tout , il existe un entier tel que . Alors, . La suite est donc bien de Cauchy.
- Soit une suite de Cauchy. Appliquons la définition pour . Il existe un entier tel que . Posons . Alors, l'ensemble des termes de la suite est inclus dans la boule fermée de centre et rayon . Par conséquent, il est borné.
- Immédiat en utilisant que si est une sous-suite de alors .
- Une suite convergente dans un espace métrique possède une unique valeur d'adhérence, à savoir sa limite. La première affirmation découle donc de la seconde. Soit (dans un espace métrique) une suite de Cauchy admettant une valeur d'adhérence . Démontrons que . Pour tout , il existe (puisque la suite est de Cauchy) un entier tel que , et il existe (puisque est valeur d'adhérence) des tels que . Par inégalité triangulaire, on en déduit que .
- L'application qui à toute suite bornée associe est continue (et même lipschitzienne) donc l'ensemble des suites de Cauchy (image réciproque du singleton fermé ) est un fermé.
Lorsque E est un espace vectoriel normé, l'addition vectorielle et le produit des vecteurs par un réel fixé sont linéaires continues, donc uniformément continues et a fortiori Cauchy-continues (cf. point précédent).
Lorsque E est de plus une algèbre normée, la multiplication dans E est bilinéaire continue, donc lipschitzienne sur toute partie bornée et par conséquent, Cauchy-continue.
Espace complet
modifierDéfinition
modifierPropriétés
modifier- ℝ est complet (pour la distance usuelle d(x, y) = |x – y|).
- Tout sous-espace fermé d'un espace complet est complet.
- Tout sous-espace complet d'un espace métrique est fermé. (Donc ℚ, sous-espace métrique dense de ℝ, n'est pas complet car pas fermé dans ℝ.)
- Si (E, d) un espace métrique complet alors pour tout ensemble X, l'espace EX des applications de X dans E, muni de la distance uniforme, est complet.
- Tout produit fini ou dénombrable d'espaces métriques complets (muni d'une distance appropriée) est complet ; par exemple, ℝn est complet pour la distance associée à la norme ∥ ∥p, pour tout p ∈ [1, +∞].
Soit une suite de Cauchy dans ℝ.
- Elle est donc bornée, si bien qu'on peut en extraire une sous-suite convergente. On conclut en utilisant que toute suite de Cauchy admettant une sous-suite convergente est elle-même convergente.
- Une autre méthode consiste à remarquer que les deux suites et définies par et sont adjacentes donc convergent vers un même réel. On conclut grâce au théorème des gendarmes.
Dans un espace métrique complet, pour toute suite décroissante de fermés non vides dont le diamètre tend vers , l'intersection des est réduite à un point.
- Pour tout entier , choisissons un point dans . Alors la suite est de Cauchy. En effet, pour tout , il existe un rang tel que le diamètre de soit majoré par , si bien que . Cette suite est donc convergente car l'espace est complet.
- De plus, sa limite appartient à tous les . En effet, pour tout , la suite est à valeurs dans le fermé (puisque ) donc sa limite appartient à . On a donc prouvé que l'intersection des est non vide.
- Comme le diamètre de est majoré par ceux des , il est nul donc .
Soient un espace topologique, un espace métrique complet, une partie de , une fonction de dans , et un point adhérent à . Pour que admette une limite en , (il faut et) il suffit que
Soient
- X et Y deux espaces topologiques,
- E un espace métrique complet,
- a un point adhérent dans X à une partie A,
- b un point adhérent dans Y à une partie B et
- f une application de A × B dans E.
On suppose qu'il existe des applications g : A → E et h : B → E telles que
- uniformément sur A et
- simplement sur B.
Alors f possède une limite au point (a, b) ; en particulier, les limites de h en b et de g en a existent et sont égales :
Les deux hypothèses se traduisent par : pour tout ε > 0 :
- il existe un voisinage Uε de b tel que pour tout x dans A,
- ;
- pour tout y dans B, puisque : il existe un voisinage Vε,y de a tel que
- .
- En choisissant un yε dans Uε ∩ B et en prenant Wε = Vε,yε (voisinage de a), on a donc :
- .
Par ailleurs, pour tous , on déduit de que donc (par passage à la limite quand ) .
D'après le critère de Cauchy ci-dessus, h admet donc en b une limite , qui vérifie (en fixant et en passant à la limite quand ) : .
Pour tout , on en déduit :
- ,
ce qui prouve que :
- ;
- donc .
donc converge vers .
- Existence
- Soient un point quelconque de et pour tout entier naturel , . L'application — itérée fois de l'application — est -lipschitzienne donc
- On en déduit, par application réitérée de l'inégalité triangulaire :
- Ce majorant tend vers zéro quand tend vers l'infini, donc la suite est de Cauchy.
- Comme est complet, cette suite de Cauchy converge vers une limite , vérifiant (par passage à la limite quand tend vers l'infini) la majoration annoncée de l'erreur.
- Enfin, de , on déduit en passant à la limite et en utilisant la continuité de (car c'est une application lipschitzienne) que .
- Unicité
- Soient et deux points fixes de . On a alors d'où (puisque ) .
Continuité de Cauchy
modifierSoient et deux espaces métriques. Une application est dite Cauchy-continue si pour toute suite de Cauchy dans , la suite dans est de Cauchy.
- Toute application uniformément continue est Cauchy-continue et toute application Cauchy-continue est continue, et ces deux implications sont strictes. Cependant, toute fonction continue sur un espace complet est Cauchy-continue.
- Toute application Cauchy-continue sur une partie de et à valeurs dans un espace complet s'étend continûment (de façon évidemment unique) à l'adhérence de dans , et ce prolongement est encore Cauchy-continu.
- Toute application uniformément continue est Cauchy-continue : soit f une application uniformément continue de (E, d) dans (F, d'), c'est-à-dire :
- Toute application Cauchy-continue est continue : il suffit de démontrer la continuité séquentielle. Soient f une application Cauchy-continue de (E, d) dans (F, d') et (xn) une suite dans E de limite x. Alors, la suite (x0, x, x1, x, … ) est de Cauchy donc son image par f aussi, autrement dit (f(xn)) converge vers f(x).
- Les réciproques sont fausses : la fonction est Cauchy-continue mais pas uniformément continue ; la fonction est continue mais pas Cauchy-continue.
- Toute fonction continue sur un espace complet est Cauchy-continue : immédiat.
- Toute application Cauchy-continue sur une partie A et à valeurs dans un espace complet s'étend continûment à A : soient F complet et f : A → F Cauchy-continue. Tout point x de A est limite d'une suite (an) dans A. La suite (f(an)) est alors de Cauchy dans F donc convergente, et sa limite ne dépend que de x. En effet, si (bn) est une autre suite dans A qui converge vers x, alors la suite (a0, b0, a1, b1, …) est de Cauchy donc son image par f converge, si bien que (f(bn)) a même limite que (f(an)). On peut donc définir g : A → F par : g(x) est la limite de (f(an)), pour toute suite (an) dans A de limite x. En particulier — cas des suites constantes — g prolonge f. Enfin, g est continue car séquentiellement continue. En effet, pour toute suite (xn) dans A, on peut choisir une suite (an) dans A telle que d(an, xn) et d'(f(an), g(xn)) tendent vers 0. Si (xn) converge vers x, on en déduit alors que (an) aussi, donc f(an) converge vers g(x), donc g(xn) aussi.
- Ce prolongement g est Cauchy-continu : soit h le prolongement continu de f au complété de A (cf. point précédent et § ci-dessous), alors h est continu sur un complet donc Cauchy-continu, et g en est une restriction.
Complété d'un espace métrique
modifierPour tout espace métrique , il existe un espace métrique complet qui contient comme sous-espace dense.
Un tel est unique, à isomorphisme près d'espaces métriques complets contenant . On l'appelle le complété de .
- Première construction de . On peut plonger dans l'espace des fonctions bornées de dans , qui est complet pour la distance uniforme . C'est le plongement de Kuratowski : on fixe arbitrairement un point de et l'on définit une injection isométrique de dans en associant, à tout élément de , la fonction . On prend alors pour l'adhérence dans de l'image de (c'est un espace métrique complet, comme tout fermé dans un complet).
- Seconde construction de . On peut aussi, en mimant la construction des nombres réels par les suites de Cauchy de rationnels, construire comme un ensemble de classes d'équivalence de suites de Cauchy.
Notons l'ensemble des suites de Cauchy de et considérons l'application . Cette application est bien définie car, les suites et étant de Cauchy, la suite est une suite de Cauchy de , donc une suite convergente (car , muni de la distance usuelle, est complet). Cette application vérifie toutes les propriétés d'une distance sauf une : n'implique pas que .
On y remédie en quotientant par la relation d'équivalence définie par : . Sur l'ensemble quotient , on obtient une distance en posant : , où (resp. ) est un élément arbitraire de la classe (resp. ). Cette définition est indépendante des représentants choisis.
L'espace est plongé (isométriquement) dans ce quotient , par identification d'un élément de à la classe d'équivalence de la suite constante de valeur .
On obtient ainsi un espace complet dans lequel est dense. - Propriété universelle. Soit un espace complet dans lequel est dense (obtenu par exemple par l'une des deux constructions précédentes). Alors :toute injection isométrique de dans un espace métrique complet s'étend de façon unique en une injection isométrique de dans .En effet, est Cauchy-continue donc s'étend en une application continue (unique par densité de ), qui est alors isométrique non seulement sur mais (par densité) sur tout entier.
- Unicité. Soient et deux espaces complets contenant , non nécessairement obtenus par l'une des deux constructions précédentes, mais vérifiant tous deux la propriété universelle ci-dessus. Montrons qu'il existe entre et une bijection isométrique fixant les points de . L'inclusion de dans s'étend en une injection isométrique (par hypothèse sur ) et de même, l'inclusion de dans s'étend en une injection isométrique . La composée est alors une injection isométrique prolongeant l'inclusion de dans donc (par hypothèse d'unicité des prolongements à ) c'est l'identité de . De même, est l'identité de .
- Variantes.
- On peut démontrer de la même façon l'unicité à l'aide d'une autre propriété universelle vérifiée de même par tout espace complet dans lequel est dense :toute application uniformément continue de dans un espace métrique complet s'étend de façon unique en une application uniformément continue de dans .
- Pour qu'un espace complet contenant soit isomorphe (par une isométrie fixant les points de ) à un espace complet dans lequel est dense, il suffit en fait qu'il vérifie la propriété suivante :toute injection isométrique de dans un espace métrique complet s'étend de façon unique en une application continue de dans .En effet, il existe alors (par le même raisonnement que dans la preuve d'unicité ci-dessus) deux applications continues et , fixant les points de et telles que . Alors, est surjective et (par densité) isométrique non seulement sur mais sur .
- On peut démontrer de la même façon l'unicité à l'aide d'une autre propriété universelle vérifiée de même par tout espace complet dans lequel est dense :
Si cette procédure est appliquée à un espace vectoriel normé, on obtient un espace de Banach contenant l'espace original comme sous-espace dense.